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Olaf Scholz, Joe Biden, Fumio Kishida, Volodymyr Zelensky, Emmanuel Macron, Justin Trudeau et Rishi Sunak posent pour une photo lors du sommet du G7 à Hiroshima le 21 mai 2023.
Olaf Scholz, Joe Biden, Fumio Kishida, Volodymyr Zelensky, Emmanuel Macron, Justin Trudeau et Rishi Sunak posent pour une photo lors du sommet du G7 à Hiroshima le 21 mai 2023.
©Stefan Rousseau / POOL / AFP

Bras de fer géopolitique

Alors que le G7 s’achève ce dimanche au Japon, les dirigeants ont décidé de renforcer les sanctions contre Moscou et de réduire l'exposition à la Chine. Les pays du G7 ont publié un communiqué définissant une stratégie commune dans leurs relations futures avec Pékin, alors qu'ils s'inquiètent du rôle de la Chine dans les chaînes d'approvisionnement. Les membres du G7 ont aussi appelé au développement et à l'adoption de normes techniques internationales pour une intelligence artificielle (IA) fiable.

Dov Zerah

Dov Zerah

Ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA), Dov ZERAH a été directeur des Monnaies et médailles. Ancien directeur général de l'Agence française de développement (AFD), il a également été président de Proparco, filiale de l’AFD spécialisée dans le financement du secteur privé et censeur d'OSEO.

Auteur de sept livres et de très nombreux articles, Dov ZERAH a enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), à l’ENA, ainsi qu’à l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC). Conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine de 2008 à 2014, et à nouveau depuis 2020. Administrateur du Consistoire de Paris de 1998 à 2006 et de 2010 à 2018, il en a été le président en 2010.

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Atlantico : Alors que la guerre en Ukraine s’enlise et que des tensions diplomatiques se font de plus en plus sentir, les dirigeants du G7 se sont réunis le vendredi 19 mai à Hiroshima, au Japon, dans le cadre d’un sommet qui s’est clôturé ce dimanche. Que retenir de ce sommet ? Quels étaient ses principaux enjeux ?

Dov Zerah : Cette 49ème rencontre du G7 est symbolique avec le choix du lieu de la réunion, Hiroshima, ville martyr de la 1ère bombe atomique avec 147 000 morts et ses milliers d’irradiés... Les Japonais ont ainsi adressé au Monde un message sur la dangerosité de l’arme nucléaire. C’est une piqure de rappel alors que depuis un an et l’invasion de l’Ukraine, la perspective de l’usage de l’arme atomique, même tactique, évoquée à plusieurs reprises par le camp russe, inquiète.

La présence de Volodymyr ZELENSKY a focalisé les discussions sur l’Ukraine, et particulièrement deux objectifs :

- Obtenir des avions et notamment des F16 pour protéger son pays et éventuellement, s’ils sont livrés dans les délais, accompagner la contre-offensive tant annoncée. L’annonce américaine constitue à cet égard un véritable succès et la décision emblématique de cette réunion.

- Rencontrer le Premier ministre indien Narendra MODI, actuel Président du G 20, le Président brésilien Lula da SILVA, et le Président indonésien Joko WIDODO qui n’ont pas condamné la Russie ; comme les membres du G7, Volodymyr ZELENSKY a cherché à faire évoluer les positions de ces trois pays dans un sens plus favorable à l’Occident. « Le travail d’arrimage » de ces trois pays, pour reprendre l’expression élyséenne, a notamment porté sur la problématique de la sécurité alimentaire.

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Sur le chemin du Japon, le Président ukrainien a fait escale à Djeddah ; invité surprise du sommet de la Ligue arabe, il a exhorté, sans succès, les membres de l’organisation panarabe à « jeter un regard honnête » sur l’agression russe et ses « annexions illégales » Il a certes éclipsé le retour dans cette enceinte de Bachar El ASSAD, mais il n’a pas perturbé l’agenda de la réunion de pays ne souhaitant pas s’aliéner Moscou.

Le G7 a été aussi l’occasion de la mise en place de nouvelles mesures pour rendre plus efficaces les sanctions contre la Russie et limiter les contournements par la Chine, l’Inde et la Turquie.

Au-delà des annonces et entretiens bilatéraux sur l’Ukraine, des tentatives de convaincre le Brésil, l’Inde et l’Indonésie de suivre la bannière occidentale, la qualification de « coercition » les activités de Pékin en mer de Chine constitue un signe fort envoyé par le G7.

Avec le temps, ce G7 constituera un temps fort de la coopération occidentale et du travail de « containment, endiguement » de la Chine et de la Russie.

Atlantico : Dans le match entre l’Occident contre la Russie, la Chine et autres régimes autoritaires, qui s’en sort le mieux ?

