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Séquestre budgétaire : comment Obama s’est piégé tout seul
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Trans-Amérique Express

L’entrée en vigueur des coupes budgétaires automatiques mandatées par le "sequester" est une défaite pour Obama. Une défaite qu’il s’est infligé tout seul puisque c’est lui qui a proposé le principe de telles coupes mais également parce qu’il a refusé tout compromis sur les impôts.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Depuis le 1er mars, les Etats-Unis sont entrés dans « l’ère du séquestre ». Le « sequestre » signifie que le budget national devra être amputé de plus de mille milliards de dollars au cours des dix prochaines années, et de 85 milliards tout de suite.

Où cet argent sera-t-il pris ? Pour moitié dans le budget du Pentagone et pour moitié dans les dépenses dites « discrétionnaires », c’est-à-dire celles qui ne sont pas « obligatoires » comme le paiement des retraites, des allocations sociales ou des dépenses de santé... Ces coupes toucheront tous les services, selon le principe d’égalité aveugle inscrit dans le « séquestre ».

Un principe dénoncé par beaucoup et en tout premier lieu par le président Obama. Toutefois, c’est lui-même  qui l’a institué en 2011. C’est aussi lui qui s’est enfermé dans un refus de tout compromis et qui se retrouve aujourd’hui pris à son propre piège.

Le « séquestre » est le deuxième volet de ce que les américains  appellent la « falaise fiscale » (« fiscal cliff ») et que l’on a traduit parfois en français par « mur budgétaire » (comment une « falaise » devient un « mur » lorsqu’on change de langue fait partie des merveilleux mystères de la traduction). Il s’agit d’une loi appelée « Budget Control Act », signée par le président Obama le 2 août 2011, qui contenait trois parties : 1, le relèvement du plafond de la dette américaine ; 2 et 3, la promesse conjointe de hautes d’impôts et de coupes généralisées dans les dépenses gouvernementales si, au 31 décembre 2012, un accord sur la réduction du déficit budgétaire n’avait pas été trouvé entre la Maison blanche et le Congrès.

Ce sont ces coupes généralisées qu’on appelle en anglais « sequestration » ou « sequester ». A l’époque la proposition en avait été faite par la Maison Blanche elle-même en la personne de Jack Lew, alors directeur de cabinet d’Obama (« chief of staff ») et aujourd’hui, secrétaire au Trésor. Le principe était déplaisant et arbitraire. Mais c’est justement ce qui faisait son attrait. Il était si déplaisant que les élus se mobiliseraient pour l’éviter.

C’est du moins ce que l’on croyait. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé.

Aucun accord de réduction budgétaire n’a été trouvé entre août 2011 et novembre 2012, date de l’élection présidentielle. C’était à prévoir. Réélu en novembre Barack Obama s’est estimé en position de force et a rejeté tout compromis sur le volet « revenus » des négociations quand celles-ci ont repris. En clair, il tenait à ce que les impôts soient augmentés. Les Républicains, engagés auprès de leurs électeurs à rejeter toute hausse d’impôts ont résisté tant qu’ils ont pu, mais fini par céder. C’était fin décembre. Le président avait remporté une victoire.

Toutefois le volet « dépenses » des négociations avait été mis de côté. Les élus s’étaient donné deux mois pour parvenir à s’entendre. Cette fois, c’est Obama qui souhaitait le plus un accord. Les Républicains étaient moins demandeurs, des économies mêmes aveugles étant toujours mieux que pas d’économie du tout. Du coup ils ont rendu au président la monnaie de sa pièce en refusant tout compromis.

Faute d’accord, le « séquestre » est entré en vigueur le 1er mars.

Mardi 26 février, le président a tenté de mobiliser l’opinion publique en évoquant lors d’une conférence de presse les conséquences dramatiques du séquestre, pour des millions d’Américains.  Il a qualifié les coupes à venir de « brutales » « sévères », « arbitraires », un « travail au hachoir » qui va « éviscérer » certains budgets dont l’éducation, l’énergie, etc.  « Des milliers de parents ne trouveront plus de crèche pour leur enfant » dit-il. Il a également évoqué des criminels relâchés dans la nature, des immigrants clandestins foulant les frontières, des pompiers sans camions ou échelle,  des appels d’urgence laissés sans réponse…

Le tableau apocalyptique peint ce jour-là par le président n’a convaincu personne. Pas même le New York Times, habituellement favorable à la Maison Blanche, qui cette fois a qualifié l’intervention présidentielle de « campagne d’hystérie ».

Il est vrai que depuis le 1er mars le ciel n’est pas tombé sur la tête des Américains. Et pour cause. Le séquestre représente une réduction de 2,3% d’un budget qui en 2012 était de 3,6 « trillions » de dollars (un  « trillion », en anglais équivaut à mille milliards, soit  3 600 000 000 000 dollars)

Pas un Américain ne croit que dans un telle somme on ne puisse trouver quelques « saines » économies. Le problème est que les gestionnaires des différents services gouvernementaux sommés de procéder à ces coupes sont devant un dilemme. La logique économique voudrait qu’ils commencent par couper dans le superflu. A rogner sur les bords. C’était même le but de la manœuvre. Couper un peu de gras partout. Rationaliser les opérations gouvernementales sans pénaliser tel ou tel service. Mais la logique politique leur demande au contraire de couper au cœur. De rendre ces coupes le plus visible possible et le plus pénible possible pour les Américains afin de démontrer à la fois l’idiotie de la manœuvre et l’importance de la dépense.

Ainsi Janet Napolitano, qui dirige le ministère de la Sécurité Nationale (Department of Homeland Security)  s’est empressée de dire qu’elle devrait réduire les effectifs des personnels de sécurité dans les aéroports ce qui allait allonger les temps d’attente et désorganiser le transport aérien. Comme si parmi les deux cent quarante mille employés de ce ministère personne n’était moins essentiel que ces employés.

Ainsi le département de la Marine (Navy) a retardé le déploiement du porte-avions Harry Truman dans le Golfe persique, prévu dans le cadre des sanctions contre l’Iran, à cause du « séquestre ». Comme si parmi les dizaines de mission qu’elle remplit chaque jour, avec ses trois cents navires, trois mille sept cents avions, et quatre cent mille engagés et réservistes, aucune ne fut moins importante que l’engagement américain à contenir les ambitions militaires nucléaires de l’Iran.

Le Washington Times notait le 4 mars que, au moment où la Navy gardait son porte-avions à quai pour faire des économies, le gouvernement fédéral diffusait quatre cents offres d’emplois, dont cent-vingt pour le seul département de la Défense. Et trois pour l’étude du « ver cotonnier » !

Devant de telles incongruités, les Républicains ont laissé au président la prérogative de désigner lui-même les coupes. