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Les grands patrons allemands refusent la réforme du travail détaché et partent en guerre contre Macron (qui s’en frotte les mains)
©REUTERS/Ralph Orlowski

Atlantico Business

La réforme du travail détaché, arrachée de justesse par la France au Conseil européen, a mis les patrons allemands en colère...

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Il fallait s’y attendre. La négociation entre les ministres du Travail européens à Luxembourg a été assez tendue. La France, appuyée par l’Espagne et l’Italie, a donc obtenu un compromis sur la question des travailleurs détachés, compromis qui durcit la réforme prévue.

Les faits d’abord : on a réussi à se mettre d’accord sur un principe très simple, à savoir, « à travail égal, salaire égal,  et ce quelque soit la nationalité européenne du travailleur »

En théorie, l‘emploi de travailleurs polonais ou roumains ou même de tout l’est de l’Union européenne, et qui arrivent par bus entier pour travailler sur les chantiers à des prix défiants toute concurrence, est révolue. Sauf à ce qu‘ils soient payés au prix du marché local. L’accord prévoit que les charges sociales payées soient celles du pays d’origine. A charge pour le conseil de coordonner les régimes de sécurité sociale.

Le compromis a fait quelques exceptions au principe d’égalité : les chauffeurs routiers pour tous ceux qui habitent à la périphérie de l‘Union, y compris les espagnols. Il semble bien d’ailleurs que la France, qui tenait à cette réforme, a obtenu le vote de l’Espagne contre le fait d’accepter que les chauffeurs routiers soient en dehors de l’accord.

Par ailleurs, un point de la directive concerne la durée maximale d’une mission en détachement. Elle devrait être ramenée à 24 mois. La France se bat encore pour qu'elle soit limitée à 12 mois, alors que la durée moyenne des missions tourne autour de 6 mois. La demande francaise est donc très symbolique.

Ces dispositions devraient entrer en application dans les deux ans. Les pays les plus réfractaires demandent 5 ans. Ce point-là n’est pas réglé.

Les effets, ensuite, sont assez limités dans l’immédiat. D’autant qu'il va falloir mettre en place un dispositif de contrôle contre la fraude, qui permettra de lutter contre les travailleurs clandestins et de fermer « les sociétés boites aux lettre ». Mais à terme, il est évident que les conditions de travail doivent évoluer vers plus de coordination au niveau de l’Union ; ce qui ne plait évidemment pas à tout le monde.

Les mécontents ne vont pas baisser les bras immédiatement. Les pays de la bordure est de l’Union européenne sont contre, parce que ce système apportait du travail (certes dévalué) et du pouvoir d’achat à des personnes qui ne trouvaient pas dans leur pays de quoi vivre. La procédure des travailleurs détachés avait été mise au point pour aider les pays nouvellement arrivés dans l’Union à surmonter une partie de leur chômage tout en soutenant la consommation interne.

La directive revue et corrigée à Luxembourg est donc critiquée par les gouvernements, mais soutenus par les syndicats de l’est qui voient là une façon de protéger les salariés détachés.

C’est une façon de lutter contre le dumping social à l’intérieur de l’Union européenne.

En revanche, les plus mécontents sont les grands patrons allemands. Eux qui tressaient des couronnes de laurier à Emmanuel Macron  sont prêts depuis hier à le vouer aux gémonies.

Le patron des employeurs allemands, le BDA, déclare qu’« Emmanuel Macron a sans doute de bonnes idées pour réformer son pays et sans doute l’Europe, mais la proposition de durcir la directive du travail détaché est inacceptable en l’état. »

Angela Merkel qui est en pleine négociation pour former un gouvernement est assez gênée, elle n'a donc fait aucun commentaire. Elle « souligne la coordination entre Paris et Berlin, mais s’abstient de parler des relations avec les pays de l’est européen ».

Pour les entreprises allemandes, le problème est très simple. L’Allemagne reçoit 420 000 travailleurs détachés et en envoie à l’extérieur 240 000. La mise en application de la directive va contribuer a accroitre les couts de production, donc entamer la sacro sainte compétitivité des produits allemands.

Le patronat allemand va donc refuser purement et simplement le principe de « l'égalité de salaire ». Il conteste le plafonnement de la durée à 24 mois.

Le patronat allemand craint trois choses :

Un : un repliement sur soi très protectionniste

Deux : un risque de délocalisations des fabrications dans les pays émergents, ce que l’Allemagne avait assez bien freiné.

Trois : les patrons allemands se demandent s’ils pourront continuer à envoyer en mission leurs ingénieurs de haut niveau à l’extérieur.

Sur le terrain politique, la révolte des patrons allemands peut évidemment rendre service à Emmanuel Macron qui renforce ainsi son image de président défenseur d’une Europe plus unie, plus solidaire et lui permettre de consolider une majorité de nos partenaires autour de ses projets de réforme de l’Union européenne. Ceci dit, maintenant tout va dépendre de l’attitude de Mme Merkel et de son nouveau gouvernement. Tout va dépendre de sa politique européenne et de sa politique d’immigration. Il ne faudrait pas que le coup de frein qu'on va appliquer aux travailleurs détachés ouvrent les portes à l’immigration venant, elle, de l’extérieur de l’Union européenne.

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