Déprimé ce matin ? Voilà comment les psys expliquent la douleur très spécifique des déçus d’une élection perdue<!-- --> | Atlantico.fr
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Nous généralisons, et pensons naïvement que les idées politiques que nous véhiculons sont également celles les plus massivement partagées par l'ensemble de la société.
Nous généralisons, et pensons naïvement que les idées politiques que nous véhiculons sont également celles les plus massivement partagées par l'ensemble de la société.
©Reuters

Bonjour tristesse

Alors que vous étiez persuadé que votre candidat préféré, bien placé jusqu'alors, allait remporter cette élection, vous avez du mal à contenir votre désillusion. Une sensation bien connue des psychologues et qui s'explique scientifiquement.

Ce matin, en vous réveillant, vous vous êtes demandé le temps d'une seconde si ce que vous aviez vécu hier n'était pas qu'un mauvais rêve. Puis la dure réalité vous a vite rattrapé : oui, le candidat que vous souteniez depuis tant de temps, celui en lequel vous croyiez véritablement, a bel et bien été éliminé. Injustice. Colère. Incompréhension. Vous êtes assailli d'émotions négatives. C'est une véritable gueule de bois politique que vous vivez actuellement. Vous vous sentiez pourtant si sûr de vos chances… Pour vous, le résultat de cette élection était presque acquis. Aujourd'hui, vous le considérez comme inconcevable. Cette sensation, les psychologues la connaissent bien. Le site américain Voxen a interrogé quelques-uns, pour expliquer comment les partisans de Hillary Clinton avaient surestimé leurs chances de victoire face à Donald Trump. Une analyse qui se décline parfaitement à toutes les élections politiques.

Effet de faux consensus

À moins d'avoir voté pour un candidat que tous les sondages montraient largement perdant, ces résultats sont pour vous tout bonnement incompréhensibles. Vous sentiez cette effervescence autour de votre candidat, cette vague de confiance qui vous faisait déjà humer le parfum de la victoire. Et puis rien. C'est un fait : vous vous êtes fait berner. Pas par quelqu'un en particulier, non. Vous vous êtes lésé tout seul. Plus exactement, vous vous êtes fait prendre au piège de ce que les psychologues appellent l'effet de faux consensus.

Ce phénomène est assez simple à expliquer. Si vous en avez été victime, c'est parce que vous avez surestimé le nombre de personnes qui pensaient comme vous. N'y voyez aucune offense. Cette attitude est très commune, bien qu'égocentrique, remarque le site Eco Psycho. En effet, nous avons naturellement tendance à devenir amis ou du moins à nous rapprocher des personnes qui nous ressemblent ou partagent certaines de nos valeurs. Pareillement, et même si nous pouvons aimer de temps à autre consulter des médias d'un autre bord politique, nos lectures se concentrent bien davantage sur les journaux et sites web qui ne feront que conforter nos opinions, de droite ou de gauche. L'avènement de la presse sur Internet ne change étonnamment pas la donne, puisque les algorithmes, omniprésents sur le web, ont tendance à nous proposer "des contenus dont les points de vue sont similaires aux nôtres, notre mode de pensée et de fonctionnement" et à nous les  "resservir comme un écho, nous conforter dans nos opinions au lieu de nous inciter à réfléchir différemment et d'élargir nos horizons", analysait la journaliste spécialisée web, Emily Turrettini, dans le journal suisse Bilan.

La défaite politique plus mal vécue… qu'un attentat sur le sol national

Résultat : nous généralisons, et pensons naïvement que les idées politiques que nous véhiculons sont également celles les plus massivement partagées par l'ensemble de la société. Ainsi, les partisans du candidat vainqueur étaient tout aussi sûrs de leur victoire imminente que vous ne l'étiez avant aujourd'hui. Si les Français voyaient davantage Hillary Clinton gagner l'élection présidentielle américaine en raison du parti-pris assez clair de la part que nous véhiculait une majorité de nos médias de masse, les supporters du tout nouveau président des États-Unis étaient bel et bien aussi confiants de leur victoire que nous de leur défaite. En clair, lorsque deux camps politiques s'affrontent, chacun d'eux pense que le dénouement ne peut être qu'en leur faveur ou presque, explique le scientifique du comportement, Todd Rogers, de l'université d'Harvard dans les colonnes de Voxet sur le site de l'université.

Et la désillusion est très cruelle. Dans une étude conduite par ce même Todd Rogers, on apprend que ces défaites politiques sont vécues de manière plus brutales encore par les partisans de candidats perdants, que par les victimes de catastrophes bien plus graves. Dans son étude, il avait été demandé aux supporters du candidat perdant de l'élection présidentielle américaine de 2012, Mitt Romney, aux parents des enfants assassinés lors de la <a class="Colorbox" data-cke-saved-href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Tuerie_de_l" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Tuerie_de_l" %c3%a9cole_primaire_sandy_hook"="" target="_blank">tuerie de l'école primaire Sandy Hook,  et aux habitants de Boston, ville frappée par le double-attentat de 2013, de donner une estimation de leur niveau de bonheur et bien-être. Le résultat, surprenant, fait état d'un malheur plus profond chez les partisans du candidat républicain perdant que chez les habitants de Boston ou même les parents d'enfants victimes de la tristement célèbre tuerie.

Masochisme inconscient

Enfin, il apparait que nous vivons la tristesse plus intensément que la joie. Aussi, les partisans de Trump étaient moins contents de la victoire de leur favori que n'étaient bouleversés les supporters de Clinton à l'annonce de la défaite de cette dernière. Ce phénomène a un nom : la théorie des perspectives. Comme quoi, l'homme doit être un peu masochiste. Nous accordons également plus d'importance à ce que nous risquons de perdre qu'à ce que nous pouvons gagner. Une étude, menée en 1990 par les économistes du comportement Daniel Kahneman, Jack Knetsch et Richard Thaler, illustre bien ce comportement. Les chercheurs avaient séparé les volontaires de l'expérience en deux groupes de taille égale. Une tasse avait été donnée à chaque membre du premier groupe, qui devait alors estimer à quel prix il accepterait de la vendre. Les membres du second groupe devaient quant à eux estimer à quel prix ils accepteraient de l'acheter. Résultat : les possesseurs de ces tasses leur donnaient un prix deux fois plus élevé que ne le faisaient les potentiels acheteurs.

Toutefois, ne vous faites pas trop de bile. Ce malheur dans lequel vous pensez vous noyez devrait rapidement s'estomper. Comme l'indique le psychologue Dan Gilbert, interrogé par Vox, nous avons tendance à surestimer la charge émotionnelle des événements et sa durée dans le temps. Le cas d'un heureux gagnant d'une loterie et celui d'une personne soudainement paraplégique avaient été analysés dans une étude : tous deux avaient fini par revenir assez rapidement à leur niveau de bonheur "de base".

Tout compte fait, vous avez tout à gagner à ne pas être trop optimiste dans les défis que vous offre la vie. Les bonnes surprises ne seront que plus savoureuses.

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