Émeutes : la France intègre moins bien ses immigrés que la plupart des autres États occidentaux (et pour partie pour des raisons qui ne vont pas plaire à la gauche…)<!-- --> | Atlantico.fr
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Des Français rassemblés à l'occasion d'un match de la Coupe du monde.
Des Français rassemblés à l'occasion d'un match de la Coupe du monde.
©BERTRAND GUAY / AFP

Modèle d'intégration

Il existe en France un écart assez important entre les personnes d'origine étrangère et les Français non issus de l’immigration, en termes de pauvreté relative ou de difficultés d'emploi, par rapport à l'Allemagne, au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis. La rigidité du marché du travail, les difficultés liées à la formation et au système éducatif sont-elles les seules causes de cette réalité ?

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Raul Magni-Berton

Raul Magni-Berton

Raul Magni-Berton est actuellement professeur à l'Université catholique de Lille. Il est également auteur de notes et rapports pour le think-tank GénérationLibre.

 

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I. Un constat sans appel

Atlantico : Les populations issues de l’immigration apparaissent beaucoup plus susceptibles de faire face à la pauvreté (28% d’entre elles) que les autres (11%) en France. Et même jusqu’à 40% parmi les derniers arrivés. Une situation d’ailleurs inédite en occident, puisque pour l’essentiel, la différence natifs-immigrants est nettement moins marquée en Allemagne ou au Royaume-Uni. Qu'est-ce qui peut expliquer un tel écart entre la France et d'autres pays ?

Philippe Crevel : Ces disparités entre les populations les plus aisées et celles de certains quartiers s'expliquent par l'évolution de la structure économique du pays. Dans les années 50, 60 et 70, la France a fait appel à des travailleurs immigrés, principalement dans le secteur de l'industrie et du bâtiment. Cependant, l'industrialisation a fortement reculé en France, tout comme au Royaume-Uni et aux États-Unis, privant ainsi la population immigrée des emplois rémunérateurs qu'occupaient leurs parents.

La deuxième et la troisième génération des immigrés installés en France ont donc perdu leurs emplois et ont eu du mal à trouver des activités aussi bien rémunérées. Beaucoup ont été confrontés au chômage, avec des taux deux fois plus élevés dans les quartiers urbains défavorisés par rapport au reste de la France. De plus, le taux de pauvreté y est jusqu'à trois fois plus élevé. La population immigrée a souvent été contrainte d'accepter des emplois précaires à faible rémunération, à temps partiel ou dans des secteurs tels que les services domestiques, le nettoyage et le commerce.

Un autre facteur contribuant à cet écart est l'échec du système éducatif français à gérer les flux migratoires et à offrir une éducation de qualité aux enfants d'immigrés. Contrairement à l'Allemagne, la France n'a pas mis en place un système d'apprentissage solide qui permettrait d'améliorer l'employabilité des immigrés et de prévenir bon nombre de problèmes rencontrés en matière d'intégration. L'Allemagne a prouvé depuis 2016 que son système de formation bien structuré était en mesure d'améliorer l'employabilité des immigrés et de favoriser leur intégration.

La France commence à adopter certaines mesures similaires, mais il a fallu attendre 2018 pour que le pays se dote d'un système d'apprentissage qui prenne en compte ces enjeux. Bien que le nombre d'apprentis ait augmenté, passant de 300 000 à 1 million, je crains malheureusement que les enfants d'immigrés ne bénéficient pas pleinement de cette amélioration.

Raul Magni-Berton : Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d'abord, en ce qui concerne l'attractivité, les personnes qui viennent en France proviennent principalement de pays francophones. Comparés aux pays anglophones, ces pays francophones ont généralement un niveau d'instruction plus bas à la base. Cependant, cela n'explique pas toute l'histoire, c'est juste un aspect. Cela explique en partie pourquoi nous avons une immigration moins qualifiée. Fondamentalement, on se retrouve avec une immigration moins qualifiée à cause de la politique migratoire mise en place. Il existe plusieurs variantes de politiques migratoires, mais certains pays, comme le Danemark, ont adopté une approche basée sur des quotas. Ils sont proactifs dans le choix de leur immigration. Ce n'est pas du tout le cas en France. Le système fonctionne plutôt de manière basique : une personne vient en France parce qu'elle a une opportunité de travail ou d'études. Cependant, de manière consciente, les emplois disponibles sont souvent des emplois peu qualifiés, ce qui est déterminé par les entreprises françaises, et c'est elles qui influent sur la politique migratoire.