Dov Zerah : L’impérialisme tous azimuts des Chinois donne pour le moment l’avantage au camp des régimes autoritaires :

- Les violations répétées de Pékin en mer méridionale de Chine avec des actions illégales ayant pour objectif de prendre possession d’îles appartenant au Brunei, au Japon, à l’Indonésie, à la Malaisie, aux Philippines, à Taïwan, ou au Vietnam. Par tous les moyens, la Chine cherche à contrôler les routes maritimes au large de ses côtes et à étendre sa zone économique exclusive (ZEE).

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- Les tentatives d’isolement de Taïwan avec les nombreuses manœuvres et provocations militaires ; il est de notoriété publique que Xi JINPING s’est fixé l’objectif de récupérer l’île durant son 3ème mandat, avant 2027.

- La remise en cause de l’accord de rétrocession de Hong Kong sans oublier la répression des millions de manifestants ayant essayé de s’opposer à la mainmise de Pékin.

Mais, au-delà des violations répétées du droit international en Asie, Pékin, tel un joueur de go, avance ses pions, encercle, tisse sa toile avec ses routes de la soie, déploie un entrisme totalement débridé, un rouleau compresseur que rien ne semble pouvoir arrêter. …

Pour sortir de l’ornière ukrainienne dans laquelle il a mis son pays, Vladimir POUTINE s’est mis entre les mains de Xi JINPING pour vendre son gaz et essayer d’obtenir des armes. Mais la Chine a commencé à poser ses conditions : elle déconseille, voire refuse l’utilisation de l’arme atomique, semble mégoter les livraisons militaires… Qu’en sera-t-il demain ? Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui invitent Pékin à faire office de médiateur entre Kiev et Moscou. Quelle victoire pour l’Empire du Milieu d’être invité à intervenir pour arrêter la guerre en Europe ! Quelle ironie de la realpolitik de se tourner vers la Chine communiste pour faire respecter l’inviolabilité des frontières !

Plus généralement, la guerre en Ukraine a permis de constater que les pays soucieux de l’inviolabilité des frontières et du respect de la charte des Nations-Unies étaient minoritaires, ce qui laisse présager un avenir tumultueux dans les relations internationales. Vote après vote à l’ONU, l’Occident a pu mesurer sa solitude.

Sous l’égide des Chinois, les Iraniens et les Saoudiens, après des années d’attaques directes ou indirectes, ont décidé de renouer leurs relations diplomatiques. Compte tenu de leurs rapports avec les Iraniens, les Américains n’auraient pas été en mesure d’orchestrer ces retrouvailles. Mais, rien ne nécessitait aux deux parties de prendre la Chine comme parrain. C’est un indiscutable signe de perte d’influence de l’Oncle Sam au Proche Orient et notamment en Arabie saoudite, son 1er allié dans la région depuis 1943.

À 78 ans, après une traversée du désert de 7 ans et un passage par « la case prison », Lula da SILVA est revenu au pouvoir à cause des excès et des incompétences de son prédécesseur. Il n’a pas tardé à se précipiter en Chine.

Enfin, alors que l’Empire du Milieu ne cesse d’accumuler des excédents commerciaux et que ses partenaires cultivent les déficits, les autorités de Pékin continuent de manipuler leur monnaie pour inonder le Monde avec leurs produits ; cela ne les décourage pas dans le travail de sape de l’influence du dollar.

Atlantico :Quelles sont les principales annonces ou initiatives résultant du sommet du G7 en ce qui concerne les défis mondiaux actuels ?

Dov Zerah : Au-delà des annonces sur l’accentuation des sanctions contre la Russie et les conditions d’assurer la sécurité alimentaire dans le Monde, ce sommet a porté sur l’Ukraine et la déclaration américaine de livraison à Kiev de F16 ainsi que sur la critique de l’attitude chinoise en mer de Chine.

En revanche, le G7 n’a pris aucune disposition économique, notamment sur la gestion de la remontée des taux d’intérêt et la situation des banques et n’a communiqué aucune décision sur la lutte contre le dérèglement climatique.

Le G7 a permis au Président français de faire la promotion de la réunion de juin à Paris sur « le pacte financier mondial » pour aider le Sud à faire face au défi climatique. Cette nouvelle initiative démontre avec la récente tournée africaine du Premier ministre japonais, Fumio KISHIDA, la volonté occidentale d’offrir aux pays africains une alternative aux mirages chinois.

Atlantico : Comment le reste du monde réagit à ce sommet et ces annonces ?

Dov Zerah : L’indifférence, voire l’opposition radicale, à ce genre de réunion semble prévaloir. Cela est dommageable à la gouvernance mondiale. Il est indispensable que les dirigeants du Monde se parlent. C’est incontournable pour éviter les malentendus et favoriser la coordination. L’absence de dialogue est préjudiciable à tous !

