Étoiles de David taguées sur les murs : comment stopper VRAIMENT la vague d’antisémitisme qui balaie la France ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Une personne utilise un smartphone pour prendre des photos d'un mur d'immeuble recouvert d'étoiles de David peintes pendant la nuit, dans le quartier d'Alésia à Paris, le 31 octobre 2023.
Une personne utilise un smartphone pour prendre des photos d'un mur d'immeuble recouvert d'étoiles de David peintes pendant la nuit, dans le quartier d'Alésia à Paris, le 31 octobre 2023.
©Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP

Lutte contre l'antisémitisme

Depuis plusieurs jours, des étoiles de David, peintes à l'aide de pochoirs, ont été découvertes sur les façades d'habitations en région parisienne. Un couple a été interpellé pour avoir dessiné 15 étoiles à l'aide de pochoir sur les murs dans le 10e arrondissement de Paris. Comment est-il possible de lutter efficacement contre l’antisémitisme en France ?

François  Pupponi

François Pupponi

Membre du Parti socialiste jusqu'en 2018, ancien député et maire, pendant vingt-deux ans, de Sarcelles, François Pupponi est l'auteur de « La gauche en perdition - LFI, EELV, NUPES... La grande dérive », « Les Émirats de la République – Comment les islamistes prennent possession de la banlieue » et de « Lettre à mes compatriotes musulmans », parus aux Éditions du Cerf.

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Atlantico : Les actes antisémites se multiplient ces derniers jours en France. Cette semaine, des étoiles de David ont été découvertes sur des habitations des XIIIe, XIVe, XVe et XVIIIe arrondissements de la capitale. La mairie de Paris va déposer une plainte et condamne fermement ces actes. Comment est-il possible de stopper vraiment la vague d’antisémitisme en France ?

François Pupponi : Il y a deux types d'antisémitisme. Il y a l'antisémitisme de personnes incultes, l'antisémitisme primaire, qui vont considérer que le Juif est responsable de tout. Cet antisémitisme primaire s’immisce également dans un certain nombre de quartiers, parmi des jeunes de la communauté musulmane et qui, lorsqu’ils voient ce qu’il se passe en Israël, vont considérer que c'est eux qui sont attaqués et qu'il faut s'en prendre aux Juifs. Face à cet antisémitisme primaire, il est possible de lutter efficacement contre lui avec une politique éducative, du dialogue et des explications. Pour les personnes qui n'ont pas ni la culture, ni l'éducation, ni le niveau, il n'y a que l'éducation ou la répression qui peut les amener à revoir leurs jugements et à changer leur opinion.

Mais il y a un deuxième antisémitisme qui, lui, est beaucoup plus dur à combattre et beaucoup plus insidieux, c'est celui des islamo-gauchistes. Ils ont bien compris aujourd'hui que dire « mort aux juifs » était répréhensible.

Souvent, le premier antisémitisme dont j'ai parlé, est tellement primaire que les personnes concernées vont prononcer directement l’expression « mort aux juifs » et vont expliquer que tout est de la faute des Juifs. Le deuxième antisémitisme, lui, il est beaucoup plus insidieux parce qu'il est le fruit de personnes extrêmement compétentes qui ont une idéologie antisémite et qui ont bien compris que dire « mort aux juifs » était répréhensible mais que, en revanche, dire « mort à Israël » n'était pas condamnable. Ces personnes ont basculé. Leur antisémitisme s'affiche à travers leur antisionisme et leur haine d'Israël. Vous avez en face de vous des gens qui sont cultivés, formés, éduqués et qui sont membres de réseaux qui sont là pour animer la haine d'Israël tout en sachant très bien que cela va entraîner la haine des Juifs, il est alors difficile de lutter contre cet antisémitisme.

Ces difficultés apparaissent également avec le débat autour de l'interdiction des manifestations pro-palestiniennes. Le gouvernement a du mal à les interdire. Qualifier d'antisémite une manifestation pro-palestinienne est extrêmement complexe, même si on sait que pendant cette manifestation, ceux qui l'organisent sont des antisionistes, donc des antisémites. La différence entre les deux est de plus en plus ténue. Cela est extrêmement compliqué à qualifier juridiquement.

Cet antisémitisme-là, celui des individus qui affichent leur antisémitisme à travers l'antisionisme volontairement, et l’idéologie qu’ils véhiculent sont extrêmement mauvais et nuisibles pour la société.

Seul l’arsenal juridique peut freiner l’antisémitisme et empêcher ces dérives. Il faut sanctionner ces individus. Il faut les empêcher d’agir ainsi. Mais ces personnes, vous ne les éduquerez pas. Allez essayer d’éduquer et d’expliquer pourquoi cet antisémitisme est néfaste à un certain nombre de réseaux proches de l'islam radical ou de La France insoumise qui ont basculé dans cette haine- là… Bon courage !

Quelles ont été les principales erreurs commises en France sur le plan de l’éducation et de l’autorité pour en arriver là ?

La France a un problème avec son antisémitisme. Notre pays a longtemps voulu cacher qu’il y avait une part d’antisémitisme en son sein. La France n’a pas voulu voir que l’antisémitisme de l’islamo-gauchisme et celui de la haine d’Israël étaient en train de devenir la nouvelle forme et le nouveau visage de l’antisémitisme. La France a fermé les yeux. Il n’y a pas eu de politique éducative de fond pour lutter contre ce phénomène. Nous avons fait semblant de croire que la France n’était plus antisémite. A force de ne pas voir le problème en face, ce problème finit un jour par vous rattraper.