Les "Ni-ni" représentent 15,8 % des natifs, ils sont 23,7% chez les populations issues de l’immigration. Le système éducatif français, et notamment la question de la formation, explique-t-il qu'on ait autant d'immigrés qui n'ont ni emploi ni diplômes ?

Philippe Crevel : Les jeunes de moins de 25 ans qui ne sont ni en emploi ni en formation sont le fruit du système éducatif français. Deuxièmement, cela est lié à la déstructuration des cellules familiales dans les quartiers dits prioritaires. C’est une combinaison de deux facteurs, ce qui aboutit à ce nombre élevé de personnes dans cette situation. Il est également important de mentionner la concurrence malheureuse avec des activités illégales mais rémunératrices, telles que le trafic de drogue et la prostitution, qui peuvent faire concurrence à l'école et à la formation en offrant des revenus apparemment plus élevés. Ces problèmes sont particulièrement présents dans les populations vivant dans des quartiers défavorisés.

Il y a un vrai échec du système éducatif français à gérer les flux migratoires et à offrir une éducation de qualité aux enfants d'immigrés. Contrairement à l'Allemagne, la France n'a pas mis en place un système d'apprentissage solide qui permettrait d'améliorer l'employabilité des immigrés et de prévenir bon nombre de problèmes rencontrés en matière d'intégration. L'Allemagne a prouvé depuis 2016 que son système de formation bien structuré était en mesure d'améliorer l'employabilité des immigrés et de favoriser leur intégration. 

Raul Magni-Berton :  En France, c'est plus difficile qu'ailleurs de se faire reconnaître les diplômes. Et d'ailleurs, y compris quand on est européen. Il est assez difficile de déterminer les raisons exactes. Souvent, il est nécessaire de suivre des cours supplémentaires et de payer des frais considérables pour obtenir cette reconnaissance. Par conséquent, l'accès aux professions est déjà difficile. Par exemple, de nombreux médecins étrangers occupent des emplois non médicaux. Cela est dû à la complexité de la procédure de reconnaissance des diplômes. Certains diplômes ne sont pas reconnus, etc.

Je dois dire que les débats sur l'immigration en France sont de piètre qualité, car ils se limitent généralement à discuter de la quantité nécessaire, plus ou moins. Mais il y a très peu de discussions sur la qualité de l'immigration, en termes de compétences et de qualifications. On pourrait également aborder le sujet de l'origine des immigrants, même si cela peut être politiquement incorrect. Cependant, une telle approche pourrait contribuer à une meilleure intégration et à une plus grande diversité parmi les immigrés.

Là où le taux de chômage en France pour les natifs est de 7,3%, il est à 12,3% chez les populations issues de l’immigration. Pourquoi le taux de chômage est-il systématiquement plus élevé chez les immigrés, dépassant les 20% dans certaines régions ?

Philippe Crevel : Une proportion importante de la population de ces quartiers n'a pas de formation, ce qui se traduit par un taux de chômage beaucoup plus élevé. Il s'agit donc d'un phénomène quantitatif et de concentration, lié à l'absence de diplôme, de formation et de qualification : en résulte un déficit entre l'offre et la demande. Il peut y avoir des emplois disponibles et vacants, mais il n'y a pas de personnes compétentes pour les occuper. De plus, il faut reconnaître qu'il y a bien souvent une forme de racisme. Les habitants des quartiers dits prioritaires ont moins de chances de trouver un emploi en raison de la consonance ethnique de leur nom ou de leur lieu de résidence.

Tous ces facteurs contribuent à maintenir les quartiers dans une situation défavorable, ce qui explique pourquoi le département de la Seine-Saint-Denis est devenu le département métropolitain le plus pauvre de France, avec un niveau de vie nettement inférieur à la moyenne, contrairement à il y a 30 ou 40 ans.

La situation française s’explique-t-elle aussi par le fait qu’on a fait venir une immigration moins qualifiée ?

