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Une vue aérienne de cargos attendant à l'entrée du canal de Panama, dans la baie de Panama, le 23 août 2023.
Une vue aérienne de cargos attendant à l'entrée du canal de Panama, dans la baie de Panama, le 23 août 2023.
©LUIS ACOSTA / AFP

Effet domino

Il pourrait bien nous affecter économiquement même s’il se situe à des milliers de kilomètres de la France.

Paul Tourret

Paul Tourret

Paul Tourret est docteur en géographie et directeur de l'Institut Supérieur d'Economie Maritime (ISEMAR).

Cet observatoire des industries maritimes, localisé à Nantes Saint-Nazaire, offre au travers de son site internet de très nombreuses analyses sur l'économie maritime. Chaque année, l'ISEMAR participe à un ouvrage de référence publié par le Marin, l'Atlas des Enjeux Maritimes.

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Atlantico : Le canal de Panama est essentiel au commerce mondial, mais une récente sécheresse a bloqué un grand nombre de navires. Comment expliquer cette situation et quelle a été l’ampleur de cet incident ?

Paul Tourret : Le canal de Panama est situé dans la zone intertropicale qui a priori est arrosée par les pluies, mais avec une saison sèche. En Amérique centrale c’est de novembre à avril, mais cette année le phénomène climatique El Nino provoque une sécheresse dans la région. Cela a une conséquence sur les lacs d’alimentation du système d’écluses du canal de Panama avec moins de pluies et plus d’évaporation. Dans les faits, le canal fonctionne avec l’eau douce du lac Gatun et il faut l’économiser y compris pour des raisons d’alimentation humaine. Chaque navire en transit a besoin de 200 000 m2 d’eau (6 piscines olympiques). L’autorité du canal a décidé de réduire le nombre de transits et les formats accessibles pour économiser l’eau. Les porte-conteneurs doivent se délester de 10% de leurs boîtes. Pour le Panama, le canal représente 20% des recettes nationales, le manque à gagner sera cette année de 200 M $. C’est d’autant plus problématique que le pays a dépensé 8 Mds $ pour changer ses écluses il y a quelques années. L’objectif était d’offrir des formats augmentés notamment aux porte-conteneurs venus d’Asie vers les ports américains de l’Atlantique. Les exportations des USA vers l’Asie pouvaient aussi gagner en productivité maritime.

Pourquoi de telles perturbations pourraient bien nous affecter même si nous nous situons à des milliers de kilomètres de ces sites stratégiques ? L’économie mondiale peut-elle être vraiment grippée et menacée en cas de tensions au canal du Panama ? Quelles sont les principales marchandises qui transitent via le canal du Panama ?

Pour être clair, vu de la globalisation, le canal de Panama est un passage secondaire, notamment comparés aux stratégiques canal de Suez et détroit de Malacca qui relient l’Europe à l’Asie orientale. Le volume en transit ne représente que 6% du commerce maritime international. Si on prend le point de vue européen, l’usage de Panama est mineur. C’est un peu des exportations vers la Côte Ouest américaine et pour la France vers la Polynésie. En termes d’importations ce sont des produits de la mer du Chili, des bananes et du café du Pérou et d’Équateur (dans des volumes non négligeables). La Colombie a elle une façade atlantique. Cela peut être problématique pour des secteurs industriels comme par exemple du caoutchouc pour les fabricants de pneus. Il existe aussi des flux américains vers l’Asie Pacifique comme du soja, du maïs, du pétrole et du gaz américain. Enfin, il y a aussi des lignes directes de Chine vers la Côte Est des USA. Pour résumer, le canal n’est pas stratégique pour la globalisation, mais permet des échanges Atlantique – Pacifique pour tous les riverains des deux Amériques. La gêne de Panama est donc très contrariante pour leurs économies, mais n’a pas de conséquence majeure.

Au regard de cette crise, de la précédente panique avec le canal de Suez, faudrait-il songer à des routes maritimes ou à des passages alternatifs entre les océans Atlantique et Pacifique ? Faudrait-il entreprendre de nouveaux chantiers pour contourner certaines routes maritimes et commerciales trop encombrées ? 

Les grands passages maritimes n’ont que peu d’alternatives. Le canal de Suez peut être évité par le passage sous l’Afrique, le prix en carburant est équivalent aux frais du canal, mais il faut une semaine de plus. Pour le détroit de Malacca, il y a un passage au niveau de Bali avec des jours de navigation en plus. Pour Panama, il n’y a pas d’alternative maritime. On ne va pas faire le tour par le Sud (cap Horn), même si c’est possible. Les alternatives sont ferroviaires. Les conteneurs vers la côte Est peuvent prendre le système continental américain. Ils pourraient aussi passer en partie par le rail entre les rives Atlantique et Pacifique du Panama, mais sûrement en très grand volume. Un corridor pourrait être ouvert entre les ports mexicains. Pour les marchandises en vracs comme les hydrocarbures et les grains, ils trouveraient d’autres débouchés par exemple vers l’Europe dans des recompositions des échanges à l’échelle du monde au grès des prix de marché et du transport.

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