SpaceX, projet Starship et Mars : l’ambition démesurée d’Elon Musk pour l’aventure spatiale <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Science
Denis Granjou publie « Elon Musk, changer le monde » chez City éditions.
Denis Granjou publie « Elon Musk, changer le monde » chez City éditions.
©Britta Pedersen / POOL / AFP

Bonnes feuilles

Denis Granjou publie « Elon Musk, changer le monde » chez City éditions. SpaceX, Tesla, PayPal... Tous ces succès sont l'oeuvre d'un seul homme : Elon Musk. Il est l'entrepreneur le plus visionnaire du siècle. Celui qui bouleverse les habitudes, anticipe les changements de société, innove en permanence et qui s'est lancé dans la conquête de l'espace en rêvant tout simplement de coloniser Mars ! Extrait 2/2.

Denis Granjou

Denis Granjou

Denis Granjou est grand reporter à RTL. Il est également auteur et a notamment publié une biographie à succès de Thomas Pesquet (City). Il vit en Gironde.

Voir la bio »

31 août 2020. Bloomberg Billionaire place Elon Musk à la troisième place des hommes les plus riches de la planète. Le magazine estime que son patrimoine a fait un bond de 12 milliards en une année. Selon Bloomberg, sa fortune personnelle atteint 115 milliards, juste derrière Bill Gates (125 milliards) et Jeff Bezos, numéro 1 avec 202 milliards. Pour Elon Musk, le seul record à battre en cette année 2020, c’est le nombre de lancements de ses fusées dans l’espace. Il avait été établi en 2018 à 21, il sait que ce chiffre sera dépassé pour atteindre 26. Certes, la moitié de ces décollages ont servi le même objectif : Starlink. 940 petits satellites sont en orbite et il en reste 12 000 autres.

Au début du mois de septembre, Elon Musk décide de se rendre en Allemagne pour superviser le début des travaux de sa GigaFactory. L’Alsace a longtemps cru qu’elle tenait la corde dans ce dossier mais l’homme d’affaires a finalement choisi Berlin. Évidemment, son arrivée sur le sol allemand ne passe pas inaperçue. Il a choisi comme ville étape la petite cité tranquille de Tübingen, près de Stuttgart. Sa visite intervient en pleine pandémie mondiale et Elon Musk, en lieu et place de masque chirurgical, a décidé de porter… un bandana noir et blanc autour de la bouche ! Bien sûr, il est totalement assorti à sa tenue entièrement noire mais en qui concerne les mesures barrière, ce choix étonne pour le moins, surtout quand, comme lui, on visite une start-up qui travaille à la recherche d’un vaccin contre le Covid-19.

La visite est d’autant plus singulière qu’Elon Musk minimise depuis le début de la pandémie les effets du virus sur les populations. Il est farouchement opposé se faire vacciner ainsi qu’à faire vacciner les membres de sa famille. Il est aussi défavorable au confinement, lui préférant une « quarantaine ciblée » pour reprendre un de ses termes dans une interview donnée au New York Times. Il a même cette réponse quand une journaliste lui rappelle que de nombreuses personnes qui contractent la maladie peuvent mourir : « Tout le monde meurt… »

À Lire Aussi

Comment la vente de Paypal a permis à Elon Musk de concrétiser ses projets révolutionnaires les plus fous

Pourtant, comme souvent dans sa vie, il suffit d’un déclic. Celui-ci est un simple tweet posté par un de ses abonnés, consterné d’entendre Elon Musk adopter une position antivax. Il lui signifie donc par écrit : « Utilisez vos usines pour fabriquer des respirateurs dont on a besoin de toute urgence. Je suis le propriétaire d’une Tesla et j’aime cette compagnie. Arrêtez de vous montrer idiot sur cette situation. C’est une catastrophe majeure. » Il accepte presque dans la foulée de consacrer plusieurs de ses lignes de production à la fabrication de ce matériel médical indispensable. Il faut noter qu’il s’est résolu à fermer ses usines à partir du 23 mars, la mort dans l’âme, car il considérait avoir pris toutes les précautions sanitaires nécessaires pour ses salariés.