A chaque fois qu’il y a un acte antisémite en France, les plus hauts responsables de l’Etat font de grandes déclarations. Ils disent notamment que lorsqu’un Juif est tué en France, on tue la République. Que lorsqu’on attaque un Juif, on attaque la France. Au-delà des déclarations de principe, dans les faits, il n’y a pas de réelles réponses. Quotidiennement, dans les écoles de la République, il y a de grandes difficultés et des dérives sur l’antisémitisme. Il aurait fallu déployer une politique plus globale. Elle n’a pas été mise en œuvre.

Pourquoi les politiques ont fermé les yeux ? Vous avez été pourtant l’un des rares à alerter depuis de nombreuses années, notamment au regard de la situation à Sarcelles.

Il y a trois principales raisons. Certains élus sont complices. Cela concerne essentiellement l’extrême gauche, La France insoumise. Ils assument complètement le pacte qu’ils ont passé avec les islamistes.  Ils assument totalement que le conflit israélo-palestinien soit un sujet qui permet de récupérer des voies dans les quartiers populaires. L’extrême gauche assume, a littéralement basculé et est consciente de ses actes et de ses choix.  

Les autres essayent de passer entre les gouttes. Certains estiment qu’il ne faut pas trop en faire, qu’il ne faut pas défendre Israël car il y a des pro-Palestiniens dans ma circonscription. Certains font ce choix de fermer les yeux par peur, par faiblesse ou par calcul. Cela témoigne d’un manque de courage. Ils décident de se taire, d’en profiter, sans songer à la France.

D’autres le font volontairement dans le but de faire évoluer la France sur ce sujet-là.

Un durcissement de la répression pénale est-il envisageable ? L’article 132-76 du code pénal protège-t-il suffisamment face à l’antisémitisme (Les peines encourues pour un crime ou un délit sont aggravées lorsque l'infraction est commise à raison de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée) ?

J'étais de ceux, lors de mon précédent mandat, qui disaient que beaucoup de pays en Europe et dans le monde ont fait évoluer la notion d'antisémitisme en l’élargissant à l'antisionisme. Je pense qu'il faut être beaucoup plus clair et ferme. Crier dans les rues de Paris « Israël assassin », « les Juifs tuent » devrait être considéré comme de l'antisémitisme. Dire « Netanyahu dégage », c'est autre chose. Mais dire « Israël assassin », mettre en cause un État qui est l'État juif ou dire « Israël dégage ou « À mort Israël », c'est de l'antisémitisme. Or aujourd'hui, il y a beaucoup trop d’hésitations dans les condamnations face à ces slogans. Dire que l’on souhaite faire disparaître Israël n'est pas juridiquement tout le temps condamné. Je pense qu'il faut faire évoluer cela. Il y a une définition qui a été faite au niveau international par des organismes qui assimile l'antisionisme à l'antisémitisme. Il faut élargir ce qu'est la notion d'antisémitisme et il faut que la loi évolue sur le sujet au regard de l’antisionisme.

A l'Assemblée, nous avions voté une résolution, mais le gouvernement à l'époque n'a pas voulu qu'on passe à une loi. Je pense qu'il faut passer par une loi.

Y a-t-il des motifs d'espoir dans la lutte contre l'antisémitisme en France ? Est-ce qu'il n'y a pas des motifs d'espoir en France, notamment au regard de l’opinion vis-à-vis de la condamnation des attaques du Hamas du 7 octobre ?

Sincèrement, pour être très proche de la communauté juive et je rentre d'Israël, les Français de confession juive ont peu d'espoir sur l'issue de la bataille. Ils sont sincèrement dépités et inquiets. Ils ont l’impression que leurs ennemis ont gagné. Et ce sentiment est encore plus profond lorsque vous observez le traitement médiatique de la crise actuelle et de la guerre entre Israël et le Hamas. Lorsque vous rentrez d'Israël, il y a une vision des choses encore marquée par les traumatismes, et que vous voyez comment en France certains médias traitent le sujet, vous avez le sentiment que la bataille médiatique et de l'opinion est perdue.

Est-ce que le politique pourrait agir concrètement face au fléau de l’antisémitisme ?

Il faudrait que les politiques aient le courage de tenir un discours de fermeté sur ce sujet. Or aujourd'hui, à part dénoncer des actes antisémites, on voit bien que sur le conflit israélo-palestinien, la quasi-totalité des responsables politiques mettent en garde Israël sur la riposte et son niveau d’engagement à Gaza. Même si les représentants de la classe politique en France condamnent le Hamas et indiquent qu’il s’agit bien d’une organisation « terroriste », la plupart invite Israël à ne pas avoir une riposte disproportionnée en Palestine.

Certains hommes politiques, à l’extrême gauche, vont même jusqu'à comparer le Hamas avec le gouvernement israélien.

Une bonne part des représentants de la classe politique hésitent pour deux raisons : la crainte que le conflit s'importe en France. Or, il s'importera quand même. Et leur deuxième argument est qu’ils souhaitent passer à travers les gouttes. Ils n’ont pas le courage de s’engager sur ce sujet. L'Etat d'Israël a le droit de se défendre. Il n’est pas possible de comparer un État démocratique (Israël) avec une organisation terroriste (le Hamas). Très peu de représentants de la classe politique tiennent ce discours. Plus l'intervention israélienne va durer et moins les gens auront le courage de s’engager et d’être ferme sur ce sujet et dans la lutte contre l’antisémitisme.

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