Conférence de presse de François Hollande : qui le Président a-t-il le plus intérêt à convaincre ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Depuis un an, l'effondrement de François Hollande est général.
Depuis un an, l'effondrement de François Hollande est général.
©Reuters

Funambule

François Hollande tient ce jeudi sa deuxième grande conférence de presse présidentielle. Les images rappelleront celles du 13 novembre 2012, mais le président de la République, au plus bas dans les sondages, devra redoubler d'efforts pour convaincre les Français en pleine période de récession.

François  Kalfon et Guillaume Peltier

François Kalfon et Guillaume Peltier

François Kalfon, conseiller régional d’Ile-de-France et adjoint au maire de Noisiel (77), est secrétaire national du PS en charge des études d’opinion. Il vient de publier avec Laurent Baumel un Plaidoyer pour une gauche populaire : La gauche face à ses électeursEditions Le Bord de l'eau (novembre 2011).

Guillaume Peltier est secrétaire national de l'UMP en charge des enquêtes d'opinion et fondateur de "la Droite forte"

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Atlantico : François Hollande tient ce jeudi sa deuxième grande conférence de presse présidentielle. Les images rappelleront celles du 13 novembre 2012, mais le contexte apparaît très différent. Depuis mercredi 15 mai, selon l'Insee, la France est officiellement entrée en récession et le président de la République est au plus bas dans les sondages. A quelle catégorie de Français doit-il s’adresser en  priorité pour remonter la pente ?

Guillaume Peltier :François Hollande doit profiter de cette nouvelle séquence pour cesser d'être le président des socialistes et des élites et devenir,enfin, le président de tous les Français. En période de crise, il doit plus que jamais s'adresser aux forces vives : aux travailleurs, aux salariés du privé, aux chefs d'entreprises, à ceux qui créent de l’emploi... Or, depuis un an tout est fait pour mépriser, matraquer cette majorité de Français qui au quotidien crée la croissance dans notre pays. Depuis un an, l'effondrement de François Hollande est général, mais il est particulièrement marqué auprès des classes populaires, des classes moyennes qui se sentent asphyxiées fiscalement, et enfin auprès des petits commerçants des patrons de PME. Ces derniers sont le cœur nucléaire de l'emploi en France. Nous avons besoin de fonctionnaires et de patrons du CAC 40, mais les TPE et les PME sont les principaux pourvoyeurs d'emplois du pays. Malheureusement, elles sont également les grandes oubliées de ce début de quinquennat.

François Kalfon : Avant tout, il faut faire la différence entre ceux à qui pourrait s'adresser François Hollande et à qui il va effectivement s'adresser. En effet, François Hollande n'a en général pas cette approche sociologique qui consiste en un discours pour chacun. Je pense donc qu'il aura un propos pour l'ensemble des Français en expliquant plutôt que les efforts engagés sont sur une voie vertueuses, et que l'équilibre entre baisse des déficits et retour à la croissance a été entendu comme le démontre le délai de deux ans qui a été accordé à notre pays. Il va raconter cette histoire-là du qui pourrait constituer le début du second temps du quinquennat. Pour ma part, je crois qu'il serait nécessaire d'aborder à la fois la question du chômage, qui concerne la politique macroéconomique, et celle du pouvoir d'achat qui ne doit pas être oubliée. Et c'est là que l'on touche selon moi à la réussite ou pas d'un quinquennat, c'est-à-dire la capacité pour une équipe politique à rentrer en résonance avec le salariat, la classe moyenne en décrochage, et la classe ouvrière. Je prône pour ma part, un discours fort sur ces deux sujets et donc sur l'engagement 14 qui fut le sien, c'est  à dire la reforme fiscale redistributive. Pas de doute que ce soit bien autour de ces catégories laborieuses touchées par la crise qu'il faudrait que François Hollande oriente son discours. Ensuite, il serait pertinent d'axer aussi une partie de son discours vers les seniors qui sont à la fois une part importante de la population et qui vont être appelés à contribuer. Il faut donc leur envoyer un message de solidarité.

Depuis le début de son mandat, François Hollande semble écartelé entre la gauche de la gauche et le centre-gauche. Peut-il s’adresser en même temps aux électeurs de Jean-Luc Mélenchon et à ceux de François Bayrou ?

Guillaume Peltier : C'est l'erreur des hommes politiques en général et de François Hollande en particulier de croire qu'on peut gouverner en s'adressant à des catégories partisanes. Il y a aujourd'hui deux tiers des Français qui sont d'accord sur une ligne idéologique et programmatique qui est l'exacte opposée de ce que proposent François Hollande et le Parti socialiste. En matière entrepreneurial, la majorité des Français souhaite une politique de baisse des charges en faveur des artisans, des commerçants, des TPE. Sur la question de la mondialisation, la majorité des Français dit très clairement vouloir une politique fondée sur la protection, osons les mots, sur le protectionnisme européen et sur la  réhabilitation de l'idée de frontières et de patriotisme économique. La ligne de fracture n'est pas entre la gauche de la gauche et la sociale-démocratie, mais entre la majorité des Français qui travaillent et attendent des mesures audacieuses et une France minoritaire très aidée complétée par des élites déconnectées du réel.

