Essence, électricité, pouvoir d'achat : Emmanuel Macron coincé par le prix exorbitant de la transition énergétique et la lutte pour le climat<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Sur le prix de l'essence et sur les questions de pouvoir d'achat, Emmanuel Macron semble complètement dépassé.
Sur le prix de l'essence et sur les questions de pouvoir d'achat, Emmanuel Macron semble complètement dépassé.
©FRANCK FIFE / AFP

Atlantico Business

Le président de la République est désormais confronté à des problèmes qu'il ne peut pas résoudre parce que la France s'est engagée dans une stratégie de transition énergétique qui coûte atrocement cher et dont les effets et les nécessités ont été très mal expliqués.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

Alors que la situation économique n'est pas si mauvaise si on la compare à celle de nos voisins et partenaires européens, alors que l'équipe de France de rugby se débrouille bien dans le championnat du monde, que les matchs réunissent des foules considérables dans un calme relatif, que les Jeux olympiques se préparent, que le roi d'Angleterre a été reçu comme un grand pays doit le faire... Le président de la République semble confronté à une série d'événements qu'il ne peut pas résoudre et sur lesquels il n'a pas de prise, alors même qu'il a habitué l'opinion publique à penser qu'il pouvait s'occuper de tout.

En Afrique, notamment au Niger, la France frôle l'humiliation puisque la junte militaire qui a pris le pouvoir est parvenue à nous chasser hors de ses frontières. L'ambassadeur va rentrer en France avec les expatriés qui le peuvent. Les 1500 militaires qui étaient basés dans le pays pour juguler le terrorisme islamique vont faire leurs bagages. C'est évidemment un échec dont l'origine remonte à la nuit des temps, mais que tout le monde va supporter les conséquences. Au même moment, l'Europe toute entière est embourbée dans la gestion des vagues d'immigration. Là encore, le gouvernement n'a pas de solution lorsque ces immigrants débarquent en Italie et ne cherchent qu'une chose : remonter en Europe du Nord. Emmanuel Macron, comme Michel Rocard il y a trente ans, ne peut pas accueillir toute la misère du monde. Il pourrait mobiliser l'Europe, mais l'Europe n'a toujours pas réuni un consensus sur la méthode. Impossible de fermer les frontières pour des raisons techniques et morales, impossible de s'organiser sur une immigration choisie.

Sur le prix de l'essence et sur toutes les questions de pouvoir d'achat, le président de la République semble complètement dépassé. Il sait parfaitement bien que pour certaines catégories de consommateurs, la situation est invivable, mais il sait aussi que le budget de la France n'a pas les moyens de compenser par des aides et des subventions les augmentations.

À Lire Aussi

Un hold-up de plus de 3,5 milliards sur l'AGIRC-ARRCO pour combler une partie du déficit budgétaire

Juridiquement, il ne peut pas demander aux industriels et aux distributeurs de prendre à leur compte le coût des matières premières qu'ils importent et sur lesquelles nous n'avons pas de prise. Le gouvernement ne peut pas transformer l'économie de marché en une économie administrée sur laquelle l'administration pourrait fixer les prix, les marges et les salaires, comme semble le réclamer l'extrême gauche en laissant croire que c'est possible.

La grande difficulté du gouvernement, c'est qu'au moment du Covid, il a pratiqué le "quoi qu'il en coûte" et que de ce fait il a apporté la preuve à l'opinion que le gouvernement pouvait tout faire et tout payer sans aucune autre forme d'explication.

En réalité, le gouvernement n'a rien fait d'autre que de mettre le système économique sous cloche pour protéger les actifs (les usines, les bureaux, les camions, les avions, etc.), y compris les actifs humains. En pratiquant ces mesures conservatoires, il a permis au système de se remettre en route dès la fin du Covid. Très rapidement, très violemment, l'effet de rattrapage a joué et a permis de financer une grande partie des sommes engagées pendant le "quoi qu'il en coûte". Le Covid n'a pas endetté la France. La France était endettée avant, et elle s'est endettée après, parce qu'elle a mis en place un plan stratégique de redressement des structures et surtout une transition énergétique qui passe par un développement du nucléaire et une transformation de nos moyens de la mobilité vers l'électrique.

Seulement voilà, toute cette mutation n'a pas été expliquée, ou alors elle n'a pas été entendue.

Face à une nouvelle poussée des prix de l'essence, le gouvernement est complètement désarmé. Il sait parfaitement bien qu'une grande partie des automobilistes ont absolument besoin de leur voiture pour aller au travail ou pour survivre normalement à la périphérie des villes. Leur quotidien est donc suspendu au prix de l'essence. Le gouvernement ne peut pas agir sur le prix du pétrole, qui est fixé par les pays producteurs. Il ne peut pas imposer des ventes à perte, sinon il tue les distributeurs. Il peut éventuellement recommander des ventes à prix coûtant, mais le prix coûtant n'est pas universel. Il est différent selon les distributeurs. Donc, c'est impossible à généraliser, sauf à transformer le système économique en un système administré.

À Lire Aussi

L'OFCE a étudié 2 millions d’entreprises et dénonce le décrochage éducatif français qui explique toutes nos faiblesses

Pour l'opposition politique, le gouvernement pourrait toujours réduire les impôts et les taxes qui représentent la moitié du prix, ou alors redistribuer les chèques énergie pour venir en aide aux plus démunis. Dans tous les cas de figure, les systèmes proposés reviennent à puiser dans les caisses de l'État pour subvenir aux besoins de la consommation. Pour un gouvernement qui s'est juré de réduire son déficit, de réduire son endettement, c'est évidemment inenvisageable, sauf à prendre le risque de rendre les marchés financiers inutilisables, ce qui entraînerait des difficultés d'emprunter et une hausse des taux.

Le président de la République se retrouve coincé parce qu'il ne dispose d'aucune marge de manœuvre pour intervenir.

D'un côté, il est bloqué par le poids des dépenses publiques et sociales de fonctionnement qu'il ne peut pas réduire parce qu'il n'a pas de majorité politique pour cela.

De l'autre, il est bloqué par l'engagement qu'il a pris d'engager la France dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le redéploiement et le développement des centrales nucléaires, l'investissement dans la production d'énergies naturelles pour s'affranchir du pétrole et du gaz, tous les investissements coûtent extrêmement cher, entre 60 et 100 milliards par an.

Le président de la République est cohérent. Tout comme son ministre de l’économie. S'ils doivent emprunter de l'argent, c'est pour décarboner l'économie, ce n'est pas forcément pour subventionner son fonctionnement à partir de l'essence et du gazole. Son problème est que cette obligation stratégique n'a pas été préparée, expliquée et comprise. La France n'est pas le seul pays piégé par cette contradiction. La Grande-Bretagne vient de décider de lever le pied sur les efforts concernant la transition énergétique. Parce que le gouvernement anglais est confronté aux mêmes problèmes.

À Lire Aussi

Nord Stream : comment l'Union européenne s'est fait piéger par Vladimir Poutine
mm

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !