Warren Buffett tombe dans la banalité et s’avère incapable de nous éclairer sur le monde d’après. Quel naufrage<!-- --> | Atlantico.fr
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Le financier Warren Buffett a envoyé ce week-end sa traditionnelle lettre aux actionnaires.
Le financier Warren Buffett a envoyé ce week-end sa traditionnelle lettre aux actionnaires.
©BILL PUGLIANO / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Atlantico Business

La dernière lettre annuelle de Warren Buffett montre à quel point l’homme qui fut le plus riche du monde n’a pas compris pourquoi il était désormais dépassé par Elon Musk au palmarès des oracles les plus écoutés.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Comme chaque année à la même époque, Warren Buffett a envoyé ce week-end sa lettre aux actionnaires. Une lettre qui a toujours été attendue avec gourmandise par la plupart des épargnants américains, mais au-delà, par tous ceux qui dans le monde s’intéressent à l’économie mondiale, à son évolution et aux rapports de force.

Mais cette année et pour la première fois, Warren Buffett a déçu tous ses fans, tellement il s’est avéré banal et incapable d’éclairer l'avenir.

Tout se passe comme si les désastres de la pandémie et les incertitudes de son évolution avaient eu raison de la perspicacité et de ses ambitions. En clair, tout se passe comme si Warren Buffett n’avait pas compris que le monde était en train de changer et surtout pas compris pourquoi Elon Musk, le patron de Tesla et de Space X, lui était passé devant en termes de richesse comme de popularité.

Pendant plus d’un demi-siècle, Warren Buffett a joué les oracles en prédisant l’avenir, en expliquant ce qui pouvait être important ou pas pour l’immense majorité de la planète.

Dans les années 1960, il annonçait que l’homme américain irait marcher sur la Lune et que le pétrole deviendrait une denrée rare. Entre 1980 et 1990, il se préparait à la chute inévitable du mur de Berlin et à l’effondrement de l’empire soviétique et par conséquent, à la fin probable de la guerre froide. L’éclatement de la bulle Internet en l’an 2000, les attentats islamistes du World Trade Center et le terrorisme ne l’ont pas surpris, pas plus que la crise financière mondiale en 2008...

Warren Buffett ne s’est guère trompé dans ses prévisions et fort de sa capacité d’analyse, il est devenu très tôt l’un des hommes les plus riches du monde. Il était donc crédible avec ses chiffres, ses courbes et ses aphorismes. Il racontait que sa réussite financière ne tenait qu’à un mélange empirique entre l’expertise et le bon sens. Beaucoup de réserves à l’encontre de toutes les spéculations fondées sur un modernisme qu’il jugeait excessif.

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Il était écouté d’une grande partie des Américains qui trouvaient dans ses fonds une garantie de retraite. Il était aussi très admiré par les étudiants en business.

Avec des règles et des arbitrages très simples : les populations ont besoin de survivre dans un climat de liberté, d’où ses investissements dans le pétrole, l’industrie alimentaire (Coca Cola, McDonald), la grande distribution et très tardivement le digital, après s’être lié d’amitié avec Bill Gates dont il admirait la réussite et dont il ne comprenait pas toujours le fonctionnement des produits. Bien plus tard, il s’est même laissé tenter par Apple.

Dans la lettre qu’il vient d’envoyer à ses millions d’actionnaires cette année, Warren Buffett reconnaît que la pandémie a frappé le monde entier et que son groupe en a évidemment souffert. Le conglomérat Berkshire Hathaway a perdu plus de 11 milliards de dollars en valorisation d’actifs, son activité banques assurances a baissé de 48% et le bénéfice d’exploitation du groupe a baissé de 9%. L’année a donc été historiquement mauvaise...

Mais le plus terrible, ce sont les conclusions qu‘en tire celui qu’on appelait « l’Oracle d’Omaha », du nom de sa petite ville natale de l’Ouest américain, où il a toujours résidé.

« Si la crise a été sévère, écrit-il, je suis formel, les entreprises américaines s’en sortiront toujours. Depuis que les États-Unis existent, il n’y a pas eu d’autre incubateur de richesses dans le monde capable de libérer le potentiel humain… ». Et d’encourager les épargnants et les actionnaires à maintenir leur confiance dans l’économie américaine et surtout les entreprises que possède son conglomérat.

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Le comble dans la prophétie de Warren Buffett est qu’il n’explique pas pourquoi un tel optimisme, alors qu‘il a toujours su expliquer de façon convaincante ses choix et ses décisions.

Sue le terrain politique, il fera confiance à Joe Biden et à l’administration américaine, mais sur le terrain économique ou monétaire, il ne fera aucun commentaire sur les composants de la politique.

Rien ou peu de réserves sur les risques de la politique des banques centrales et la survalorisation des actifs purement financiers.

Rien ou peu de commentaires sur la montée en puissance de l’économie chinoise, qui était au cœur de la politique étrangère de Donald Trump et qui le restera avec Joe Biden.

Peu ou pas d’appétence pour les risques climatiques ou la mutation digitale, hormis ses collaborations caritatives avec les grands patrons des Gafam dont il ne comprend toujours pas le succès insolent mais dont il est obligé d’admettre la réalité.

Ce qui est très étonnant dans le discours que tient Warren Buffett, c’est qu’il ne semble pas reconnaître que la crise du Covid va jouer le rôle de révélateur et d’accélérateur de changement très puissant. Et notamment dans le transfert des consommations vers tout ce qui participe à la protection de la vie : les industries de la santé, de l’éducation, de la culture et de l’environnement.

Le succès d’Elon Musk se trouve dans la prise de conscience de ce transfert des modes de consommation, même si la communication du changement est plus forte que la réalité même du changement en cours.

Pour lui, tout se passe comme si l’après-Covid sera un retour à l’avant Covid. Et d’ailleurs peu importe si Warren Buffet a perdu des places au palmarès des hommes les plus riches du monde, à l’écouter ou à le lire, il pense toujours être immortel. Et quand quelques importuns lui demandent encore cette année, alors qu’il a 90 ans, s’il songe à se retirer des affaires, il s’offre le plaisir d’annoncer que l’un de ses plus fidèles dirigeants du groupe est parti à la retraite cette année, contre son avis, « à un âge ridiculement prématuré...». Il avait 103 ans...

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