Les JO 2024, une bonne affaire pour l’économie française, vraiment ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Une banderole géante avec le logo de la candidature de Paris aux Jeux Olympiques d'été de 2024, prise depuis une plate-forme installée sur le pont Alexandre III.
Une banderole géante avec le logo de la candidature de Paris aux Jeux Olympiques d'été de 2024, prise depuis une plate-forme installée sur le pont Alexandre III.
©Jean-Baptiste GURLIAT / SERVICE DE PRESSE DE LA MAIRIE DE PARIS / AFP)

Course aux médailles

Organiser les JO, est-ce forcément rentable ? L'objectif des Jeux Olympiques de Paris 2024 en termes de retombées économiques et de créations d'emplois pourra-t-il être tenu ? Est-il possible d'éviter les dérapages observés à Montréal, Athènes, Barcelone ou Rio de Janeiro ?

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Atlantico : A quel point est-ce que l’organisation des Jeux olympiques coûte cher ? Et faut-il craindre des dépassements de budget ?

Alexandre Delaigue : Les dépassements de budget sont monnaie courante lors de l’organisation des JO et font partie de l’équation initiale mais les dérapages budgétaires sont les plus élevés sur les jeux d’hiver. Cela est lié à d’importants besoins dans les infrastructures. Il y a quelques cas de dépenses démesurées par le passé comme à Sotchi. De manière générale, pour les jeux d’été, le dépassement moyen de budget est de 170 %. La dépense est trois fois plus importante que ce qui avait été prévu initialement. Le record en termes de dépassement de budget pour les jeux d’été est détenu par Montréal. Les jeux de Pékin étaient à l’équilibre mais les observateurs doutaient de la sincérité des chiffres communiqués par la Chine. Pour les jeux de Londres et de Tokyo, les dépenses ont représenté le double de ce qui était attendu initialement. L’essentiel des dépassements budgétaires intervient dans la dernière année, juste avant les Jeux olympiques. Il n’y a donc pas de bonne surprise.

Les Jeux olympiques sont un méga projet. Énormément d’éléments doivent être pris en compte. Les accidents ne sont jamais des bonnes surprises. Il va falloir dépenser plus. Il n’y aura pas de bonne surprise vous permettant de dépenser moins.  Les retards sur les chantiers sont les principaux postes de dépenses. Cela génère beaucoup de surcoûts. Ce fut le cas pour les JO d’Athènes. Le budget pour la sécurité peut être également un autre poste de dépenses, ce fut le cas pour Londres pour renforcer les moyens face à la menace terroriste.

Pour les Jeux olympiques de Paris 2024, rien que la prise en compte de l’inflation a conduit à augmenter tous les budgets de 10 %. Suite aux récentes émeutes, des questions se posent sur la nécessité d’augmenter le budget de la sécurité.

L’objectif de ne pas dépasser le budget, qui avait été fixé par le président de la République, a déjà explosé à cause de l’inflation. Or, nous sommes encore à un an du début de la compétition et c’est toujours pendant la dernière année que les plus gros dépassements interviennent.

Quelles peuvent être les perspectives pour les retombées économiques qui sont attendues pour les Jeux olympiques ?

Il y a effectivement des gains directs grâce aux JO. Il y a d’abord les droits télé qui sont payés par les chaînes du monde entier. Ils pourraient représenter entre 3 et 4 milliards d’euros. Mais ce ne sont pas des revenus pour le pays organisateur, qui touche seulement une fraction négociée avec le CIO de ces droits télé (de 10 à 20 %).

Le budget prévisionnel des JO de Paris est de 4,4 milliards d’euros.

Mais la compétition entraîne des gains indirects. Les JO vont attirer du public avec la billetterie. Il y aura beaucoup de visiteurs et un impact positif sur le tourisme. De nombreux touristes vont visiter la France afin de pouvoir assister aux compétitions.

Il y aura également des gains pour les entreprises, notamment celles du BTP. Il faut construire des infrastructures et certaines régions vont particulièrement en bénéficier, notamment la Seine-Saint-Denis.

40.000 places d’hôtellerie seront nécessaires pour accueillir les jeux. Le secteur hôtelier va bénéficier d’un afflux de visiteurs.

Cette partie du budget investi dans ces domaines ne sera pas dépensée pour rien.

En revanche, les entreprises de BTP auraient pu construire autre chose à la place des infrastructures sportives si nous n’avions pas organisé les JO. Les mêmes budgets auraient pu être affectés à d’autres projets comme des transports, des logements sociaux…

L’afflux des touristes est une bonne chose lorsque vous êtes une ville peu touristique. Mais Paris est une ville qui est déjà extrêmement touristique. Un effet de substitution va avoir lieu. Toutes les personnes qui réservent pour venir à Paris et en France au moment des Jeux olympiques vont contraindre les touristes qui souhaitaient prendre des nuits d’hôtels pour aller à des festivals ou pour visiter la capitale en temps normal. Tous les hôtels seront pleins à cause de la compétition.