Philippe Crevel : Dans une moindre mesure. En Allemagne, par exemple, la première vague d'immigration provenait principalement de la Turquie. Plus récemment, les Allemands ont accueilli un grand nombre de personnes en provenance d'Afghanistan, dont le niveau de qualification est relativement faible. En France, la situation est différente et il faut reconnaître que le niveau de formation des immigrés actuels est supérieur à celui des personnes arrivées il y a 20 ou 30 ans. Les migrations ne concernent pas seulement les individus peu qualifiés dans leur pays d'origine, mais aussi ceux qui possèdent un haut niveau de qualification. Ce sont souvent ces derniers qui sont tentés par l'expérience à l'étranger, car ils ont acquis un certain nombre de connaissances et d'informations dans leur pays d’origine.

Dans quelle mesure la rigidité du marché du travail français peut-elle expliquer les difficultés à trouver un emploi pour les personnes issues de l’immigration ? 

Philippe Crevel : La France a connu une période de chômage de masse dans les années 80 jusqu'à récemment. Pendant près de 40 ans, le pays a fait face à une situation de l'emploi extrêmement complexe, avec des tensions importantes liées à un problème d'adéquation entre l'offre et la demande, ainsi qu'à des lacunes en matière de formation dans un sens large. Aujourd'hui, la situation est légèrement différente. Nous faisons face à des pénuries de main-d'œuvre, notamment dans des secteurs comme le bâtiment et la restauration, qui ne nécessitent pas forcément une qualification élevée. Par ailleurs, il existe également une pénurie de profils hautement qualifiés dans des domaines tels que la médecine, l'informatique et l'ingénierie. Ainsi, nous constatons aujourd'hui un large éventail de pénuries de main-d'œuvre.

Raul Magni-Berton : Le marché de l'emploi est très rigide. Ceux qui ont des CDI s’y accrochent car les places sont rares et chères. Cela réduit les opportunités d’entrées sur le marché du travail. C’est vrai pour tout le monde mais c’est particulièrement vrai pour les immigrés car ils doivent percer les règles du jeu. Il y a aussi des discriminations à l’emploi que l’on observe assez clairement via les CV acceptés ou non. Certaines origines sont discriminées. Et ce alors même que dans les enquêtes, les Français sont assez peu racistes par rapport à d’autres pays.  La discrimination, ce n’est pas toujours du racisme pur et dur, cela peut être aussi du racisme statistique et la recherche de la facilité. L’Allemagne a titre de comparaison accueille des personnes plus qualifiées, notamment venant de l’Europe de l’Est et la Turquie. Et le marché de l’emploi allemand, mu par le système fédéral, est le théâtre d’une saine compétition entre länder. Pour cela, on perçoit bien plus l’immigration comme une opportunité. En France la politique d’immigration ne fait pas de choix, contrairement à d’autres pays. Et il serait politiquement incorrect de le suggérer.

À Londres, les riches et les pauvres vivent plus côte à côte qu’en France où l’on a constaté la formation d’immenses étendues de privations urbaines que l'on observe dans de nombreuses villes françaises, Paris en tête. Comment expliquer cette situation ?

Philippe Crevel : Il faut nuancer ce constat concernant Londres, néanmoins il est vrai que la France se distingue d'autres pays européens, comme l’Allemagne, l’Italie ou le Royaume-Uni. En France, dans les années 50 et 60, il y a eu une croissance démographique très rapide, avec l'arrivée de 10 millions d'habitants en peu de temps. Cela a conduit à la construction d'énormes cités, sur un modèle plutôt soviétique, pour remplacer les bidonvilles. Ces cités se caractérisent par une forte concentration de populations à revenus modestes et d'origine étrangère, ce qui a entraîné une faible mixité sociale, même si cela diffère dans les quartiers urbains où la mixité sociale est plus présente. Ce phénomène n'est pas unique à Paris, on le retrouve dans de nombreuses grandes villes, telles que Berlin ou Munich.

Raul Magni-Berton : La pauvreté dans les quartiers découle avant tout d’une mauvaise politique migratoire. Nous avons des populations immigrées, pauvres, homogènes, qui vivent concentrées. La politique de logement est aussi problématique. Nous construisons moins qu’ailleurs, ce qui crée des prix de l’immobilier élevés.

Retrouve-t-on à l'étranger, par exemple, des équivalents de la Seine-Saint-Denis avec autant de concentration, de pauvreté et de chômage ?