Depuis 50 ans, les grands pays économiques se retrouvent dans un cadre informel pour discuter des grands sujets du Monde, quel que soit la nature de ces problématiques. Au départ, ils étaient 5 : l’Allemagne, les États-Unis, la France, le Japon, et le Royaume Uni. Puis, le Canada et l’Italie ont rejoint ce club devenu G7. Rappelons, qu’à la chute de l’URSS, le club devint G8 avec l’entrée de la Russie ; cela constitue une preuve que l’Occident n’a pas cherché à ostraciser Moscou.

Un des objectifs de cette structure était de dépasser les limites du Conseil de sécurité de l’ONU, où ne se retrouvaient pas les deux grands vaincus de la guerre redevenus puissances économiques, le Japon et l’Allemagne. La mondialisation avec l’émergence de pays comme la Chine, l’Inde et le Brésil, fait de la gouvernance mondiale une exigence, une nécessité pour éviter que les dérèglements ne soient accentués par des décisions divergentes des principales puissances économiques.

Après la crise des subprimes, le G20 a été créé. Au-delà des commentaires sur ce nombre, et les conditions de fonctionnement de cette instance, l’important est qu’elle se réunisse. Il est essentiel que les dirigeants du monde se parlent pour forger une conscience mondiale, seule susceptible d’apporter des solutions aux risques et défis de la Planète.

Atlantico: Comment qualifier l’ordre mondial actuel, en termes d’alliances notamment ? Dans quelle mesure deux visions du monde s’affrontent-elles ?

Dov Zerah : Respect des droits de l’homme, liberté économique, pluralisme politique, respect du droit international et de l’inviolabilité des frontières… tels sont les principaux critères qui différencient le bloc occidental du camp des autocrates emmenés par la Chine, la Russie. Cet affrontement pourrait s’apparenter au combat de Gog et Magog, le combat de la fin des temps entre le Bien et le Mal.

Atlantico :Le conflit actuel que nous avons décrit oppose deux visions du monde distinctes. Comment évolue-t-il sur le long terme ? L'hégémonie occidentale, longtemps au cœur de l'organisation mondiale, vous apparaît-elle tenable où est-elle vouée à être sans cesse contestée ?

Dov Zerah : L’affrontement a récemment eu deux accélérateurs :

- La pandémie qui a mis en évidence des vulnérabilités structurelles des pays occidentaux, notamment européens, vis-à-vis de la Chine

- L’agression russe contre l’Ukraine qui a entrainé une mobilisation des deux camps soit pour aider l’exceptionnel courage des soldats ukrainiens à défendre leur patrie, soit pour accompagner Moscou dans le contournement des sanctions et dans les enceintes internationales.

Même si l’affrontement avec la Chine parait inévitable à plus ou moins brève échéance, il faut s’y préparer mais continuer à coopérer par tous les moyens pour l’éviter. La guerre de Troie aurait pu ne pas avoir lieu !

Contrairement à ce que certains pensent ou souhaitent, la défaite de l’Occident n’est pas écrite. Bien au contraire, pour au moins quatre raisons :

- L’aspiration de l’homme à la liberté constitue le talon d’Achille des dictatures.

- Devenu premier pays au Monde par la population, l’Inde pourrait jouer une partition spécifique. De vieux contentieux frontaliers pourraient réapparaître. N’oublions pas que le conflit sino-indien de 1962 s’est soldé par l’occupation de territoires indiens par la Chine.

- Quelle que soit l’issue de la guerre en Ukraine, l’armée russe a montré qu’elle n’était pas la seconde au Monde. Néanmoins, malgré une démographie déclinante, la Russie a d’énormes ressources et peut recouvrer une nouvelle puissance. Par ailleurs, elle pourrait remettre en cause sa relation avec la Chine si cette dernière cherchait à profiter de sa faiblesse actuelle pour faire « main basse » sur certains territoires sibériens.

- Enfin, la Chine a des faiblesses qui devraient la conduire à plus de prudence !

Xi JINPING a renforcé sa position en concentrant tous les pouvoirs et en s’auto proclamant Empereur à vie. Bloquer le couvercle sur la marmite peut conduire à l’explosion ; l’histoire chinoise a connu des périodes de pouvoir central faible avec des potentats locaux.

Le vieillissement et l’embourgeoisement de la population pourraient écorner les postures bellicistes.

En étant l’usine du Monde, la Chine est tout autant tributaire de ses acheteurs que ces derniers ne le sont de ses produits. Une éventuelle perte des marchés occidentaux pourrait entraîner un effondrement de l’économie chinoise.

La raison et l’intérêt poussent à la coopération… Mais, la guerre de Troie a eu lieu !

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