Vertigineuse dégringolade des ventes de détail : y a-t-il un pilote dans l’avion France ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Le bilan de l'économie française est alarmant.
Le bilan de l'économie française est alarmant.
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Chiffres inquiétants

Ramenés en moyenne mensuelle, les chiffres du commerce de détail tendent vers les niveaux atteints lors des confinements… Quant à ceux de la consommation alimentaire, ils sont au plus bas depuis plus de 50 ans.

Eric Dor

Eric Dor

Eric Dor est docteur en sciences économiques. Il est directeur des études économiques à l'IESEG School of Management qui a des campus à Paris et Lille. Ses travaux portent sur la macroéconomie monétaire et financière, ainsi que sur l'analyse conjoncturelle et l'économie internationale

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Atlantico : Chiffres du commerce de détail en chute libre, défaillances d’entreprises en hausse, consommation alimentaire au plus bas depuis 50 ans, selon l’Insee. Sur le plan économique, les indicateurs semblent assez inquiétants en France. Comment expliquer cette situation ?

Eric Dor : Les indicateurs économiques montrent en effet que les perspectives de croissance de la France se dégradent. 

Les salaires, même s'ils augmentent, sont encore loin d'avoir rattrapé les prix dont la hausse a été exceptionnellement élevée depuis le début de la crise inflationniste. Les pertes de pouvoir d'achat ainsi subies par les ménages induisent une baisse de leur consommation en termes réels. C'est particulièrement le cas de la consommation alimentaire, pour laquelle la hausse des prix a été très forte. 

La hausse des taux d'intérêt induit une hausse du coût des emprunts qui induit une réduction de l'investissement immobilier des ménages, surtout que cela se combine à un resserrement des conditions de crédit comme les exigences accrues d'apport personnel. Les permis de construire et les crédits immobiliers des banques sont en diminution.

Les dépenses d'investissement des entreprises sont obérées par l'incertitude sur les perspectives de demande et l'évolution des coûts de l'énergie.

Ce sont donc toutes les composantes privées de la demande intérieure qui sont comprimées. La demande extérieure est également confrontée à des risques de dégradation additionnelle. Les exportations vers la partie du monde hors zone euro vont être comprimées par le ralentissement économique en Chine et aux Etats Unis. Les exportations vers la zone euro sont orientées à la baisse à cause de la croissance insuffisante, voire même de la récession pour des pays comme l'Allemagne. 

Quel est l’état réel de l’économie française ? À quel point le bilan est-il alarmant ?

La France est confrontée à des problèmes structurels qui sont en aggravation continue. La productivité du travail diminue fortement depuis 2019, contrairement à la plupart des autres pays de l'union européenne. Cela menace la croissance potentielle à long terme, à moins que problème puise être corrigé. Une partie de la force de travail manque des qualifications utiles pour participer au marché du travail des secteurs à forte valeur ajoutée. Le chômage diminue mais une trop forte concentration de l'emploi sur des secteurs peu sophistiqués pose un problème pour la croissance et la prospérité potentielle du pays. La spécialisation productive du pays est peu adaptée aux défis que pose la transition écologique. Le manque de compétitivité, concernant les coûts ou les gammes de produits, induit une dégradation continue du commerce extérieur hors énergie. Le déficit commercial se dégrade de manière incontrôlée, même pour des secteurs censés être des fleurons nationaux comme l'agroalimentaire. La croissance reste trop dépendante des impulsions induites par les dépenses publiques. 

Et pendant ce temps-là, la BCE poursuit sa politique pour ralentir l’activité et le patron de la Bundesbank, Joachim Nagel, proclame que la récession n’est pas le problème mais la solution… Comment expliquer cette approche totalement contre-productive ?

La zone euro est divisée entre des pays qui prônent une continuation du resserrement monétaire jusqu'à ce que l'inflation retourne à l'objectif, quel qu'en soit le coût en termes de récession, et ceux qui préconisent une approche prudente pour limiter les dégâts sur la croissance. La situation se complique à cause des différences d'exposition des pays de la zone euro aux marchés financiers. Les partisans d'un resserrement fort de la politique monétaire sont généralement des pays où la dette publique est bien maîtrisée et qui ont donc peu de craintes que l'augmentation des charges d'intérêt détériore leur solvabilité. Par contre les pays qui prônent la prudence sont plutôt des pays surendettés qui craignent que la hausse des taux d'intérêt induise une défiance des marchés en ce qui concerne leurs obligations publiques, et donc une nouvelle crise des dettes souveraines en zone euro. Les pays prônant une politique monétaire agressive ont beau jeu de remarquer que les pays prudents souhaitent simplement que la politique monétaire continue à soutenir artificiellement leur solvabilité, pour s'épargner l'assainissement nécessaire de leurs finances publiques, toujours reporté. 

Quelles pourraient être les conséquences pour l’Europe de cette situation désastreuse ?

C'est le scénario maintenant très plausible d'une stagflation. L'Europe aurait alors moins de possibilités pour investir sur la transition et la perte de compétitivité serait aggravée. Les risques de crise financière seraient également accrus sur les dettes privées et publiques. La situation continuerait à détériorer la cohésion sociale.

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