Proche-Orient : la guerre de cent ans<!-- --> | Atlantico.fr
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Des soldats israéliens ciblent des positions stratégiques du Hamas vers la bande de Gaza depuis leur position le long de la frontière avec l'enclave palestinienne, le 17 mai 2021.
Des soldats israéliens ciblent des positions stratégiques du Hamas vers la bande de Gaza depuis leur position le long de la frontière avec l'enclave palestinienne, le 17 mai 2021.
©EMMANUEL DUNAND / AFP

Le point de vue de Dov Zerah

Depuis dix jours le Proche-Orient connaît un nouveau regain de violence avec une multiplication des fronts : guerre entre Israël et le Hamas, violentes manifestations dans les villes israéliennes mixtes, heurts dans les territoires de Cisjordanie, soubresauts à la frontière israélo-libanaise…

Stéphane Wahnich

Stéphane Wahnich

Stéphane Wahnich est Chercheur à l'Université de Tel-Aviv, Laboratoire ADARR et ex Professeur associé des Universités de l'Université Paris Est Créteil (UPEC). 

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Dov Zerah

Dov Zerah

Ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA), Dov ZERAH a été directeur des Monnaies et médailles. Ancien directeur général de l'Agence française de développement (AFD), il a également été président de Proparco, filiale de l’AFD spécialisée dans le financement du secteur privé et censeur d'OSEO.

Auteur de sept livres et de très nombreux articles, Dov ZERAH a enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), à l’ENA, ainsi qu’à l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC). Conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine de 2008 à 2014, et à nouveau depuis 2020. Administrateur du Consistoire de Paris de 1998 à 2006 et de 2010 à 2018, il en a été le président en 2010.

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Le feu a été mis aux poudres avec l’annulation des élections palestiniennes par Mahmoud ABBAS qui craignait de les perdre. Cela a entrainé des manifestations sur le Mont du Temple, au moment où les Israéliens fêtaient le 54ème anniversaire de la réunification de Jérusalem. Les extrémistes des deux bords se sont alors réveillés pour alimenter la violence.

Le véritable sens des événements récents est la volonté du Hamas de prendre le dessus sur l’autorité palestinienne, d’obtenir les faveurs des habitants de Cisjordanie et de marginaliser le Fatah. Pour ce faire, il cherche à démontrer qu’il est le seul vrai opposant à Israël et le véritable protecteur des Palestiniens.

Dans le même temps, le Hamas a torpillé la constitution du « gouvernement de changement » censé tourner la page de Benjamin NETANYAOU avec une coalition réunissant six partis allant de la droite à la gauche extrême en passant par le centre, avec le soutien du parti islamique arabe Raam de Mansour ABBAS. Le Hamas préfère une confrontation avec la droite qui apporte une meilleure légitimité à son attitude belliqueuse.

De plus, cela empêche l’intégration des Arabes israéliens au sein d’une coalition prouvant qu’ils appartiennent à part entière à la vie politique israélienne. Dans la même logique, les islamistes, fanatisés par des imams proches du Hamas, comme à Lod ou à Jérusalem, ont provoqué des troubles dans les villes mixtes avec des synagogues brulées ou saccagées, éveillant des suspicions sur la loyauté des Arabes israéliens et alimentant le risque d’une « cinquième colonne ». Ces agitateurs extrémistes reposent aussi sur le fait que si les arabes israéliens sont socialement intégrés à la société, ce n’est pas le cas en ce qui concerne le contrat politique. Une large majorité d’entre eux ne reconnaît pas la légitimité à Israël d’être un État juif, d’où les faibles protestations des responsables arabes israéliens face à ses évènements.

Même si indiscutablement, le Hamas a marqué dans un premier temps des points militaires face à Israël notamment en bombardant Tel-Aviv et sa région à plusieurs reprises, il ne semble pas avoir réussi à atteindre son objectif politique face à Mahmoud ABBAS. En effet, les troubles dans les villes mixtes ont tendance à diminuer, les Palestiniens ne semblent pas vouloir prendre le relai en Cisjordanie et le Hamas s’affaiblit de jour en jour militairement à Gaza. Pour preuve, pour masquer ses pertes humaines et contrairement à son habitude, le Hamas ne met pas cette fois-ci en scène ses morts lors de funérailles médiatisées et transformées en manifestations politiques. C’est un indicateur de sa perte de puissance. Le Hamas ne veut pas l’afficher pour ne pas perdre son image auprès des Palestiniens vivant sous l’autorité palestinienne.

