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François Hollande, an II : proposition de feuille de route pour enfin entamer les réformes de structure
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Faux départ

Alors que François Hollande a déclaré hier mercredi prendre "soin de la France", il n'a en fait, depuis le début de son mandat, pas entrepris de réformes de structure. Petite série de recommandations.

Frédéric Parrat

Frédéric Parrat

Frédéric Parrat est avocat au barreau de Paris, spécialiste en droit des affaires et en droit social. Il est également enseignant-chercheur à la faculté de droit de l'Université Paris 5 où il dirige le Master 2 "Entrepreneuriat" 

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Mariage pour tous, droit de vote des immigrés, taxe à 75 %, création des emplois d’avenir, non cumul des mandats, transparence du patrimoine des élus… Les réformes engagées ces derniers mois par le gouvernement Ayrault paraissent bien éloignées des défis auxquels notre pays est confronté. La compétitivité de nos entreprises s’effondre, le commerce extérieur se détériore de mois en mois et il y a près de mille chômeurs de plus par jour. En quasi récession, la France ne parvient plus à contenir ses déficits. Il est temps que le gouvernement français s’attaque enfin aux réformes sans lesquelles l’économie française ne pourra redevenir compétitive et créer de l’emploi. Plus le gouvernement attendra, plus il perdra la confiance des français et plus les ajustements seront douloureux. Il y a six réformes de structure qui doivent être engagées simultanément en France. Ces réformes ne sont ni de droite ni de gauche et elles doivent faire l’objet d’un consensus national.

La réforme de l’Etat

En France, la part des dépenses publiques atteint aujourd’hui près de 57 % du PIB contre 48 % en moyenne au sein de l’Union européenne et il y a 5,3 millions de fonctionnaires, soit 20 % de l’emploi total, ce qui constitue un record en Europe. Les chiffres publiés le 22 mars dernier par l’Insee sont très inquiétants : la dette publique devrait s’élever à 93,4 % du PIB à la fin de cette année (contre 85,8 % en 2011) et le déficit de l’année 2013 devrait atteindre 3,7 % du PIB, loin de l’objectif des 3 %. Quant aux perspectives de croissance, elles sont quasi nulles. Par chance, les taux d’intérêt auxquels la France emprunte actuellement sont historiquement bas mais s’ils venaient à augmenter, notre pays pourrait se retrouver au bord de la faillite. Dans ce contexte dégradé, il faut agir et vite. Tout le monde sait que pour atteindre l’équilibre budgétaire, l’Etat français doit se moderniser en profondeur et réduire drastiquement son train de vie. Il ne s’agit pas d’opérer des ajustements ponctuels mais d’engager des réformes structurelles permettant à l’Etat de gagner en agilité mais aussi en efficacité. Au niveau de l’Etat central, il faudrait par exemple réduire immédiatement le nombre de ministres de 34 actuellement à 20 au maximum et supprimer une grande partie des 800 comités théodule qui gravitent autour de l’Etat pour générer des économies tout en améliorant l’efficacité de l’action publique. Pour l’heure, en dehors de l’annonce d’un nouveau plan anti paperasse, dénommé « choc de simplification », et du gel des dépenses de l’Etat, le gouvernement n’a fait aucune proposition qui laisse à penser que l’Etat pourrait s’engager dans la voie d’une modernisation ambitieuse.

