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Lycée Gerson : quels que soient les fantasmes, "il est totalement étranger à l'esprit de l'Opus Dei de pratiquer l'entrisme"
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Dangereux amalgames

L'Opus Dei se retrouve involontairement mêlée à une polémique autour d'interventions effectuées par l'association anti-avortement Alliance Vita au sein du lycée catholique parisien Gerson, au cours desquelles l'avortement aurait été qualifié "d’homicide volontaire". Entretien avec sa porte-parole, Béatrice de La Coste.

Béatrice de La Coste

Béatrice de La Coste

Béatrice de La Coste est porte-parole de l’Opus Dei en France.

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Des dérives intégristes dans un lycée parisien ? C'est une polémique qui a débuté le lundi 14 avril sur Europe 1. Polémique dans laquelle les faits sont largement oubliés. En effet, à la suite d'interventions effectuées par l'association Alliance Vita dans le cadre de cours de catéchisme au lycée Gerson, établissement catholique sous contrat avec l'Etat situé dans le XVIe arrondissement de Paris, une lycéenne, restée anonyme, a estimé que des propos intégristes avaient été tenus sur la question de l'avortement. Une déclaration corroborée par le témoignage d'une enseignante, elle aussi restée anonyme. Des mouvances religieuses intégristes seraient selon elle à l'œuvre dans ce lycée, plus particulièrement l'Opus Dei, dont le nom s'est fait connaître auprès du grand public avec la publication en 2003 du roman ésotérique de Dan Brown, "Da Vinci Code".

"L’Opus Dei est au sein de notre établissement aujourd’hui, c’est incontestable. La responsable de cycle et une collègue, au moins, sont de l’Opus Dei. Nous ne sommes plus dans l’offre d’une spiritualité mais dans l’imposition d’une vision des plus obscurantistes de notre société", a jugé l'enseignante. 

<<<<<<< A lire aussi : Gerson, le caté, la tempête dans un verre d’eau et l’incompétence journalistique >>>>>>>>

L'information, reprise telle quelle par l'ensemble des médias, a incité le chef de l'établissement à réagir dans un communiqué : "Il est possible que deux membres de la communauté appartiennent au mouvement d’Eglise, l’Opus Dei parmi les 150 enseignants et personnels. C’est un engagement qui reste strictement privé." 

Une polémique qui intervient alors que le Sénat devait débattre ce jeudi 17 avril en deuxième lecture du projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes, dont certains articles suppriment la notion de détresse en matière d'avortement, et étendent le délit d'entrave à l'information. Le ministère de l'éducation a quant à lui lancé mercredi 16 avril une enquête dans l'établissement catholique afin de vérifier que celui-ci respectait ses engagements vis-à-vis de l'Etat.

Pour y voir plus clair, Atlantico.fr a souhaité s'adresser à la porte-parole de l'Opus Dei en France, Béatrice de La Coste.

Atlantico : L'Opus Dei a été "accusée" par certains médias d'exercer une influence déterminante sur l'enseignement d'un lycée privé d'enseignement catholique parisien, pouvez-vous nous dire ce qu'il en est exactement des liens éventuels entre l'Oeuvre et le lycée Gerson?

Béatrice de La Coste : Il arrive que des établissements catholiques demandent à l’Opus Dei d’assurer l’aumônerie ou l’enseignement religieux. Mais ce n’est pas du tout le cas de Gerson. Il n’y a aucun lien institutionnel entre les deux, et l’Opus Dei n’est jamais intervenu à Gerson, n’y a pas organisé d’activités, et n’a d’ailleurs pas été sollicité pour le faire.

En revanche, deux femmes de l'Opus Dei travaillent bien à Gerson. Elles y exercent leur métier d'enseignantes, d'éducatrices, et en aucune manière n'y "représentent" l'Opus Dei. Elles agissent donc comme tous leurs collègues, en tâchant de bien faire leur travail, d’être attentives à tous, en ne rendant de comptes, le cas échéant, qu’à la direction du lycée.

Tout ce que je peux ajouter, c’est qu’il est totalement étranger à l’esprit de l’Opus Dei de pratiquer l’entrisme. Nos collègues, nos amis, nos proches, connaissent toujours notre engagement, et cela ne peut que nous inciter à vouloir être exemplaires sur le plan éthique, à parler avec tous, à respecter chacun. Mais c’est à chacun de chercher à vivre cela à sa façon : personne, dans l’Opus Dei, ne reçoit de consigne. La responsabilité personnelle et le respect de la liberté font partie des points centraux de notre mentalité.

Dans cette affaire, des interventions auprès des élèves de l'association Alliance Vita sur le thème de l'avortement ont alimenté les soupçons de "dérive intégriste". Quels sont vos liens avec cette association et que vous inspire la manière dont la polémique s'est développée dans les médias?