Le Hamas a dépassé les lignes rouges et le bombardement de Tel Aviv, d’une ampleur inédite, a entrainé une réaction violente de l’État juif qui n’hésite plus à viser les infrastructures militaires, les responsables du Hamas et du Djihad islamique et leurs habitations. Cette réaction n’a pas été prévue par le Hamas qui s’est laisser entrainer par ses propres mythes sans préparer la sortie du conflit.

La guerre entre le Hamas et Israël est asymétrique. D’un côté, un groupe terroriste tire des missiles aveugles, près de 3 500 à ce jour, sur des civils. De l’autre, une armée effectue des bombardements, près de 1 000 à ce jour, ciblés sur des objectifs retranchés derrière des civils. Grâce à un exceptionnel système antimissiles de défense, « le dôme de fer », Israël ne dénombre qu’une dizaine de victimes dont un militaire; de l’autre côté les pertes restent modestes par rapports aux confrontations antérieures. A l’heure où est écrit cet article, deux cents gazaouis seraient morts, en majorité des combattants du Hamas. Israël sait que s’il veut conserver le soutien des capitales occidentales, il ne doit pas causer trop de décès.

Ainsi, malgré certaines manifestations de par le Monde et une éruption sur les réseaux sociaux commandée par les partisans palestiniens, Israël est soutenu dans sa démarche d’affaiblir militairement et politiquement le Hamas :

  • Contrairement à ce que certains prédisaient, « les Accords d’Abraham » ont tenu. Le Maroc a fait des gestes vis à vis des Palestiniens, notamment par la livraison de matériel sanitaire, mais n’est pas allé jusqu’à remettre en cause ses relations diplomatiques avec Israël. Les Émirats arabes unis (EAU) sont allés plus loin en remettant en cause leur participation à certains projets de développement dans la bande de Gaza face à l’attitude guerrière du Hamas. De son côté, le Soudan n’a pas hésité à affirmer que les événements ne remettraient pas en cause leurs relations avec Jérusalem.

À l’exception notable de la Tunisie, les pays arabes sunnites ne semblent plus vouloir épouser la cause palestinienne soit à cause de l’immobilisme du leadership palestinien, soit pour ne pas soutenir les frères musulmans de Gaza.

De même, il n’est pas possible de ne pas relever que même le Hezbollah ne vient pas en aide à ses frères palestiniens, malgré toutes ses capacités militaires.

Les soutiens financiers et humains des Palestiniens viennent d’Iran ou de Turquie qui cherchent à asseoir leur influence proche-orientale en écornant la seule puissance qui leur oppose une résistance, Israël.

  • De leur côté, les chancelleries européennes, sans aller jusqu’au soutien explicite de l’Allemagne, reconnaissent le droit d’Israël de se défendre car l’enjeu est la survie de l’autorité palestinienne sans sous-estimer la crainte de se trouver confrontées à des soulèvements insurrectionnels des banlieues.

Le seul résultat certain est que ces événements nous éloignent de la paix.

Le principe de base des Accords d’Oslo, « la paix contre la terre », a complétement failli pour les Israéliens. Ils considèrent que ces Accords signés en 1993 ont donné la seconde intifada de 2000-2004. Par ailleurs, le désengagement unilatéral de Gaza en 2005 a entrainé des vagues de milliers de bombardements du pays qui n’a été préservé de catastrophes humaines que grâce au « dôme de fer ».

Pour les Israéliens, la conclusion est claire : que le retrait de territoires soit négocié ou non, il n’a entrainé que la guerre. Aussi, ils sont de moins en moins nombreux les partisans d’un État palestinien et d’un effort territorial. Au-delà de la crainte suscitée par le Hezbollah et ses 100 000 missiles, personne n’envisage vivre des bombardements venant de Cisjordanie et menaçant tout le centre d’Israël car il ne faut pas oublier qu’il n’y a que 8 kilomètres qui séparent Tel-Aviv de la frontière cisjordanienne.

Ce nouvel épisode de cette « guerre de cent ans » va durer encore quelques jours. Les frappes israéliennes vont permettre à Jérusalem de gagner 3, 5 ou 7 ans avant le prochain round et ainsi de suite… Le Proche-Orient continuera d’être tributaire de l’irrédentisme palestinien qui refuse tout État juif et de la majorité des Israéliens qui doute que la paix puisse provenir d’un simple partage territorial.

Stéphane WAHNICH

Dov ZERAH

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