Philippe Crevel : On observe une forte densité de population dans la première couronne des grandes agglomérations, en particulier à Paris. À Marseille, on retrouve une situation similaire dans les quartiers nord, liée à une construction rapide d'immeubles. Cette concentration de pauvreté est amplifiée par le fait que ces mêmes territoires ont subi de plein fouet d'autres problématiques. Ce phénomène n'est pas spécifique à la France, on peut également l'observer dans d'autres pays d'Europe, bien que cela soit moins prononcé sur le continent. En Europe continentale, l'habitat des populations immigrées est généralement plus diffus, avec moins de grands ensembles d'immeubles et une plus grande dispersion de la population. Cette moindre concentration crée un climat moins propice au développement d'activités délictueuses et à l'installation durable de la pauvreté.

Cela explique donc la surreprésentation des populations immigrées dans les quartiers les plus défavorisés, mais aussi dans les déciles de revenus les plus pauvres ? (20,3 % pour les personnes issues de l'immigration contre 8,4% pour la population native)

Philippe Crevel : En effet, l'absence d'ascenseur social frappe durement les banlieues, en particulier les quartiers les plus vulnérables. Cela est évidemment lié au problème de formation et au manque d'activité économique. Dans ces quartiers, les commerces sont rares et les opportunités sont limitées. Ainsi, un cercle vicieux s'est installé, renforcé par la concurrence de l'activité illégale. Tout cela contribue inévitablement à tirer vers le bas la situation économique et sociale de ces quartiers. C'est ainsi que le département de la Seine-Saint-Denis est devenu le département métropolitain le plus pauvre de France, avec un niveau de vie nettement inférieur à la moyenne, ce qui n'était pas le cas il y a 30 ou 40 ans.

Les données du Financial Times montrent qu'à Londres, les individus noirs ont 2 à 3 fois plus de chances d'être arrêtés par la police que les blancs. À Paris, ce chiffre est multiplié par 6, et par près de 8 pour les personnes d'origine maghrébine. Comment expliquer cela ?

Philippe Crevel : La police française fonctionne selon un modèle axé sur la répression des infractions plutôt que sur la proximité avec la population, contrairement à ce qui existait il y a de nombreuses années. Il y a une certaine tendance à effectuer des contrôles d'identité, en particulier dans les quartiers où des travailleurs immigrés, qu'ils soient en situation légale ou illégale, sont plus susceptibles d'être présents. Je pense aux abords de la Tour Eiffel ou à proximité du Louvre, à Paris. Il en découle une augmentation des statistiques liées aux personnes d'origine étrangère qui sont davantage contrôlées et à un sentiment de déni de justice.

Raul Magni-Berton : C’est aussi un corollaire de la question de la pauvreté. Si on a des populations plus pauvres, et potentiellement plus susceptibles de commettre des infractions, ce sont évidemment elles que les forces de l’ordre vont cibler en priorité. Un policier ira souvent plus vers le jeune homme arabe que vers la vieille dame blanche, pour une question de probabilité et d’efficacité. Une politique migratoire choisie pourrait permettre d’éviter certains de ses effets. On a créé par des mauvais choix migratoires une population qui se stigmatise facilement. Dès avant l’accueil, notre politique n’est pas bonne.

II. Quelles solutions ? 

Face à ces constats, que faudrait-il faire pour améliorer la situation et réduire l'écart  économiques entre les non-immigrés et les personnes d'origine étrangère ?

Philippe Crevel : La priorité est de favoriser l'acquisition de connaissances et de compétences chez les enfants d'immigrés. L'Allemagne a relevé ce défi, tout comme les États-Unis, qui sont souvent critiqués à cet égard. Contrairement aux idées reçues, c'est l'école publique qui, aux États-Unis, forme la majorité des élèves et a réussi à mieux les intégrer, y compris les élèves issus de l'immigration. Il est donc nécessaire de faire des efforts dans ce sens, en fournissant les moyens adaptés, notamment en termes de ressources humaines. Il faut veiller à ce que les collèges et les écoles disposent d'enseignants compétents, même dans les départements défavorisés où les professeurs peuvent être moins motivés. L'intégration doit être une priorité.

L'apprentissage est également un moyen important à considérer, notamment pour les jeunes des banlieues. Il est essentiel d'améliorer les conditions de vie dans ces quartiers. Il est clair que la carte des émeutes correspond en grande partie à la carte des cités et des anciens bidonvilles des années 60. La création de ces cités, qui ressemblaient parfois à des ensembles urbains soviétiques, a reproduit un ensemble de problèmes. Il est donc nécessaire de repenser l'urbanisme, en s'inspirant notamment du modèle allemand qui privilégie des constructions moins denses. Cela nécessite un travail de fond pour améliorer le logement et favoriser l'accès à des activités professionnelles.