En tous les cas, Elon Musk termine son voyage de trois jours en Allemagne par la rencontre de plusieurs ministres, dont celui de l’Économie, Peter Altmaier, mais aussi Jens Spahn, ministre de la Santé, et enfin Anja Karlicek, ministre de la Recherche. Cette fois, il porte un masque réglementaire et a troqué son tee-shirt noir avec une tache de peinture incrustée pour un costume cravate. Seule Angela Merkel, la chancelière, n’est pas là. Durant la discussion, Elon Musk affirme clairement que la GigaFactory, qui lancera sa production de Tesla fin 2021 à Grünheide, participera à la fabrication de batteries électriques à moyen terme.

Après cette visite, Elon Musk change complètement d’ambiance. Il participe au mois d’octobre à la 23e Mars Society Convention dont le thème – comme son nom l’indique – est la planète Mars. Pour cause de crise sanitaire, cette édition est virtuelle. Plus de 10 000 personnes sont connectées. Parmi elles, évidemment, Elon Musk qui a répondu favorablement à Robert Zubrin, organisateur de cet événement. Les deux hommes sont amis et partagent la même vision sur la conquête de Mars. Au mois de février 2020, Robert Zubrin, ingénieur en propulsion parmi les plus brillants de la planète, s’est rendu dans la base de Boca Chica au Texas et, à la façon d’un chroniqueur, a raconté en quelques lignes son voyage dans la National Review : « Pendant que je parlais avec ma femme Hope dans les locaux de SpaceX, un groupe de mariachis jouait à l’extérieur, offrant un divertissement à de longues files de personnes faisant la queue pour postuler à plusieurs catégories d’emploi. Des centaines ont déjà été embauchées, bientôt des milliers… Musk appelle son projet Starship. Bien sûr, sa capacité doit être démontrée. Pourtant, voici Musk qui ne construit pas seulement le premier vaisseau expérimental mais aussi un centre de production et une flotte. Est-il fou ? Selon les critères conventionnels de l’industrie aérospatiale, il l’est certainement. Mais il y a une logique dans sa folie. »

Durant la réunion Zoom, Robert Zubrin et Elon Musk reviennent sur les grandes lignes de ce projet interstellaire, répondant aux questions les plus techniques des participants sur le choix des carburants et la vie à bord durant le voyage. À la fin de la conversation, avant de se déconnecter, Elon Musk lève la main et lance un joyeux : « On se revoit sur Mars ! »

Mais avant la planète rouge, l’actualité immédiate pour Elon Musk est de superviser deux missions importantes pour SpaceX en décembre et en moins d’une semaine. Il prend d’abord la direction de cap Canaveral le 6 décembre. C’est le jour du premier vol opérationnel du vaisseau Dragon qui a à son bord quatre astronautes. Cette opération est la suite logique du test historique du mois d’août, mais cette fois l’équipage rejoint la Station spatiale internationale pour un séjour de six mois. Ils sont donc quatre à partir pour l’espace. Soichi Noguchi (55 ans) est japonais et il se joint à un trio américain composé de Victor Glover (44 ans), Michael Hopkins (52 ans) et Shannon Walker (55 ans). C’est le 100e lancement d’une fusée SpaceX. Même si la mission est presque devenue une routine pour la société qui ravitaille l’ISS depuis 2012, pas question pour Elon Musk de se reposer sur ses lauriers.

La nouvelle capsule a été améliorée et elle est capable de transporter 20 % de volume de plus que la précédente. Le ciel est d’un bleu limpide sur la Floride. Pas un seul nuage quand la fusée s’élève à la verticale à 11 h 17. La capsule Crew Dragon se sépare du deuxième étage de la fusée 9 minutes après le décollage. Comme prévu, le premier étage redescend sur Terre, ou plutôt vers la mer, ou l’attend une barge de récupération au nom évocateur choisi par Elon Musk : Of Course I Still Love You (Bien sûr que je t’aime encore). La manœuvre de retournement ne pose aucun problème et on entend encore une belle clameur et des applaudissements dans la salle de contrôle du centre spatial Kennedy. Fier de ses équipes, comme il l’écrit sur son compte Twitter, Elon Musk monte ensuite dans son jet privé pour parcourir les 1 750 kilomètres qui séparent cap Canaveral de la base SpaceX de Boca Chica au Texas.