François Kalfon : D'abord, faisons bien la différence, dans la France la plus à gauche et ses représentants, entre ceux qui sont des socio-démocrates qui ne nient pas la nécessité du redressement productif comme Arnaud Montebourg, et ceux comme Jean-Luc Mélenchon, pour qui la dette est une invention et pour qui la nécessité des retraites est une mystification libérale. S'il y a deux écueils pour une politique de gauche, ce serait soit une gauche qui dit non à tout et donc oui à Jean-Luc Mélenchon, soit une gauche qui céderait à la dérive gestionnaire en se contentant de reprendre à son compte la doxa des élites et des gestionnaires de Bercy. Entre les deux, il y a une place pour une politique intelligente qui consiste en un équilibre entre la reconnaissance de la nécessité des réformes de structure (acceptation de la règle d'or budgétaire, crédit d'impôt compétitivité emploi) et de l'autre, la prise en compte de la nécessité la redistribution, le redressement productif, le juste échange et la perte de naïveté sur le dogme de la concurrence libre et non faussée en Europe qui nous a conduit dans le mur. Enfin, il faut mener des politiques volontaristes de réindustrialisation.

Ce discours doit donc, avant de chercher à viser des électorats précis, rassurer le monde du travail, et de ceux qui en veulent un, en offrant des perspectives plut^t que d’accepter une politique de rigueur qui confine l'austérité et la récession si dans le même temps rien n'est fait pour développer la croissance. Rappelons nous en effet, que nous sommes en Europe, le seul espace intégré économique à être entré en récession quand d'autres comme les Etats-Unis, la zone Asie-Pacifique ou l'Amérique du Sud affichent de belles croissances. Or, la situation préjudiciable que nous connaissons ne peut être imputée qu'à des politiques trop dogmatiques, monétaristes.

Le think thank Terra Nova a eu une certaine influence durant les primaires PS et, dans une moindre mesure durant la campagne de François Hollande. Un rapport, intitulé "Gauche, quelle majorité électorale pour 2012" préconisait au PS de se tourner vers les "les diplômés", "les jeunes", "les minorités" et "les femmes" plutôt que vers les ouvriers et les classes populaires. Ces dernières sont à présent les premières à se détourner de François Hollande pour aller vers le FN. Est-ce la défaite idéologique de Terra Nova ou la confirmation que l’électorat populaire est définitivement perdu pour le PS ?

Guillaume Peltier :C'est la défaite idéologique d'une gauche devenu la gauche des élites et qui n'est plus représentative du peuple. Cela fait 30 ans que ça dure. Terra nova n'est que l'aboutissement d'une lente dérive initiée par François Mitterrand, poursuivie par Lionel Jospin et incarnée parfaitement par François Hollande. Ségolène Royal a représenté une parenthèse. Elle a tenté selon moi, de manière assez habile, de réconcilier la gauche avec le peuple en utilisant une sémantique nouvelle sur la question de la sécurité et du patriotisme notamment. Sur le plan de la stratégie de la gauche c'était assez inédit et intéressant. François Hollande se situe, lui, dans le prolongement de Terra nova. Cela lui a permis d'être président de la République dans un contexte très favorable à la gauche. Mais il paie aujourd'hui un score très décevant et très étriqué le 6 mai 2012 qui devrait finalement pénaliser longuement la gauche française.

François Kalfon : Les thèses de Terra Nova comprennent en moins deux grandes séries d'erreurs, l'une morale et l'autre politique. En effet, l'ADN de la gauche n'est autre que le combat contre les inégalités, et donc forcément les inégalités sociales. A partir de ce constat, comment abandonner la défense du monde du travail? Ce serait une erreur identitaire. Ensuite, sur le plan électoral, il n'y a pas de majorité politique à gauche sans le soutien électoral des classes populaires, du salariat, en particulier celui du privé.

Les sondages montrent que le président de la République ne bénéficie d’aucune clémence de la part de l’électorat de droite. Doit-il essayer de se réconcilier avec cette partie de l’électorat ou s’adresser en priorité aux électeurs de gauche au risque de diviser encore plus le pays ?

Guillaume Peltier :  Le président de la République ne peut construire un rapport satisfaisant avec ses concitoyens qu'en incarnant l'audace et le courage. Il doit transgresser les vieux clivages partisans pour s'adresser non pas à la gauche de la gauche, mais aux 65% de Français qui travaillent, qui sont conscients des réalités qui s'imposent à notre temps et qui veulent des réponses audacieuses. C'est vrai sur tous les sujets : sur la question du déficit public, sur la question européenne, sur la question de la mondialisation, de l'immigration, de l'école, de la sécurité. Une majorité de Français est d'accord sur une idéologie qui est celle que portait Nicolas Sarkozy durant l'élection présidentielle en 2012 et qui n'est absolument pas celle de François Hollande.

François Kalfon : Cela n'est pas nouveau. Il y a toujours eu plus de clémence de l'électorat de gauche pour la droite au pouvoir, quand celle-ci ne montre pas le visage honteux du buissonisme ou d'un libéralisme échevelé, que l'inverse. Il n'y a jamais eu de clémence de l'électorat de droite pour la gauche au pouvoir mais cela ne veut pas dire pour autant qu'il faille gouverner pour son camp. La gauche est républicaine donc elle gouverne pour tous. A cet égard, il y a des thématiques de rassemblement, celles d'une gauche, celle des nouveaux droits et bien sûr des devoirs. Une gauche qui reconnaisse l'autorité comme le fait très bien Manuel Valls, Plus largement, une gauche qui gouverne pour tous doit consentir à une nouvelle "alliances de classe" que l'on pourrait appeler  "front des productifs" réunissant aussi bien des entrepreneurs que des travailleurs dans le sens d'un intérêt national mieux compris. Et je crois que ce discours pourrait dépasser les clivages traditionnels droite/gauche et permettre au parti d’élargir sa base sociale et électorale.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio et Jean-Baptiste Bonaventure

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