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En France comme aux Etats-Unis, les gouvernements sont débordés par les dépenses de santé sans qu’aucun candidat à la présidentielle n’ose en parler
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Atlantico Business

Aucune des grandes démocraties ne réussit à maîtriser les dépenses de santé. La régulation, qui obsède les Etats, est au cœur de toutes les campagnes présidentielles.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Obama Care ou l'explosion des dépenses de santé a été au cœur de la campagne présidentielle américaine, puisque l'une des premières mesures promises par Donald Trump était de revenir sur la réforme du système de sécurité sociale installé par Barack Obama. Un système dont tout le monde reconnaît qu'il est devenu horriblement coûteux, compte tenu de l'explosion des dépenses de santé. Tout se passe aux Etats-Unis comme si l'instauration du système de santé avait libéré les Américains qui ne comptent plus ce qu'ils dépensent depuis qu'ils ne paient plus de leur poche.

Barack Obama s'est déclaré très inquiet de ce phénomène, considérant que cette fragilité mettait en péril sa réforme. Or, s'il existe une réforme à laquelle il tient par-dessus tout, c'est bien la réforme du financement de la santé. Pour lui, il faudra la sauver à tout prix et il fallait donc empêcher Donald Trump d'arriver à la Maison Blanche pour la détruire. D'où son engagement total dans la campagne pour soutenir Hillary Clinton. 

En France, on voit bien que le coût du modèle social préoccupe tous les candidats, et que dans ce modèle, il y a des maillons très faibles comme la santé ou la retraite. Réformer la retraite ne sera pas très difficile, techniquement. Il faut simplement obliger les gens à travailler un peu plus. Mais la santé pose autrement plus de problèmes. Les mécanismes de production de soins sont complexes, les intérêts économiques nombreux. Sans parler des facteurs humains. 

Marisol Touraine a bricolé les comptes de la Sécu comme elle a pu afin de présenter des comptes qui tiennent debout, mais personne n'est dupe. Le système de santé français est une machine infernale que rien ne semble pouvoir arrêter. La logique du système elle-même est infernale. D'un côté, vous avez des consommateurs de santé qui consomment de plus en plus mais qui ne paient pas ce qu'ils achètent. De l'autre, vous avez des producteurs de santé qui gagnent d'autant plus qu'ils produisent. Leur problème n'est pas de trouver des clients. Ils en ont par milliers. 

Toutes les réformes d'Etat, ou venant d'organismes sociaux publics avaient pour but de rationner, de plafonner, bref de réguler les volumes. Rien n'y a fait. Au contraire, les mesures de régulation ont sans doute eu tendance à gonfler les dépenses de santé.

L'Etat ne pourra pas réguler le système. Il ne pourra pas plafonner les dépenses, il ne pourra pas empêcher les médecins de travailler, bref l'Etat ne pourra jamais faire baisser les dépenses. En plus, il n'est pas souhaitable de faire baisser les dépenses de santé. Ces dépenses sont un facteur de progrès. En France, elles ont progressé de plus de 100% en vingt ans. C'est vertigineux.

Les dépenses de santé ne baisseront pas pour trois raisons :

1) Parce que l'allongement de la durée de vie nécessite des soins de plus en plus coûteux. On est évidemment moins malade aujourd'hui qu'hier, mais on est malade plus souvent et plus longtemps puisqu'on vit plus longtemps.

2) L'allongement de la durée de vie s'est accompagné d'une exigence de qualité de cette vie. Or, la qualité de vie des seniors est budgétivore.

3)Enfin, les progrès de la science ont permis de découvrir des médicaments qu’on ne connaissait pas et qui sauvent quantité de vies humaines, ou du moins qui les prolongent. Le traitement de ces grandes maladies est de plus en plus coûteux.

Ajoutons à ces dépenses de santé strictement obligatoires celles qui répondent le plus souvent à une demande de confort et qui sont néanmoins prises en charge par la collectivité. Ajoutons le traitement du quatrième âge et l'accompagnement en fin de vie qui font peser un coût extrêmement élevé et qui n'était absolument pas prévu et visible quand la Sécurité sociale a été imaginée. Ajoutons les dépenses de prévention qu'il faudrait augmenter.

Pour toutes ces raisons, un Etat sera toujours dans la difficulté. Un Etat démocratique peut difficilement réduire les dépenses de santé dans la mesure où les gros consommateurs sont aussi les gros électeurs. Par ailleurs, la régulation et le rationnement propulsent l'Etat dans un débat quasi-théologique pour savoir quel médicament ou quelle maladie on va cibler plutôt qu'une autre. Un débat sans fin, encombré par les lobbys industriels voraces et dont aucun gouvernement n'est sorti indemne. Donc, plutôt que de réguler, les gouvernements finissent toujours par augmenter les recettes (qui sont des taxes ou des impôts). 

Si on exclut la régulation, politiquement difficile à gérer, l'Etat aurait-il deux leviers ?

1) Le premier levier serait de définir avec précision ce qui relève de la solidarité, et par conséquent de l'impôt ou des cotisations, et ce qui relève de l'assurance, par conséquent de la responsabilité individuelle. Ce partage-là est faisable par un gouvernement courageux.

2) Le deuxième levier est de faire jouer la concurrence dans le système de santé partout où c'est possible. Au niveau des producteurs de soins comme au niveau des assureurs. C'est le seul moyen d'améliorer la qualité des soins tout en faisant baisser les prix. 

Barack Obama, de son propre aveu, a raté la mise en concurrence des assureurs dans beaucoup d'Etats américains. Dans le bilan de son mandat, il a demandé à Hillary Clinton de mener une réforme dans ce sens.

En France, l'arrivée des mutuelles et des sociétés d'assurance en complément de la Sécurité sociale a fait beaucoup de bien au système. On a commencé à distinguer ce qui est strictement utile de ce qui est accessoire. On a aussi commencé à mettre un peu de concurrence dans le système de soins. Ce qui a entraîné quelques progrès.

Le gouvernement socialiste a fait peu de choses. Son seul mérite est de ne pas avoir détruit les petites avancées réalisées par le précédent pouvoir. 

Ceci dit, il y a tellement de mécanismes à réformer dans le système que le chantier qui sera nécessairement ouvert sera forcément douloureux. 

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