Les taux à long terme français redeviennent positifs. Les politiques vont-ils s’en rendre compte ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président Emmanuel Macron et la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, assistent à une cérémonie en Allemagne en octobre 2019.
Le président Emmanuel Macron et la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, assistent à une cérémonie en Allemagne en octobre 2019.
©Silas Stein / POOL / AFP

Inflation

Après avoir gagné les Etats-Unis, le risque de contagion inflationniste arriverait-il en zone euro ?

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Ils devraient ! 0,14% les 5 et 6 mai : c’est le rendement du bon du trésor à 10 ans. Les décideurs politiques français vont-ils se dire, un jour, qu’il faut revoir leurs programmes, non seulement pour les régions qu’ils rêvent de conquérir, mais surtout pour l’Elysée que tant entendent occuper, dans moins d’un an ?

De fait, nous ne sommes plus à – 0,35%, comme en début janvier ! 49 points de base de plus en 4 mois, 20 en un mois ! L’heureux temps où l’état s’endettait à taux négatif s’est brusquement arrêté. Emprunter à plus de 0%, s’est en fait le tout début d’un atterrissage, au sens d’un  « retour sur terre », pour un pays qui a plus de 2 300  milliards d’euros de dette publique. C’est aussi le moment où l’on doit s’interroger sur le futur, avec une reprise française qui paraît très lente, au milieu d’une zone euro en récession. C’est donc le moment où l’on doit revoir les hypothèses de la croissance française, qui ne serait guère officiellement que de 1,4% de 2025 à 2027 avec, à cette époque, un déficit budgétaire de 2,8% du PIB et une dette publique à 117,7% du PIB. Pour 2021, 37 milliards d’euros de frais financiers pour la dette sont prévus, à peine plus qu’en 2020 (36,6) et moins qu’en 2019 : 40,3 et qu’en 2018 : 41,5 ! C’est fini. C’est faux.

Ce rendement qui monte de 49 points de base en quatre mois, c’est bien autre chose que « l’hypothèse, prudente, que les taux de moyen et long terme sont susceptibles de remonter progressivement… hypothèse d’une remontée du taux nominal à 10 ans au rythme de 50 points de base par an à partir de 2022 », comme on le lit dans le bulletin de l’Agence France Trésor d’avril ! Certes, le taux français a même atteint 0,16% le 30 avril, avant de redescendre un peu, mais la barre du 0% paraît franchie, et sans doute durablement. Certes, nous ne sommes pas les seuls dans cette zone euro où les rendements montent, mais nous quittons aujourd’hui les rendements négatifs, si agréables. Nous y laissons l’Allemagne à -0,23% le 5 mai, contre -0,57% début janvier, une hausse aussi, mais de 24 points de base, moitié moins que la France ! Le symbole est important.

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La question à se poser est donc triple : pourquoi donc les taux montent-ils partout, pourquoi en zone euro même si la croissance y est si médiocre sinon inquiétante, et pourquoi montent-ils plus en France qu’en Allemagne ?

Le risque d’inflation viendrait des États-Unis, et se répandrait ? Oui. C’est effectivement la source majeure de la hausse mondiale des taux : les taux américain passent de 0,9% début janvier à 1,53% le 5 mai, ce qui dicte tous les autres. Cette hausse des taux américains vient d’abord du fort dynamisme de cette économie très capitaliste (740 000 nouveaux emplois en avril, après 565 000 en mars), plus de l’effet des trillions de dollars de soutiens budgétaires pour sortir de la pandémie, plus de celui des vaccinations massives, sachant qu’en contrepartie la Banque centrale américaine achète120 milliards de bons du trésor chaque mois, pour calmer le jeu (les taux) ! Sans oublier qu’elle fait tout son possible pour apaiser par ses paroles les anticipations inflationnistes ! Il y aura donc graduellement plus d’inflation, pour accompagner une reprise américaine aussi forte que possible, « graduellement » si tout se passe au mieux, selon les vœux des autorités. Les derniers chiffres des marchés financiers semblent montrer qu’ils y croient, après avoir été alarmés un temps par Janet Yellen. En effet, elle a parlé en début de semaine de hausser éventuellement les taux courts si l’inflation accélérait (ce qui n’est plus son domaine), puis a précisé sa pensée (c’était une lointaine hypothèse, pour aider à calmer l’inflation) et ramené le calme : pourvou que ça doure !

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Le risque de contagion inflationniste arriverait en zone euro ? Oui, c’est inévitable dans ce marché mondial de la dette sous influence américaine, mais très problématique sinon contradictoire, en pleine récession ! En effet, Christine Lagarde, la Présidente de la Banque centrale européenne, veut toujours 2% d’inflation de manière stable, sachant qu’elle est actuellement de 1,6% en zone euro, mais pour des effets de base (l’inflation il y a un an étant très faible). Le chiffre d’inflation devrait donc décélérer, pour aller vers 1,3% à moyen terme. Pas assez d’inflation et surtout de croissance ! La BCE va donc soutenir l’activité par ses achats de bons du trésor, voire importer de l’inflation américaine, ce qui aide, notamment aussi longtemps que l’inflation dépasse les taux nominaux. Un taux réel négatif, ça aide mais n’est pas un signe de force ! Pendant combien de temps les épargnants européens vont-ils accepter de perdre de leur pouvoir d’achat en prêtant à leurs états et à leurs entreprises ? L’inflation européenne va monter, stimulée par la BCE, plus l’effet américain.

Le risque politique français ? Oui, plus encore. Ne vient-il pas des élections régionales, préfiguration d’une élection présidentielle complexe et d’élections confuses à la Chambre ? Il est assez « clair » en effet que les régionales sont une pré-présidentielle, mais tout ceci est exclusivement politique, jeu de personnes et d’alliances, sans vrai programme chiffré, notamment du côté des Verts où résident le plus d’inconnues, autrement dit de dépenses. Nous avons les premières réponses des investisseurs.

Cachez ces taux français que je ne saurais voir : un jeu risqué puisque, moins on veut les voir, plus ils montent !

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