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Plaidoyer pour un Medef de la troisième révolution industrielle
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Nouveau monde

Une tribune de Corinne Lepage, avocate, eurodéputée et ancienne ministre de l'Environnement.

Corinne Lepage

Corinne Lepage

Corinne Lepage est avocate, ancien maître de conférences et ancien professeur à Sciences Po (chaire de développement durable).

Ancienne ministre de l'Environnement, ancienne membre de Génération écologie, fondatrice et présidente du parti écologiste Cap21 depuis 1996, cofondatrice et ancienne vice-présidente du Mouvement démocrate jusqu'en mars 2010, elle est députée au Parlement européen de 2009 à 2014. En 2012, elle fonde l’association Essaim et l’année suivante, la coopérative politique du Rassemblement citoyen. En 2014, elle devient présidente du parti LRC - Cap21.

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Qu’il s’agisse d’économie circulaire, d’énergies renouvelables, d’efficacité énergétique, d’agriculture durable, la France patine, quand n’a pas été créé par une politique de stop and go suicidaire, un véritable champ de ruines. Pourquoi ? Tout simplement, car les intérêts économiques de ces secteurs ne sont pas défendus suffisamment dans la mesure où les grandes entreprises qui les ont très partiellement investis ont leurs intérêts économiques et financiers majeurs dans des secteurs conventionnels, précisément menacés par la 3ème révolution industrielle. Pourquoi voulez-vous que les propriétaires exploitants des incinérateurs, qui sont comme par hasard les grands donneurs d’ordre du secteur de déchets favorisent le recyclage et la réutilisation des déchets sans lesquelles leurs installations ne peuvent  fonctionner ? Comment voulez-vous que les gaziers et électriciens voient d’un bon œil le développement des énergies renouvelables ? Ils sont évidemment à l’origine de la destruction volontaire de la filière photovoltaïque en France et du lobbying mené sans relâche contre le rachat des énergies vertes. Comment voulez-vous que la sobriété énergétique puisse permettre comme en Allemagne le développement de l’Internet des objets quand le chauffage électrique reste un outil de promotion privilégiée de EDF ?

L’essor de ces nouvelles activités économiques et industrielles, si nécessaire en ces temps de crise, ne pourra venir que pour autant qu’une logique économique conforme à leurs intérêts pourra se mettre en place. Cela signifie par conséquent organiser un nouveau rapport de force entre l’économie du XXIème siècle et celle du XXème siècle. Pour y parvenir, il est indispensable et urgent de créer un Medef propre à ces entreprises, réservé à celles d’entre elles qui ont réellement leur intérêt dans cette nouvelle rationalité. Notamment, ouvrir, comme le font les organisations actuelles, leurs administrations à toutes les entreprises du secteur nucléaire ou gazier dont l’intérêt principal est de s’opposer au développement des énergies renouvelables, n’a pas de sens. Pour être plus précis, EDF énergies nouvelles représente moins de 1% du chiffre d’affaires d’EDF qui combat systématiquement le rachat de l’électricité verte. En conséquence, intégrer à ces organisations EDF énergies nouvelles revient à faire entrer le loup dans la bergerie et bloquer par avance toute position ferme et offensive de la structure concernée.

Un Medef des industries de la troisième révolution industrielle, quel qu’en soit le nom, devrait se donner comme objectif de créer un autre rapport de force en particulier en coopérant avec le secteur des NTIC (Nouvelles technologies de l'information et de la communication, NDLR) puisqu’il s’agit bien aussi de développer l’Internet de l’énergie. Il s’agit aussi d’entrer dans l’économie de la fonctionnalité, l‘âge de l’accès, comme l’a écrit Jérémy Rifkin voici 15 ans, c’est-à-dire de fonder la création de valeur non plus sur la fabrication des objets mais sur leur utilisation. Pour changer de braquet, dans lequel le modèle industriel est à reconstruire, et c’est peut-être à cet égard une chance, il faut repenser la réglementation, la fiscalité, la logique économique. Si les déchets deviennent des matières premières secondaires, ils deviennent une richesse potentielle et doivent à ce titre être valorisés. Les laisser racheter comme nous le faisons aujourd’hui par millions de tonnes par la Chine est une absurdité. Sait-on que dans une tonne de broyats de matériel électronique fabriquée par la seule entreprise qui le fasse, aux Pays-Bas, se trouve 250 g d’or alors que dans une tonne de minerai, on extrait que 50 g. Sait-on que depuis une décennie, des firmes américaines comme Dow Chemical loue des molécules chimiques mais ne les vend pas, des firmes d’ascenseur ou de moquettes louent leurs produits mais ne les vendent plus. Cette nouvelle rationalité économique ne peut se banaliser qu’avec des révolutions permettant l’innovation et surtout sa mise en œuvre, une fiscalité favorable aux progrès sociaux et environnementaux et une popularisation des bases de cette nouvelle économie triplement gagnante : créatrice de valeur, soutenable et créatrice de sens.

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