La réforme des collectivités territoriales

En France, il y a actuellement 36700 communes, 4055 cantons, 342 arrondissements, 101 départements et 27 régions. Pour gagner en efficacité et éviter les doublons, de nombreux rapports ont montré qu’il était impérieux de réduire les strates administratives en accélérant notamment l’intercommunalité et en supprimant les départements. Le redécoupage des arrondissements permettrait également de réduire sensiblement le nombre de sous-préfectures. Au niveau de la représentation nationale, il faut rappeler qu’il y a en France 577 députés pour 66 millions d’habitants, soit un député pour 113000 habitants contre un député pour 730000 habitants aux Etats-Unis. Si la France avait la même densité de députés que les Etats-Unis, elle ne compterait qu’une centaine de députés. Sans aller jusqu’à cet extrême, il est indispensable de réduire le nombre de députés à 400 et de fusionner le Sénat avec le Conseil économique et social tout en réduisant le nombre de sénateurs à 150 (contre 350 aujourd’hui). Le rapport Balladur qui préconisait la simplification des structures territoriales, la réduction du nombre d’échelons territoriaux et la clarification des compétences et des financements, a été enterré et aucune proposition nouvelle n’a été annoncée par l’actuel gouvernement. Il devient urgent d’engager une grande réforme des collectivités territoriales.

La réforme des retraites

Toutes les réformes qui ont été jusqu’ici menées en matière de régimes de retraite n’ont été que des ajustements provisoires qui n’ont pas permis d’atteindre un équilibre durable. Si rien n’est fait à court terme, les régimes de retraite de base et complémentaires connaîtront un déficit annuel compris entre 25 et 30 milliards d’euros à l’horizon 2020 et sur les dix prochaines années, le manque à gagner pourrait atteindre plus de 200 milliards d’euros. Tout le monde sait que notre régime de retraite de base n’est pas viable et qu’il doit être réformé en profondeur. L’instauration d’un régime de « comptes notionnels », sur le modèle de ce qui existe en Suède, pourrait être une solution efficace et pérenne. C’est d’ailleurs cette solution qui a été préconisée par Terra Nova, le think tank du parti socialiste. Dans ce schéma, chaque personne possède son propre capital retraite qui est alimenté par ses cotisations et au moment de partir en retraite, un coefficient de conversion, déterminé en fonction de l’âge et de l’espérance de vie, est appliqué à ce capital pour le calcul du montant de la pension. La mise en place d’un système de comptes notionnels, qui peut fonctionner par répartition, permettrait de rééquilibrer structurellement notre régime de retraite. Le gouvernement a récemment annoncé qu’il faudra sans doute cotiser plus longtemps sans apporter plus de précision. Qui peut sérieusement penser que cela suffira à sauver durablement notre régime de retraite ?

La réforme du marché du travail

Plusieurs pays européens ont réformé leur marché du travail pour le rendre plus souple, stimuler l’emploi et améliorer la compétitivité. Plus les règles d’embauche et de licenciement sont lourdes moins les entreprises sont incités à créer de l’emploi. De nombreux rapports ont montré que le marché du travail actuel favorise les insiders (c’est à dire ceux qui ont déjà un emploi stable et qui sont relativement protégés) mais qu’il laisse à l’écart les outsiders qu’ils soient chômeurs ou précaires. Une plus grande flexibilité du marché du travail peut permettre une répartition plus juste des emplois. Ce n’est pas en créant des emplois aidés par l’Etat et financés par de la dette (à l’instar des emplois d’avenir ou des contrats de génération) dans le cadre de ce que l’on appelle le traitement social du chômage que l’on réforme le marché du travail. Ce ne sont que des pis-allers provisoires qui n’apportent aucune réponse pérenne. Certes, le gouvernement français va dans le bon sens lorsqu’il propose le Crédit d’impôt compétitivité (CICE) doté de 20 milliards d’euros et l’accord emploi compétitivité qui donne un peu plus de souplesse aux entreprises en échange d’une sécurité accrue pour les salariés. Mais il faut aller beaucoup plus loin en simplifiant drastiquement le Code du travail et en baissant directement et massivement les charges patronales pour créer un vrai choc de compétitivité. Il faut également s’attaquer à la réforme de la formation professionnelle pour améliorer l’employabilité des demandeurs d’emplois et mieux coller aux besoins des entreprises.