Je suis assez frappée de la manière dont une espèce de rumeur, reposant sur un ou deux témoignages anonymes, a pu ainsi être relayée et amplifiée dans la presse, avec des titres jouant sur la peur et le goût du sensationnel. On a dit d’abord « intégrisme », maintenant on parle de « dérive sectaire »… À quand le lavage de cerveau…? La dictature des consciences ? Tout cela n’est vraiment pas sérieux, et je trouve dommage que certains médias – pas tous heureusement – renoncent à tout esprit critique dès qu’il s’agit de l’Eglise catholique. Comme si certaines rumeurs étaient bonnes à diffuser malgré tout ! Certains pensent peut-être utile de diffuser les mêmes fantasmes que Dan Brown et le Da Vinci code en leurs temps…

En l’occurrence, il n’y a aucun lien entre l’Opus Dei et Alliance Vita. Le seul lien, c’est celui qui a été fabriqué de toute pièce dans les articles citant tour à tour le témoignage d’une élève se plaignant de l’intervention de Vita, et celui d’une enseignante du lycée s’inquiétant de la présence de deux collègues appartenant à l’Opus Dei… Ce sont deux choses qui n’ont aucun rapport, sauf à vouloir absolument pratiquer l’amalgame, la confusion et la calomnie.

Quel est pour vous l'équilibre souhaitable entre laïcité, enseignement religieux et liberté de conscience notamment sur les questions liées à la vie comme l'avortement ou l'euthanasie? Vous sentez-vous en accord avec la vision de la laïcité prévalente à l'heure actuelle dans la société française?

Pour moi, il n’y a pas d’équilibre à trouver entre la laïcité, l’enseignement religieux et la liberté de conscience : ce sont trois choses qui, d’un point de vue catholique, sont pratiquement synonymes ! La laïcité existe pour protéger la liberté de conscience de tous les citoyens, et l’enseignement religieux est une des expressions de cette liberté.

Pour des questions comme celles que vous évoquez, la laïcité signifie que tout le monde peut exprimer son opinion sur l’avortement ou l’euthanasie, qu’il doit y avoir un débat, qu’il n’y a pas d’opinion interdite, et que l’Eglise catholique, entre autres, est dans son rôle lorsqu’elle fait part de son message et de son expertise en matière d’humanité.

La laïcité qu’on dit parfois « à la française » est en profonde résonance avec l’esprit propre de l’Opus Dei. Saint José Maria, notre fondateur, a toujours eu un discours très positif et, à l’époque, très novateur, sur la liberté et l’importance du dialogue, c'est à dire du respect de toutes les opinions. Nous avons ici, en France, une manière très équilibrée de gérer les rapports entre le domaine civil et le domaine religieux ; l’esprit de l’Opus Dei, en insistant sur la valeur de la citoyenneté, s’y trouve donc très à l’aise.

Si certains trouvent que les catholiques en font trop ou qu’ils devraient cesser de s’intéresser aux débats de société, eh bien! tout ce que je peux dire est qu’il vaut mieux essayer le dialogue que la polémique ou les attaques injurieuses. Il n’y a rien de plus facile que de parler avec les catholiques, ils ne demandent que cela, en général!

Alors qu'on l'assimile souvent à une institution conservatrice, voire très conservatrice, et qu'elle est l'objet de nombreux fantasmes depuis le Da Vinci Code sur l'influence politique masquée qu'elle aurait ou chercherait à avoir, pouvez nous rappeler quelle est la vocation de l'Opus Dei et l'action qu'elle mène en France? Et enfin quels sont les engagements de ses membres ?

L’Opus Dei est une institution de l’Eglise qui a pour but d’aider les chrétiens à vivre pleinement leur foi au milieu du monde, à travers leurs occupations professionnelles et leur vie familiale. C’est un esprit qui porte un regard foncièrement positif sur le monde, sur le progrès technique et social, avec un accent très fort sur l’autonomie de chacun. Le message, c’est : où que vous soyez, quoi que vous fassiez, vous pouvez trouver Dieu et servir les autres, joyeusement.

C’est donc un message qui n’est ni conservateur, ni d’ailleurs progressiste, ou libéral : seulement un message évangélique. L’action de l’Opus Dei, en syntonie parfaite avec l'enseignement des papes, consiste exclusivement à expliquer ce message, à enseigner comment le vivre de façon concrète, incarnée, dans la diversité des circonstances de chacun. C’est pourquoi nous insistons surtout sur l’importance de la prière personnelle, du dialogue intime avec Dieu au long de la journée.

Ceux qui s’engagent dans l’Opus Dei prennent donc un engagement de prière, de vie sacramentelle, et de formation. À partir de là, chacun doit chercher à sanctifier sa vie quotidienne : être un bon parent, un bon époux, un bon professionnel… ou s’il le faut, un bon malade. Toutes les situations sont propres à être avec Dieu, à marcher avec Lui, à le rencontrer dans les autres.

L’Opus Dei dispense sa formation à travers des centres, qui sont installés, en France, dans une grosse dizaine de villes, avec des activités plus occasionnelles dans une quarantaine d’autres lieux. Toujours avec l’accord de l’évêque du lieu, en étroite communion avec lui. Toutes ces activités sont ouvertes à tous, sans distinction de classe sociale, de métier ou d’origine. Des non chrétiens y participent d’ailleurs, parce qu’ils apprécient la qualité de la formation proposée, et y trouvent un encouragement à vivre mieux leurs responsabilités propres.

L’idéal pour nous, c’est qu’on puisse dire que partout où il y a quelqu’un de l’Opus Dei, règne une atmosphère de dialogue, de compréhension, de paix et de joie : que les gens se parlent, s’entendent, et travaillent ensemble de bon cœur.

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