La France s’achète 7% de croissance à credit. Mais qui paiera le coût de l’opération ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Ministère de l'Économie et des Finances à Paris.
Le Ministère de l'Économie et des Finances à Paris.
©BERTRAND GUAY / AFP

Tic-Tac

Après une profonde récession (- 8,0% de PIB) en 2020, la France parvient à enregistrer une hausse de + 7% de croissance en 2021. Normalement, la satisfaction devrait être au rendez-vous mais des millions d'électeurs ont compris que tout ne leur a pas été dit. En un mot, la France n'a pas généré de la croissance, elle a acheté celle-ci et de surcroît à crédit. L'essor de la dette publique le démontre et sera notre mine dérivante collective des années à venir.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Selon l'Insee : "  En moyenne sur l'année 2021, le PIB augmente de +7,0 % après –8,0 % en 2020. Le niveau moyen du PIB en 2021 se situe ainsi 1,6 % en deçà de son niveau moyen en 2019. "

Il convient ici de rappeler que le dernier trimestre de 2019 avait été négatif. Notre pays était donc en crise avant le choc exogène du Covid-19 ce qui pose quelques questions que la violence du confinement a mis en retrait de la scène de l'analyse économique.

Selon Euler Hermès et d'autres sources concordantes, le PIB 2019 n'a été que de 1,2% : piètre score en comparaison des pays de la zone Euro.

Ainsi, nous sommes entrés dans la récession de 2020 avec un maigre acquis de croissance.

Face aux risques économiques et sociaux liés à la pandémie, le Gouvernement a sorti un bazooka intellectuellement validé par la théorie keynésienne. L'État a inondé la sphère privée afin d'éviter l'explosion du chômage et le mur des défaillances d'entreprises.

Tout d'abord par des aides directes via un Fonds de soutien, par un dispositif visant la prise en compte du chômage partiel total, par des crédits de campagne sous des appellations diverses et par une mise en place de PGE : prêts garantis par l'État.

A la vue de cet ensemble dont nul ne détient le montant total, ne serait-ce que par le rééchelonnement sur 10 ans des PGE qui interdit tout propos définitif, il faut constater que la France a acheté sa croissance de 2021 comme un ménage va s'endetter dans un organisme de crédit à la consommation.

Le ministre transformé avec un peu d'humour en bonhomme vert de COFIDIS se répand en propos de victoire en oubliant de nous expliciter comment notre pays va honorer le montant de sa dette qui s'élève désormais à 115% du PIB soit un défi qui a 67 années comme terme d'apurement.

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Les optimistes auront raison de penser que l'on pourra faire " rouler " la dette et ainsi la faire courir sur des décennies grâce au talent reconnu des opérateurs de l'Agence France Trésor. ( AFT ).

Sauf qu'un bug nommé le retour de l'inflation va considérablement changer la donne. La charge annuelle de la dette qui s'élève déjà à 38,6 milliards d'Euros va prospérer à notre détriment.

Nous sommes dans le ras-le-bol fiscal qu'avait stigmatisé l'actuel premier président de la Cour des comptes. Et la récente adjudication de l'AFT avec un taux variable vient semer des ronces sur notre chemin.

L'économie mérite la précision et il faut ainsi indiquer que le plan de Relance européen de 750 Mds doit – si tout suit son cours – être partiellement remboursé par la création de taxes perçues par l'UE : écotaxes, taxes GAFAM, etc.

En clair la crise a provoqué l'endettement d'une entité publique ( l'UE ) qui va désormais lever, pour son compte propre, une forme de fiscalité. J'ai déjà eu l'occasion d'énoncer que ceci représentait un précédent d'autant plus absurde que la France a souscrit 70 Mds d'endettement et ne recevra que 40 Mds.  L'initiative franco-allemande n'est plus seulement keynésienne mais socialiste. Pour celles et ceux qui sont férus d'histoire politique et monétaire, qu'ils prennent un rétroviseur et se souviennent des propos de Jacques Delors ( alors à la tête de la Commission européenne ) et de son collaborateur Pascal Lamy dont nul ne saurait oublier qu'il a, une fois à la tête de l'Organisation Mondiale du Commerce , poussé ardemment pour que la Chine bénéficie de conditions favorables auxquelles elle s'attache désormais mordicus.

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Donc apprenons à nous méfier de ces idées en apparence loufoques ( le but d'une entité publique n'est pas de s'endetter en tablant sur les ressources fiscales futures de ses contribuables ) qui finissent par intégrer le monde du réel.

A cet égard, les rapports de France Stratégie sont une mine d'idées prémonitoires notamment l'histoire du loyer fictif reconstitué à payer par les propriétaires immobiliers. 

Pour conclure en quelques lignes cruciales, je souhaite indiquer les enjeux.

Sous l'impulsion du président Macron, la France s'est endettée de près de 300 Mds. Ainsi, il a poursuivi avec un rare brio le travail de ses prédécesseurs. Aucune réforme de l'État mais un déficit budgétaire qui a filé.

Sous la même impulsion d'un président pourtant Inspecteur Général des Finances, la crise Covid va coûter autour de 350 Mds dont plus de 100 Mds de déficit budgétaire pour 2022 ( source PLFR 2022 ).

C'est une socialisation de l'économie qui oublie le célèbre théorème de David Ricardo. " Les dettes d'aujourd'hui sont l'impôt de demain ".

350 Mds d'endettement, c'est plus ( 25 Mds ) que les recettes annuelles de l'État !  C'est presque deux fois les rentrées fiscales de la TVA qui sont prévues pour 2022 à hauteur de 155,7 Mds.

On ne parle pas ici de pièces jaunes mais de la soutenabilité de la dette que la pratique du chéquier " open bar " en vogue car en cohérence avec les ambitions électoralistes ne cesse d'alourdir.

Le Sénat a effectué un chiffrage concernant ses 30 Mds additionnels.

Comment peut-on se gargariser d'un taux de croissance 2021 qui ne matérialise qu'un rattrapage obtenu à coups de milliards de dette publique additionnelle ? C'est stupéfiant de la part de personnes intelligentes.

Cela pose une question de responsabilité car DSK ou Raymond Barre aurait fait mieux avec moins de dépenses. Les insiders, les spécialistes le savent.

Quant à la consistance de la destination des fonds publics, il suffit d'écouter la ministre Borne qui a reconnu que 60 millions d'Euros de fraude avaient été détectés – en quelques semaines – en matière de chômage partiel indûment indemnisé.

D'un côté, le Gouvernement vous dit qu'il est formidable d'avoir vu 1 million d'entreprise se créer en 2021 et comme de bien entendu, on gomme les entreprises d'activité fictive uniquement mises sur les rails pour détourner une part de la manne publique.

Dernier point concernant les Finances publiques : 

La comptabilisation en valeur faciale de la dette ( et non à la valeur de marché ) explique les ajustements comptables qui surviennent un an voire 18 mois plus tard et que la Cour des comptes observe à partir des sources définitives émises par les Comptes nationaux.

Autrement dit, le candidat Macron pourra avancer tel ou tel chiffre : le fact-checking n'aura lieu que début 2024 d'autant plus nettement les dettes entre Administrations sont consolidées ce qui permet un jeu d'écritures comptables.

Le PLFR 2022 a été jugé sévèrement par le Haut Conseil des Finances Publiques. Nous verrons l'analyse du HCFP pour le PLF 2023…..qui sera nécessairement précédé par un collectif budgétaire en Juillet 2022.

Le petit bonhomme vert de la célèbre publicité, notre créancier fournisseur de croissance, pourrait bien nous faire voir rouge moins d'un mois après les élections législatives.

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