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Pourquoi la France emprunte
à des taux négatifs
(et pourquoi c'est une tragédie)
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Le nettoyeur

La France a emprunté près de 6 milliards d’euros à court terme à des taux négatifs, ce qui signifie que les investisseurs paient pour avoir le droit de nous prêter de l'argent. Le signe du marasme économique ambiant.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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On nous dit que la France est en faillite, que notre dette va nous manger vivants, qu'il faut absolument réduire le déficit, et que sinon les marchés refuseront d'acheter notre dette. Même le gouvernement socialiste est d'accord. Et pourtant, le 3 juillet la France a placé des emprunts à court-terme à des taux négatifs : autrement dit, les marchés nous payent pour avoir le droit de nous prêter de l'argent. Que se passe-t-il ?

Tout d'abord, comme je l'ai déjà écrit, il est faux de dire que nous sommes dans une crise de la dette. Mais, plus généralement, il est empiriquement faux que les taux d'intérêts auxquels un pays emprunte sont liés à sa dette ou a son déficit. Le Japon est le pays le plus endetté au monde, et il emprunte à des taux extrêmement faibles. Contrairement à la France, l'Italie a un surplus budgétaire primaire (c'est-à-dire sans compter les intérêts de sa dette), et pourtant ses taux sont plus élevés.

Alors, qu'est-ce qui fait jouer les taux d'intérêts ?

Pour la France, il y a un aspect politique lié à la crise de l'euro. Un pays soutenu par la BCE n'aura jamais de problèmes de dette, puisque la BCE peut créer de la monnaie à l'infini pour acheter cette dette - c'est même son rôle. S'il est plus ou moins concevable que la BCE puisse lâcher un pays périphérique, il est inconcevable qu'elle lâche la France, puisque cela signifierait la fin de l'euro. Après avoir un peu “testé” la France pendant quelques mois, les marchés se sont rendus à l'évidence.

Bon, ok, donc on emprunte à des taux très faibles parce qu'on est une des économies du “coeur” de l'Europe. C'est super, non ?

En fait, non : ces taux faibles sont une tragédie. Pourquoi ? Parce que ce qui détermine principalement ces taux, c'est la conjoncture économique.

Voici le mécanisme : en théorie, les actifs financiers ont un rendement qui est corrélé à leur risque. Les investisseurs choisissent entre actions (risque et rendement élevé), obligations d'entreprise (moyen) et obligations d'Etat (faible) en fonction du risque qu'ils veulent prendre et du rendement qu'ils cherchent.

Si les taux d'obligations d'Etat sont très faibles, ça veut dire que les investisseurs veulent en acheter beaucoup (c'est cette demande qui fait baisser les taux, puisque les obligations sont vendues aux enchères). Et puisque c'est un actif au risque très faible, si les investisseurs en veulent beaucoup, ça veut dire qu'ils veulent prendre très peu de risques.

Autrement dit, des taux d'intérêts très faibles sont un signe de marasme économique. Lorsque l'économie est en croissance, les taux sont plus élevés car il faut proposer un meilleur rendement aux investisseurs qui en cherchent ailleurs. Lorsque l'économie est en berne, les investisseurs se réfugient vers les obligations d'Etat et les taux baissent.

Heureusement, ces taux faibles sont également une opportunité : puisqu'il n'a jamais été aussi peu cher d'emprunter, l'Etat devrait en profiter pour emprunter massivement et dépenser massivement pour relancer l'économie.

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