Le 9 décembre 2020, Elon Musk assiste en première loge au test de décollage du prototype Starship SN8. L’objectif est de faire atteindre au premier étage de la fusée l’altitude de 12 000 mètres, puis de couper les moteurs avant d’amorcer la descente. L’opération doit se terminer par le retournement à la verticale du booster de 50 mètres de haut, et son atterrissage près du pas de tir. Là encore, les conditions météorologiques sont parfaites. Les images de ce mastodonte argenté qui transperce le ciel sont impressionnantes. Le scénario est respecté à la seconde près, mais juste après la coupure des moteurs, les ingénieurs devinent que quelque chose d’anormal est en train de se passer. La fusée descend trop vite, malgré l’allumage des trois moteurs Raptor juste avant qu’elle ne touche le sol, le crash est inévitable. Tout de suite après l’incident, Elon Musk analyse la situation. « La pression du réservoir de carburant était basse pendant la descente, ce qui a provoqué une trop forte pression. » Pas de catastrophisme dans ses propos qu’il conclut à nouveau par un hommage à toutes les équipes qui travaillent sur ce projet au long cours. Son dernier Tweet de ce 9 décembre donne le ton : « Mars, nous voilà ! »

Durant ce début de l’hiver 2020, il peut aussi lancer : « Wall Street me voilà ! » En effet, le 21 décembre, Tesla, qui affiche une capitalisation boursière de 400 milliards de dollars, entre dans le prestigieux et convoité S&P 500. Il s’agit de l’indice boursier, qui est construit à partir des 500 plus grandes entreprises cotées sur les Bourses américaines. Les actions de l’entreprise de voitures électriques ont grimpé de 70 % depuis le début du mois de novembre. Augmentation globale pour 2020 : 700 % ! Pour Elon Musk, cette entrée au S&P 500 est une véritable consécration, saluée par l’ensemble des acteurs économiques, à l’exception notable de la puissante et influente holding financière JP Morgan. Ses analystes n’hésitent pas à affirmer que l’action est « surcotée de façon dramatique avec un risque d’explosion de la bulle spéculative créée autour de la marque ». Une chose est sûre, en cette fin d’année 2020, Tesla a plus de poids boursier à elle toute seule que General Motors, Toyota, Honda, Volkswagen et Fiat cumulés.

Comme pour consolider un peu plus l’édifice Tesla, Elon Musk confirme que l’entreprise s’apprête à s’implanter en Inde à l’horizon 2021, même si le lieu de la future usine de production n’a pas encore été choisi.

Juste avant Noël, il décide d’envoyer un message à ses désormais 35 millions d’abonnés sur Twitter. Il ne s’agit pas d’un satisfecit personnel sur l’extraordinaire marche en avant de la société mais d’une simple photo. On voit un short en satin rouge visiblement porté par une femme avec une inscription orange sur les fesses « S3 XY ». Là encore, les abonnés les plus observateurs d’Elon Musk se souviennent d’un tweet publié durant l’été 2020 : « Je vous promets que je vais fabriquer un mini-short fabuleux en satin du même rouge que la Tesla, avec des inscriptions dorées… J’en enverrai à la Shortseller Enrichment Commission pour les réconforter en ces temps difficiles. » Cet acronyme déguisé est une allusion directe à la SEC, à laquelle il voue une haine tenace depuis que le gendarme de la Bourse lui a infligé une amende de 20 milliards de dollars. Les fonctionnaires de la SEC ont bien sûr pris connaissance de ce tweet vengeur et provocateur mais ils ne peuvent intervenir en retour car ils ne sont pas nommément cités !

Ce qui aurait donc pu être un simple coup de griffe teinté de l’humour propre à Elon Musk va pourtant se transformer en véritable opération commerciale d’envergure. Le short est mis en ligne sur le site de Tesla avec ce texte publicitaire, sans doute dicté par Elon Musk en personne : « Célébrez l’été avec les shorts courts Tesla munis d’un cordon ajustable… Courez comme le vent… Profitez d’un confort exceptionnel dès la fermeture des marchés. » Le short est vendu au prix de 69,420 dollars (61 euros). Là encore, les abonnés (très) observateurs d’Elon Musk pourront remarquer la présence du chiffre 420… à l’origine du conflit avec la SEC en 2018, puisque c’était le montant de l’action Tesla qu’avait donné Elon Musk dans son tweet.

