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Alimentation : dis moi comment ton ado mange je te dirai qui il est
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Je mange donc je suis

Si la plupart des ados se passionnent pour la cuisine, cela s'explique souvent par des besoins énergétiques augmentés. Martine Walker revient sur l'aspect culturel et social de l'alimentation chez les jeunes. Extrait de "L'alimentation de mon enfant" (1/2).

Martine Walker

Martine Walker

Martine Walker est diététicienne et praticienne du groupe de réflexion sur l'obésité et le surpoids. Elle dispense ses bons conseils en matière d'alimentation. Vous pouvez la retrouver sur son site

Elle est l'auteur de "L'alimentation de mon enfant" chez First Editions.

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Il mange comme sa tribu

Votre ado appartient essentiellement à deux tribus, sa famille et ses copains, les deux ne se situant pas sur le même plan. En 2006, un sondage IPSOS montre que ce qui compte d’abord pour les adolescents, c’est la famille (à 98 %), placée nettement avant les amis (à 78 %). Se retrouver entre ados pour manger ensemble, sans présence adulte, c’est sympa, mais ça n’empêche pas votre ado d’apprécier la soupe de mamie ! Donc il s’adapte : pizzas, hamburgers, kebabs avec ses copains, petits plats cuisinés avec amour en famille, et il aime ça…

Sa tribu familiale : attachement et contestation

Il s’adapte aux circonstances et il aime manger des plats traditionnels : plaisir gustatif, mais aussi lien affectif vis-à-vis de ceux et celles qui les ont préparés. De nombreux adolescents ont un attachement très fort à leur grand-mère au travers des plats traditionnels, des odeurs et du contexte de plaisir et de convivialité dans lequel ils ont mangé ces plats.

Les formes de consommation peuvent varier selon le contexte : le lait est perçu comme réservé aux petits, et ils évitent d’en boire devant les autres. Mais pris à la maison, avec du chocolat, il réconforte et ramène au bon côté de l’enfance. Dans la rue, avec les copains, ce sera du yaourt à boire, par exemple. En général, les adolescents sont rattachés au repas familial et aux règles parentales ; ils vont les contester et les transgresser entre 13 et 17 ou 18 ans. Ils apprécient l’éducation alimentaire reposant sur le goût, le plaisir, la convivialité mais rejettent les discours diététiques normatifs. Alors plus vous lui mettrez la pression pour manger des aliments « sains », plus il mangera en cachette ce qui lui fait plaisir, et que vous considerez vous-même peut-être comme des « cochonneries » ! et puis l’alimentation en famille, ce ne sont pas toujours des soupes et des plats mijotés : vive les plateaux-télé avec pizza et glace, sandwich et chips, repas de crêpes… Ces repas aussi, s’ils sont pris dans une atmosphère chaleureuse, leur feront plaisir et leur laisseront de bons souvenirs !

Les jeunes dont la famille est issue de l’immigration apprécient leur culture alimentaire familiale par plaisir gustatif, mais aussi par volonté d’affirmer leur identité. Ce qui n’empêche pas parfois une réelle ambivalence, certaines jeunes filles d’origine maghrébine rejetant les plats traditionnels qu’elles jugent trop gras et trop souvent à base de mouton. Les jeunes musulmans cherchent à adapter les règles alimentaires familiales et apprécient aussi de manger à la française tout en respectant le halal, parfois davantage pour affirmer leur appartenance à un groupe que pour des motifs uniquement religieux. À l’inverse, et pour les mêmes raisons identitaires, certains jeunes non musulmans mangent halal et font le ramadan.

Mais quelle que soit leur origine, les jeunes ont souvent une intelligence sociale qui les rend adaptables à tous les milieux. Ils associent cette appropriation de leur culture familiale et un désir de nouveauté. Ils se distinguent de leurs aînés en consommant de nouveaux produits de manière différente et avec de nouvelles associations, surtout lorsqu’ils sont entre eux.

Sa tribu de copains

Dans la rue

Ils mangent dans la rue, au centre commercial, ou dans un parking, en tout cas dans un endroit non prévu à cet effet et qu’ils s’approprient. C’est leur plaisir de se retrouver entre eux et de manger debout, tout en marchant et en discutant, parfois avec le baladeur aux oreilles. Ils manifestent leur différence et leur autonomie en mangeant de manière inhabituelle des aliments adaptés au contexte. C’est une manière de s’intégrer au groupe en partageant le même type d’aliment et en faisant preuve d’une habileté particulière. Pas évident de manger proprement un gros sandwich plein de sauce tout en marchant et en parlant ! Ils choisissent des aliments « nomades », faciles à consommer à l’extérieur et bon marché : frites, hamburgers, sandwichs, pâtes à emporter, yaourts à boire, sodas…

Au fast-food : lieu de rencontre et de partage

Une étude récente partant de l’observation de jeunes alors qu’ils fréquentaient un fast-food a mis en avant le rôle de ce mode de restauration comme lieu privilégié de sociabilité. Oubliez ce que vous imaginez sur leur manière de manger : le « fast » ne concerne que la mise à disposition du menu, pas sa consommation. Non, ils n’absorbent pas nécessairement un nombre de calories affolant, en mangeant à toute allure, leur baladeur sur les oreilles, chacun dans son coin… Au fast-food, ils prennent leur repas assis à table, et assez souvent, ils achètent à tour de rôle pour les autres, puis partagent. Ils viennent aux heures normales de repas et ils mangent à une vitesse habituelle (21 minutes contre 14 minutes en moyenne au restaurant universitaire) et, après le repas, ils restent encore autant pour discuter. Ils sont attentifs au goût, comparant entre eux les produits de différentes chaînes de restauration rapide.

La plupart ne prennent qu’un menu, qu’ils ne terminent pas toujours, et ils sont presque un tiers, essentiellement des garçons, à prendre plus que le menu. Leurs choix divergent selon le sexe : côté filles, la tendance est aux nuggets et aux salades ; côté garçons, aux hamburgers et aux frites. Les préoccupations nutritionnelles des filles rejoignent logiquement une insatisfaction corporelle souvent présente. Pendant trois quarts d’heure, ils s’approprient une table, qu’ils peuvent quitter provisoirement pour aller faire une course. Pendant ce temps, ils échangent aussi avec leur téléphone portable en se faisant passer des SMS ou des photos.

Le fast-food, c’est le restaurant qu’ils peuvent s’offrir de temps en temps, où ils peuvent consommer en toute sécurité des produits qu’ils apprécient dans une convivialité qui leur est propre, liée en partie au partage alimentaire.

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Extrait de "L'alimentation de mon enfant" chez First Editions (27 septembre 2012)

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