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Eric Zemmour et Michel Onfray pulvérisent l’audience TV avec leur débat sur CNews avec Christine Kelly en décrivant à leur manière le déclin de la France.
Eric Zemmour et Michel Onfray pulvérisent l’audience TV avec leur débat sur CNews avec Christine Kelly en décrivant à leur manière le déclin de la France.
©Joël SAGET / AFP

Atlantico Business

Éric Zemmour et Michel Onfray ont, le week-end dernier, pulvérisé l’audience TV et offert à CNews la meilleure performance TV à cette heure d’access prime time, le vendredi. La combinaison de ces deux pointures a fait un carton, d’autant que leur dialogue sur le déclin de la France préoccupe la majorité des Français.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Quel spectacle que ce face à face entre Éric Zemmour et Michel Onfray, d’autant que leur exercice se rapprochait plus d’un dialogue documenté et pédagogique que d’un duel entre deux analystes antagonistes.

Éric Zemmour et Michel Onfray se respectent. Ça se sent. Ça se voit. Leurs analyses sont parfois divergentes, mais disons que leurs deux lectures du déclin de la France se retrouvent sur la même partition. En posant la question de savoir si cette décadence était une réalité ou un fantasme, Christine Kelly, qui arbitrait ce face à face, a su, avec beaucoup d’intelligence, les amener tous les deux sur le terrain de la pédagogie et du décryptage, plus que dans le jeu de l’antagonisme.

Les deux protagonistes se ressemblent. Ils ont tous les deux l’ambition de convaincre, et le talent d’enseigner comme le faisaient autrefois les professeurs de lycée, c’est à dire en ouvrant leur bibliothèque. Alors, il y avait beaucoup de name-droping dans cette émission, mais sans rivalité pédante, donnant plutôt l’envie d’avoir envie d’aller plus loin en prenant un livre.

Les deux polémistes ont donc débattu ensemble autour des différents sujets d’actualités, mais aussi de la place de la France et de sa puissance. Pour Michel Onfray, « la France, c’est une tension dialectique, c’est-à-dire que c’est un pays idéologique… mais le génie français, c’est aussi la résistance à cette idéologie ».

Éric Zemmour n’a pas contesté le diagnostic  mais il en a profité pour affirmer que « le Grand Siècle de la France, c’est le XVIe siècle : Molière, Racine, Louis XIV… L’époque où la France est un modèle à l’Europe ».

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A l’issue du duel, Christine Kelly a, avec un sourire  un peu triste, bien été obligée de reconnaître que les deux hommes sont « inarrêtables »  dans leur débat, tant ils avaient de choses à échanger. Elle avait raison. Éric Zemmour ne pouvait que se féliciter d’avoir un interlocuteur au diapason de sa tonalité et Michel Onfray ne pouvait pas regretter d’avoir été évincé de France Culture.

Sur le fond de la question, les deux débatteurs ont apporté des éléments d’éclairage, en donnant des clefs de compréhension. D’où leur succès d’ailleurs .

Éric Zemmour aime la France et ne décolère pas de la voir dans cet état, même si pour l’un et l’autre, la situation est le fruit de l’Histoire.

Pour Michel Onfray, le déclin de la France est le déclin judéo-chrétien. La partie est finie ou presque, l’Islam a quasiment gagné la partie.

Pour Éric Zemmour, le déclin est idéologique, philosophique et théocratique. On pouvait penser qu’on était très éloignés de l’actualité. En réalité, on était au cœur des débats actuels, sans tomber dans la vulgarité des polémiques trop fréquentes.

Beaucoup auront trouvé du pessimisme lié à la fatalité d’un destin qu’on ne maitrise pas. Il n’en est rien, mais il leur aurait fallu deux heures de plus pour décrire ce que pourrait être un Etat respectable et respecté, une civilisation comme le dit Zemmour...  Un Etat décentralisé, girondin comme le martèle Onfray. Pour le premier, la révolution n’est que le prolongement de la monarchie, d’où l‘émergence de Napoléon, l’architecte d’un Etat central. Pour le second c’est évidemment le fonctionnement de la démocratie qui est malade.

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Ils ont tous les deux raison et on se demande bien pourquoi ces deux raconteurs de l’Histoire de France ne sont pas mobilisés pour écrire les programmes scolaires. Parce ce que notre déclin se joue d’abord à l'école évidemment.

Ils ont tous les deux raison, mais ce qui est très étonnant, c’est que ni l’un ni l’autre  ne considère que le déclin d’un Etat-nation, et même d’une civilisation pour reprendre l’échelle de Michel Onfray,provient de la composante économique ou financière.

Or, le déclin se mesure d’abord à la perte de puissance et d’influence. La puissance et l’influence peuvent être militaire, intellectuelle, philosophique, mais la puissance et l’influence se mesurent aussi par les moyens, la richesse et la capacité de créer cette richesse. Aucune civilisation, aucun modèle n’échappe à cette vérité des faits et des chiffres. Rome, Athènes ont disparu faute de savoir travailler. La monarchie a disparu ruinée, la république bourgeoise a fabriqué de la richesse mais Napoléon l'a dépensée dans ses guerres, même s'il pillait celles des pays qu'il contrôlait.

Napoléon III a compris que la puissance et la gloire viendraient du développement économique. Ce que n’ont accepté ni la Grande Bretagne, ni l’Allemagne.

Venise a perdu son lustre, en perdant ses banquiers et son commerce, tout comme le Commonwealth qui avait fait de la Grande Bretagne la plus grande puissance commerciale du monde.

Quant aux religions chrétiennes, elles ont survécu en se reformant (sans jeu de mot mais la réforme y a été pour beaucoup).

Les régimes marxistes se sont effondrés parce qu’ils n’ont pas trouvé les mécanismes de création de richesse.

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Et quand on observe la situation actuelle, personne ne doute que la Chine a compris, elle, depuis 25 ans, que son intérêt était de faire la guerre économique à l’Occident. Sa puissance et son influence sont dans sa démographie et son efficacité économique et financière...

Quant à l’islam politique qui inquiète à juste titre nos deux polémistes, sa stratégie est une stratégie de conquête mondiale, mais pour la réussir, il lui faut des ressources ou des mécanismes de création de richesses.

Les ressources ont tendance à s’estomper et les gérants de la manne pétrolière n’ont pas investi... Ils ont vécu comme des rentiers. Ils n’ont donc aucune des technologies modernes qui leur permettraient d’imposer leur modèle.

Le paradoxe dans l’époque que  nous vivons, c’est que les créateurs de richesses sont les entreprises, les plus gros détenteurs de richesses sont d’ailleurs pour la plupart apatrides ou mondialisés. Les grandes entreprises multinationales (les GAFAM et les autres, y compris ceux qui ont poussé en Chine), n’ont pas l’ambition de mettre le monde en esclavage. Elles n’en n’ont pas besoin. Elles ont besoin avant tout de consommateurs et de consommateurs libres . Le plus curieux, c’est que ni les philosophes, ni les historiens n’attachent d’importance à ce que De Gaulle appelait l’intendance.

L’intendance suivra,  disait-il. Sauf qu’il pensait le contraire. L’indépendance d’un pays et son intégrité dépendent essentiellement de sa stratégie du développement économique. Malraux, lui-même, en était convaincu. La meilleure preuve, c’est que De Gaulle aura été le seul chef d’Etat depuis la 2e guerre mondiale à avoir fondé son indépendance sur la puissance de son économie. 

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