Douche froide sur le localisme : les aliments produits en circuit court ne sont pas meilleurs pour la planète (et autres vérités piquantes pour écologistes dogmatiques)<!-- --> | Atlantico.fr
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Des vendeurs de fruits et légumes, le 12 septembre 2009 sur le marché de Revel, lors d'une visite du ministre de l'Ecologie de l'époque, Jean-Louis Borloo, sur le thème du développement de l'agriculture Bio dans la région.
Des vendeurs de fruits et légumes, le 12 septembre 2009 sur le marché de Revel, lors d'une visite du ministre de l'Ecologie de l'époque, Jean-Louis Borloo, sur le thème du développement de l'agriculture Bio dans la région.
©REMY GABALDA / AFP

Dérèglement climatique

Alors qu'un rapport d'information sur l'alimentation durable et locale a été récemment remis au Sénat, de nombreux scientifiques ont constaté que le "localisme" et les circuits courts n'étaient pas forcément meilleurs pour l'environnement que l'importation des aliments.

Philippe  Stoop

Philippe Stoop

Philippe Stoop est membre correspondant de l’Académie d’Agriculture de France, où il intervient sur l’évaluation des effets sanitaires et environnementaux de l’agriculture. 

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Atlantico : Un rapport parlementaire sur l’"Alimentation durable et locale" a été remis le 19 mai 2021 au Sénat. Que nous dit-il sur les réalités écologique et énergétique de l’agriculture locale ?

Philippe Stoop : Ce rapport porte sur la durabilité de l’agriculture et les enjeux de la relocalisation de l’agriculture à l’échelle nationale. Il est intéressant de le rapprocher d’un autre rapport publié par le Ministère de l’Agriculture en janvier dernier, qui portait plus précisément sur les produits locaux, au sens où on l’entend le plus souvent, c’est-à-dire les circuits courts. Quand on met ces deux rapports en regard, on voit bien que les enjeux environnementaux de l’agriculture « locale » ne sont pas là où on le croit souvent. Quand on pense agriculture durable, on pense d’abord aux circuits courts, avec des aliments produits à proximité immédiate de leur lieu de consommation, et avec des modes de production employant peu d’intrants comme l’agriculture bio. Or ce modèle « hyperlocaliste » et extensif n’est pas forcément le modèle le plus vertueux sur le plan de l’environnement.

De nombreux scientifiques ont constaté que le "localisme" et les circuits courts n'étaient pas forcément meilleurs pour l’environnement que l’importation. Sur quels arguments s’appuient ce constat ?

Il y a d’abord la question des transports. Les circuits courts réduisent les distances de transport des aliments, mais conduisent souvent à transporter de petites quantités de produits dans des camionnettes, avec un bilan carbone moins bon que celui d’un transport à grande distance par camion, quand on le ramène au kg d’aliment. Mais surtout, il ne faut pas oublier que le transport ne représente en fait qu’une faible part du bilan carbone de la plupart des produits agricoles : 19%. Ce n’est donc pas l’enjeu majeur pour avoir une alimentation durable, même pour les émissions de gaz à effet de serre (GES).

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Si le transport n’est pas un déterminant majeur de la pollution agricole, quels sont les éléments à prendre en compte si l’on veut, réellement, mener une politique agricole plus respectueuse de l’environnement ?

67% des GES émis par notre alimentation sont émis à la production, c’est donc là que sont les vrais enjeux. Le mode de production agricole a son importance, mais, là encore, pas forcément dans le sens des idées reçues. Les Analyses de Cycle de Vie de l’ADEME (l’Agence de l’Environnement et de la maitrise de l’Energie) montrent que l’agriculture bio a souvent un moins bilan que l’agriculture intensive, quand on les compare à quantité produite égale (et donc à nombre de consommateurs nourris égal). C’est ce type de mesure objective des impacts qui doit orienter les politiques agroécologiques, même si ça heurte les préjugés idéologiques. Par ailleurs l’impact majeur est celui des choix alimentaires, en particulier de la part de viande dans l’alimentation. Mais agir sur ce levier est un choix des consommateurs, pas des agriculteurs. Une vraie politique agroécologique doit aussi agir sur la demande alimentaire des citoyens, pas seulement sur les pratiques des agriculteurs.

Comment peut-on par ailleurs, rendre le localisme plus vertueux pour l'environnement ? 

Il ne faut pas se polariser sur l’ « hyperlocalisation »  des circuits courts, à proximité immédiate des consommateurs. Par contre, comme le rappelle le rapport « Alimentation durable et locale », il y a de vrais enjeux  sur la relocalisation en France ou en Europe de produits actuellement importés, pour limiter ce qu’on appelle les « importations de déforestation ». L’enjeu majeur est le développement de la production de protéines végétales, pour réduire notre dépendance par rapport au soja sud-américain, dont le bilan carbone est désastreux. Là encore, pas tellement à cause du transport, peu émetteur car fait par bateau, mais parce qu’il est souvent produit sur des terres défrichées.

Il ne faut pas oublier aussi l’autre pilier de la durabilité, la préservation de la biodiversité. De ce point de vue, l’élevage, mal noté pour son bilan carbone, est au contraire un atout majeur pour restaurer les paysages et la biodiversité associée, en relançant, partout où c’est possible, l’élevage à l’herbe et la polyculture-élevage.

Enfin, le rapport « Alimentation durable et locale » rappelle que l’agriculture française est reconnue comme une des plus durables au monde. L’important est donc de consommer français, mais il n’est pas nécessaire que ce soit produit à votre porte !

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