La réforme de l’assurance maladie

Le déficit de la sécurité sociale dépassera 11 milliards d’euros en 2013. Certes, ce déficit est lié en partie à la crise et à la baisse des recettes de cotisations sociales et de CSG. Mais une partie significative de ce déficit est due à un écart structurel entre l’évolution des dépenses de santé et la hausse du PIB. Il faut donc s’attaquer à ce déficit structurel qui pourrait atteindre près de 3 % du PIB national en 2020 si rien n’est fait d’ici là. Les français sont attachés à leur modèle social et ils savent que seule une réforme d’ampleur garantira la pérennité de ce modèle. Pour l’heure, la grande réforme de l’assurance maladie se fait toujours attendre.

La réforme de la fiscalité

Dès son arrivée au pouvoir en mai 2012, le gouvernement français a choisi d’augmenter fortement la fiscalité des entreprises ainsi que celle qui pèse sur les revenus du capital. C’est un choix politique dont on subit aujourd’hui les conséquences. Un investisseur en capital qui réalise en France une plus-value doit dorénavant payer l’impôt sur le revenu (au taux marginal de 45 %), la contribution sur les hauts revenus (4 %) et les prélèvements sociaux (15,5 %). L’imposition totale peut atteindre 64,5 %. La France est devenue le pays européen qui taxe le plus le capital. Comment s’étonner dans ces conditions que les entreprises ne parviennent plus à trouver les ressources nécessaires à leur développement ? L’épargne des français est énorme et il faut les inciter, par une fiscalité avantageuse, à investir dans l’économie réelle et le financement des PME. Cela pourrait passer par exemple par la défiscalisation totale des plans d’épargne dédiés aux créateurs d’entreprise et plus généralement par la réduction de la fiscalité portant sur le capital investi dans l’économie. La réforme de l’assurance-vie telle que préconisée par le rapport Berger Lefebvre ne va pas dans le bon sens car au lieu d’inciter les agents économiques à investir dans l’économie réelle elle vise à punir, par une remise en cause de certains avantages fiscaux, les sommes qui n’auraient pas été investies dans le capital de nos PME. Il faudrait par ailleurs instaurer un mécanisme d’amnistie fiscale permettant, sur le modèle de ce qui a été fait en Italie et en Belgique, aux contribuables français qui ont placé leurs capitaux à l’étranger de les rapatrier en France moyennant une taxe forfaitaire libératoire. Ce sont plus de 150 milliards d’euros qui pourraient ainsi être réinjectés dans l’économie française. Quant à la taxe de 75 %, elle doit être supprimée car elle donne une très mauvaise image de notre économie à travers le monde et elle est contre-productive. Il est urgent d’engager la réforme du système fiscal pour faire de la France le pays le plus attirant en Europe pour les entrepreneurs, les créateurs et les innovateurs.

Dès lors que le gouvernement français aura commencé à engager ces réformes de structure, il gagnera en crédibilité et pourra plus facilement obtenir de l’Europe un délai supplémentaire pour réduire ses déficits. Il bénéficiera ainsi de plus grandes marges de manœuvre pour relancer son économie. En contrepartie de ces efforts, l’Etat français pourrait également obtenir de l’Allemagne qu’elle autorise la BCE à financer directement des plans de relance massifs en achetant directement la dette publique des Etats européens (ce qui est actuellement interdit par les traités). Il sera aussi plus aisé de faire accepter à nos partenaires la création d’emprunts garantis collectivement par l’ensemble des pays européens (les fameux eurobonds). La partie de notre dette publique qui dépasse 60 % du PIB pourrait alors être transférée à l’Europe qui s’endetterait à la place des pays européens. C’est en montrant qu’elle est capable d’engager des réformes de structure que la France rétablira la confiance de ses partenaires et qu’elle pourra les convaincre de s’engager dans une nouvelle ère d’assouplissement monétaire et de relance en Europe. C’est cette perspective que le gouvernement doit proposer aux français. Ce n’est qu’ensuite que les réformes sociétales pourront être engagées.

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