Le 31 décembre 2020, Elon Musk n’offre pas des shorts mais trois mois gratuits d’utilisation de l’option de conduite autonome. Un cadeau de Noël réservé aux clients de Tesla qui ont commandé des véhicules lors des trois derniers jours de 2020. L’option Full self driving coûte à elle seule 10 000 dollars et elle constitue selon Elon Musk la dernière étape avant une conduite autonome à 100 %. Quant à son ultime tweet de 2020 publié le 31 décembre, au milieu de l’après-midi, il est comme d’habitude nimbé de mystère : « Ignorer le titre. »

Quand Elon Musk ouvre les yeux le 1er janvier 2021, il ne le sait peut-être pas encore mais ce sont ceux de l’homme le plus riche du monde avec une fortune estimée à 199 milliards de dollars. Un chiffre qui donne le vertige et auquel on doit ajouter : 44. Comme 44 millions d’abonnés sur son indispensable compte Twitter. En fait, chaque jour, celui-ci s’enrichit de plusieurs milliers d’abonnés. Elon Musk commence l’année par un achat que personne n’avait anticipé. Le 19 janvier 2021, il devient propriétaire de deux plateformes de forage pétrolier pour 7 millions de dollars, qui appartenaient jusqu’alors à la société britannique Valaris désormais en proie à de graves problèmes financiers (elle a depuis déposé le bilan).

Le patron de SpaceX a bien sûr une idée derrière la tête en réalisant cette transaction : offrir à ses fusées de nouveaux points de décollage à une trentaine de kilomètres des côtes américaines pour éviter les nuisances sonores. Rappelons qu’il souhaite que la fréquence des vols pour Mars soit intensifiée avec des décollages hebdomadaires. Lorsque les deux futurs ports spatiaux sont acheminés jusqu’au port de Brownsville pour y être entièrement modifiées, il les rebaptise en leur donnant les noms des deux lunes de Mars Phoibos et Deimos. Le port de Brownsville est situé à la pointe sud du Texas, à une vingtaine de kilomètres de la base spatiale SpaceX de Boca Chica. C’est sur la base texane qu’Elon Musk a programmé un décollage d’un nouveau prototype Starship-SN9 moins de deux mois après l’explosion, à l’atterrissage, du premier.

Le lancement a lieu le 2 février, comme d’habitude au beau milieu d’une zone désertique, à quelques centaines de mètres des eaux du golfe du Mexique. La fusée s’élève à 12 000 mètres comme prévu dans le plan de vol, avant d’amorcer sa descente une fois ses moteurs coupés. On la voit ensuite se positionner à l’horizontale comme si elle flottait dans l’air avant que la manœuvre de retournement à la verticale ne commence pour préparer l’atterrissage, la phase la plus délicate et incertaine de l’opération. Hélas, comme au mois de décembre, le prototype explose dans une gigantesque gerbe de flammes dès qu’il touche le sol. Un des ingénieurs en charge de ce vol communique peu après sur l’incident : « Nous avons eu un excellent vol mais nous devons juste travailler un peu sur l’atterrissage. »

Étrangement, Elon Musk ne commente pas cet échec sur son compte Twitter qui compte à présent 45 millions d’abonnés. Il décide ce jour-là de se mettre en retrait du réseau social, comme il l’explique dans un tweet daté de ce 2 février 2021 à 9 h 45 le matin : « Off Twitter for a while » (Hors de Twitter pendant un moment). S’il ne justifie pas sa décision, plusieurs spécialistes des réseaux sociaux notent qu’elle intervient après une série de tweets aux conséquences économiques certaines. En clair, dès qu’il donne le nom d’une société sur son compte Twitter, il peut changer le cours de l’histoire pour cette dernière, comme d’un claquement de doigts.

A lire aussi : Comment la vente de Paypal a permis à Elon Musk de concrétiser ses projets révolutionnaires les plus fous

Extrait du livre de Denis Granjou, « Elon Musk, changer le monde », publié chez City éditions

Liens vers la boutique : cliquez ICI et ICI

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !