Nord Stream : comment l'Union européenne s'est fait piéger par Vladimir Poutine<!-- --> | Atlantico.fr
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Le piège de Nord Stream est un exemple classique de business au service d'une géopolitique mortifère imaginée et mise en œuvre par un seul homme, Vladimir Poutine.
Le piège de Nord Stream est un exemple classique de business au service d'une géopolitique mortifère imaginée et mise en œuvre par un seul homme, Vladimir Poutine.
©Maksim BLINOV / POOL / AFP

Atlantico Business

Le piège Nord Stream raconte l'incroyable stratagème ourdi par Vladimir Poutine pour endormir les Européens et ainsi lui permettre de poursuivre son funeste projet. Pour comprendre le cynisme et le machiavélisme du président russe, il faut lire le livre de Marion Van Renterghem.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Nous avons tous lu "Le Mage du Kremlin" de Giuliano Daempoli (Gallimard), un voyage fascinant dans l'esprit de Vladimir Poutine pour comprendre comment il a consolidé un pouvoir absolu sur les ruines de l'Union soviétique.

Maintenant, il est essentiel de lire "Le Piège Nord Stream" de Marion Van Renterghem pour découvrir comment Poutine a tenté d'asphyxier l'Union européenne et comment il a presque réussi. Le livre est disponible cette semaine aux éditions Les Arènes.

"Le Mage du Kremlin" décrivait le machiavélisme intérieur qui a toujours habité Poutine pour accéder au pouvoir et s'y maintenir. Le piège de Nord Stream est un exemple classique de business au service d'une géopolitique mortifère imaginée et mise en œuvre par un seul homme, Vladimir Poutine.

Avec le gazoduc Nord Stream, Vladimir Poutine aurait pu disposer de l'outil implacable qui lui aurait permis de renforcer son emprise sur l'Union européenne et d'étendre son empire à toute l'Europe de l'Est, voire de reconstituer l'Union soviétique. Surtout, cela lui aurait donné un moyen de maintenir l'Union européenne sous sa dépendance. Il a failli réussir, car le sabotage de ce pipeline en 2022 a permis à l'Europe de prendre conscience de sa vulnérabilité au gaz russe et de trouver des solutions alternatives. Ce sabotage a probablement sauvé l'Union européenne en l'empêchant de tomber sous l'influence de Moscou, mais les historiens devront expliquer comment l'Europe a pu tomber dans ce piège.

Le livre de Marion Van Renterghem est construit comme un thriller et fournit déjà des clés pour comprendre ce qu'elle qualifie de l'une des plus gigantesques erreurs stratégiques du XXIe siècle.

Nord Stream était donc un gazoduc voulu par Vladimir Poutine et Angela Merkel, traversant la mer Baltique entre la Russie et les côtes de l'Europe du Nord en Allemagne, en contournant soigneusement l'Ukraine et la Pologne. Il permettait à l'Allemagne d'avoir un accès direct aux réserves de gaz liquide de la Russie. L'investissement représentait plus de 10 milliards, financé à moitié par Gazprom (société nationale russe) et à moitié par des entreprises européennes telles qu'Engie, Shell, OMV, Uniper et Wintershall.

À l'époque de sa conception, ce gazoduc avait toutes les qualités aux yeux du gouvernement allemand. Il garantissait un approvisionnement en gaz sécurisé, avec des contrats de prix garantis et une empreinte carbone relativement basse, ce qui plaisait aux écologistes allemands, qui venaient d'obtenir l'abandon du nucléaire et cherchaient une alternative à bas prix. Les Allemands pouvaient également approvisionner les pays de l'Europe du Nord sans dépendre des offres de la Norvège.

La guerre en Ukraine a révélé à quel point cette formule d'approvisionnement était un piège tendu par Poutine, puisque le président russe pouvait ainsi exercer un chantage sur les gouvernements européens via le gaz. Vladimir Poutine n'avait pas prévu la résistance ukrainienne ni la formidable solidarité de l'Union européenne contre sa guerre.

Cependant, le livre raconte comment le Kremlin a réussi à maintenir sous son influence l'ensemble des Européens, en particulier les Allemands, la Chancelière Angela Merkel et le Chancelier Schröder, sans oublier le réseau de complicité que Moscou avait tissé à Bruxelles et en Europe. À l'époque, personne ne voyait d'autres solutions pour financer la productivité que le gaz russe. L'énergie nucléaire était en déclin en Allemagne et en France.

À l'époque, l'Allemagne avait accepté sans discussion de doubler Nord Stream avec un deuxième gazoduc, ce qui avait l'avantage de dispenser l'Allemagne de garantir la sécurité de la Pologne.

 Ce qui est le plus inquiétant dans cette affaire, c'est de constater l'immobilisme des Européens, prêts à signer des accords d'approvisionnement qui les attacheraient inévitablement aux Russes.

Le sabotage de Nord Stream a sans doute sauvé l'Europe en l'obligeant à venir en aide à l'Ukraine et à renforcer sa défense dans l'est, notamment en Pologne. Cette affaire met en lumière l'impuissance européenne, l'incohérence de sa politique dans cette région du monde, tout en révélant le cynisme ou, à défaut, la naïveté des dirigeants européens, ce qui frôle l'incompétence. Nous ne saurons probablement jamais qui étaient les auteurs du sabotage. Les Russes accusés ont nié toute participation. En lisant en détail les opérations dans le livre de Marion Van Renterghem, il est difficile de discerner quel aurait été l'intérêt de Moscou à détruire un outil aussi coûteux et puissant que Nord Stream.

Mais si ce n'étaient pas les Russes, il sera difficile de découvrir la vérité du côté européen tant que les archives des principaux dirigeants seront couvertes par le secret d'État.

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