Aux États-Unis, pays qui a connu des extrêmes à différents moments, il y a une forte intégration, à divers niveaux et parmi différentes catégories de population. En France, il est vrai que nous sommes un peu en retard sur ce sujet, car nous avons des pratiques différentes. Cependant, c'est une question de psychologie et de sociologie. Il y a donc un travail de fond à faire pour valoriser ceux qui réussissent le mieux, et cela vaut pour toutes les catégories et toutes les origines. Il s'agit de reconnaître le mérite de chaque individu, quel que soit son parcours, et de favoriser des relations professionnelles réussies. 

Et pour la partie la moins qualifiée ?

Philippe Crevel : Tout d'abord, nous savons aujourd'hui que pour les emplois non qualifiés, la formation et l'apprentissage sont essentiels. La tentation actuelle est bien sûr d'emprunter des chemins détournés vers des activités illégales, qui peuvent sembler plus rémunératrices à court terme. Cependant, des études économiques ont démontré que, à moyen et long terme, ces activités illégales sont moins porteuses. En effet, le risque est qu'à un certain moment, on puisse se retrouver en prison, voire perdre la vie. Sur le moyen et long terme, il est donc préférable de privilégier la légalité plutôt que les inégalités. Il est important de souligner que cette tentation a des répercussions sur l'ensemble des habitants des banlieues et des quartiers prioritaires, qui en sont aujourd'hui les victimes. Un exemple frappant est celui de Marseille, qui souffre d'une image de criminalité, même si cette image est injuste, car elle ne correspond pas à la réalité. Marseille est une ville étendue, et si nous appliquions le même raisonnement à Paris, il faudrait intégrer tous les arrondissements. Ainsi, l'image dégradée des quartiers nord de Marseille a des conséquences négatives sur l’ensemble de la communauté. Il est donc essentiel d'assurer la sécurité, ce qui nécessite un travail de longue haleine de la part de la police et de la justice. Il est important de veiller à ce que cela profite en premier lieu aux habitants de ces quartiers.

Face à la diversité des chantiers qu'il faudrait mener, à quoi faudrait-il s'attaquer en premier et comment sur les plans non économiques ?

Philippe Crevel : Le premier chantier auquel il faudrait s'attaquer est sans aucun doute la sécurité. Il est essentiel de garantir la sécurité de tous dans tous les quartiers. Cela nécessite un travail approfondi, car la sécurité sera un facteur déterminant pour la majorité des travailleurs immigrés et de ceux d'origine étrangère qui contribuent à la création de richesse en France. La sécurité doit être une priorité absolue afin de créer un climat propice dans les banlieues.

La deuxième priorité est l'éducation. Il est nécessaire de renforcer les moyens dans les établissements scolaires en adaptant les effectifs et les ressources financières. Il ne s'agit pas seulement d'augmenter les ressources financières, mais également d'adapter les programmes. Nous devons faire preuve de flexibilité, car nous sommes confrontés à des spécificités. Lorsqu'il y a 17 nationalités différentes dans une classe, cela nécessite une approche différente de l'enseignement par rapport à des quartiers plus homogènes comme Auteuil, Neuilly ou Passy.

La troisième mesure concerne l'urbanisme. Il est important de dédensifier ces quartiers. Actuellement, il semble y avoir une tendance à faire l'inverse, notamment avec le principe de "zéro artificialisation" pour la protection de l'environnement. Il est nécessaire de revoir l'urbanisme en favorisant notamment la mixité entre les commerces, les activités économiques et l'habitation. Cela suppose également d'assurer la sécurité, car il n'est pas viable de développer des commerces dans des zones où règnent l'insécurité et l'absence de loi. Ainsi, la sécurité est une condition sine qua non. Il faut prévoir une mixité économique afin de réduire la violence, les tensions sociales et de favoriser une croissance économique durable.

Raul Magni-Berton : En France, la population considère qu’il y a trop d’immigrés, alors que ce n’est pas le cas statistiquement par rapport à d’autres pays. C’est le signe criant que l’on ne donne pas le bon rôle aux immigrés. Il faut qu’ils puissent avoir leur chance quand ils viennent. Cela passe par redéfinir la politique migratoire. Pas forcément en terme quantitatif, mais différemment. L’immigration familiale ne doit peut-être plus être le cœur de notre politique.

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