Les gens qui viennent à Paris pour suivre les Jeux olympiques ne sont pas le même genre de touristes que ceux qui profitent des activités culturelles en ville, qui vont sur les bateaux mouches et qui effectuent des dépenses importantes dans les magasins de luxe. Ces clientèles fortunées ne viendront pas à Paris l’année des JO. Elles iront à Venise ou dans d’autres villes.

Il est fort possible qu’à la fin des JO, les articles dans la presse reviennent sur le mécontentement des hôteliers et des restaurateurs face aux faibles dépenses des touristes étrangers.

La France et Paris sont déjà d’énormes destinations touristiques. Mais cela ne va pas faire bouger les lignes ou provoquer d’afflux supplémentaires de manière très spectaculaire.     

Sur l’aspect touristique, Londres avait effectivement fait le constat en 2012 que le nombre de touristes qui étaient venus avait diminué pendant les JO par rapport à une année normale…

Cela pourrait être une éventualité effectivement pour Paris aussi. De nombreux festivals et événements seront annulés en France lors de l’année 2024 pour des raisons de sécurité face aux moyens mobilisés à Paris pour sécuriser la compétition et les sites olympiques. Ces annulations vont entraîner un recul du nombre de touristes.

Accueillir les JO serait-il donc une opération délicate sur le plan économique ?   

L’organisation des Jeux olympiques n’est pas une bonne opération effectivement. Le spectre des perspectives se situe entre un bilan équilibré à zéro comme ce fut le cas pour Los Angeles en 1984 jusqu’à la ruine intégrale avec un coût démesuré pour l‘organisation.

Pour Londres, le Royaume-Uni avait les moyens pour assumer le coût de l’organisation. Mais le gain économique n’a pas été considérable.

Les Jeux olympiques sont en réalité des dépenses de prestige. L’organisation d’un tel événement ne peut pas répondre uniquement à des questions budgétaires et des objectifs de rentabilité.

La compétition peut apporter de la notoriété à la ville hôte. Ce fut le cas notamment pour Séoul. Cela a permis de démontrer que la Corée du Sud était devenue un pays riche. Séoul est alors entrée sur la carte mondiale du tourisme grâce aux JO. Pour les villes qui ont déjà une forte notoriété, les JO ne sont pas un gros avantage.

L’organisation d’une telle compétition apporte en revanche de la satisfaction. A Londres, les Britanniques étaient très satisfaits pendant la période des trois mois autour des jeux. Les études d’opinion à cette période ont montré que les Britanniques étaient très fiers d’accueillir les jeux, étaient satisfaits des résultats des athlètes britanniques. Cette compétition apporte de la satisfaction auprès des citoyens du pays hôte. Mais cet effet n’est pas durable malheureusement. A Londres, dès le mois de septembre, les niveaux de satisfaction avaient chuté et retrouvé leur cours normal. La fierté de l’organisation des Jeux olympiques n’est pas éternelle.

Cela apporte quelque chose en termes de dépense de prestige. Cette situation s’apparente à celle des pays qui construisent les immeubles les plus grands du monde. En termes de budget, les tours de Dubaï ont coûté l’équivalent du budget pour l’organisation des JO.

Les effets de long terme ou de moyen terme concernant la popularité et la renommée des infrastructures qui sont installées pour les jeux et qui ont vocation à être pérennisés après peuvent-ils rééquilibrer la balance et avoir des intérêts sur le long terme ?

Les jeux d’hiver sont un gaspillage total. Des énormes infrastructures sont construites mais ne sont plus utilisées après.

Dans le cas des jeux d’été, les infrastructures sportives sont un peu plus réutilisées. La France pour les JO de Paris n’a pas à construire énormément de nouvelles structures.

Le village olympique est un dossier majeur également. Dans le cas des JO de Londres, le village olympique avait été transformé par la suite en logements. Cela a été une source de recettes même si cela n’a pas comblé le coût des jeux.

En revanche, pour le cas du Brésil, le village olympique était en très mauvais état. Il a été totalement inutilisable.

Les nouvelles infrastructures en France ou les projets pour désenclaver la Seine-Saint-Denis avec de nouvelles lignes pour les transports en commun sont de bonnes occasions à saisir grâce aux JO mais ces chantiers auraient dû être entrepris depuis longtemps… Avions-nous vraiment besoin des Jeux olympiques pour cela ? 

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