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13 millions de Britanniques vont pouvoir récupérer leur capital retraite : quels bénéfices et quels dangers d’une réforme ultra choc ?
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"Retirement cash"

Georges Osborne, ministre des Finances de sa Majesté, a annoncé que les Britanniques pourraient récupérer leur capital retraite : une réforme sans précédent visant à réorienter l’épargne vers l’économie réelle. Mais les Anglais sauront-ils comment placer et consommer cet argent prudemment en évitant les écueils ?

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Treize millions de britanniques vont désormais pouvoir récupérer et puiser aussi largement qu'ils voudront dans leur capital retraite. Comment marche le dispositif, et qu'apporte-t-il de neuf aux anglais ?

Philippe Crevel : Dans le cadre du projet de budget 2014 / 2015, le Gouvernement anglais souhaite réorienter l’épargne vers l’économie réelle. Afin d’atteindre cet objectif, il est proposé que les bénéficiaires de régimes de retraite complémentaires d'entreprises puissent opter pour une sortie en capital en lieu et place d’une sortie en rente. Ces dernières années, le système de versement par annuités a été pénalisé par la baisse des taux directeurs. En effet, les régimes de retraite pour gérer des rentes privilégient les placements en obligations au détriment des actions. Pour inciter les Anglais à choisir l’option de la sortie en capital, le Gouvernement a prévu l’instauration d’une incitation fiscale. Le chancelier de l’Echiquier, George Osborne, entend promouvoir un Etat moins paternaliste donnant plus de pouvoir aux épargnants.

Cette situation pourrait-elle se retrouver un jour en France ? Dans quelle mesure les situations seraient-elles comparables ?

Notre système de retraite n’a rien à voir avec celui du Royaume-Uni. La répartition en vertu de laquelle les retraités sont payés à partir des cotisations sociales des actifs représente 95 % des dépenses retraites et 85 % des revenus des retraités. L’épargne retraite tant individuelle que collective ne pèse que 5 %. Au Royaume-Uni, la répartition finance moins de la moitié des revenus des retraités.

Dans un système par répartition, il n’y a pas de capital à répartir au moment de la liquidation des droits. Ce n’est pas dans la philosophie de ces régimes de prévoir le versement d’un capital et de toute façon les régimes de retraite n’auraient pas les moyens de verser aux 15 millions de retraités la somme capitalisée de leurs pensions. Mais de toute façon, c’est dans les fais absurdes. La question pourrait se poser pour les produits par capitalisation comme le PERP, les Contrats Madelin ou les régimes professionnels à cotisations définies. Actuellement, ces produits prévoient des sorties en rente avec néanmoins des cas de sorties en capital. Le produit retraite qui permet de retirer tout son argent en capital a, en France, pour nom l’assurance-vie.

Certains organes de presses anglo-saxons parlent d'une liberté des citoyens pour utiliser leur argent de la façon dont ils le souhaitent. Pour autant… Est-ce vraiment bénéfique ? Qu'aurions-nous à gagner mais également, qu'avons-nous à perdre ?

Dans cette affaire, le premier bénéficiaire est l’Etat qui récupérera des impôts au moment de la liquidation du capital même si une incitation fiscale est prévue. Le Gouvernement anglais a prévu de récupérer 3 milliards de livres d’ici mars 2019. Certes, en période de crise financière, il est peu tentant pour un retraité de retirer son capital de son fonds de pension et de le placer à sa guise. Néanmoins, il doit éviter plusieurs écueils. Il doit, en premier lieu, apprécier son rythme de consommation de son capital en fonction de son espérance de vie. Soit il sera trop prudent et il enrichira ses héritiers et l’Etat, soit il est un peu trop cigale et risque de se trouver fort démuni à la fin de sa vie. En outre, il doit évidemment bien placer son argent ce qui suppose soit qu’il soit doté d’une bonne culture économique et financière ou soit qu’il fasse confiance à des conseillers.

Sans forcément approuver cette réforme, un changement est-il nécessaire ? Quelles sont les failles du système français actuel ?

Le système français n’est pas infaillible car son fonctionnement repose sur les actifs dont le nombre doit être suffisant pour financer un nombre de retraités croissant. D’ici 2030, la France comptera 20 millions de retraités contre 15 millions aujourd’hui. Sans augmentation de la masse salariale sur laquelle sont assises les cotisations, il n’y a pas de possibilité en état le système. Depuis 1993, il faut souligner que le taux de remplacement (rapport entre pension et derniers revenus d’activité) a baissé de 10 à 20 points. En outre, dans un système par répartition, la solidarité est intergénérationnelle et ne passe pas par le capital des entreprises. Or, aujourd’hui et cela est parfaitement compris par le Gouvernement anglais, la survie économique passe par les fonds propres, par des financements par les actions et par l’investissement ainsi que l’innovation. François Hollande commence à l’admettre mais toujours un peu sur la pointe des pieds ou à contrecœur en créant par exemple le PEA-PME. Je ne suis pas certain que la proposition anglaise soit en soi une formidable idée pour les retraités ; en revanche, elle souligne parfaitement qu’il fait orienter massivement l’épargne vers les entreprises en lieu et place du tonneau des danaïdes des déficits publics.

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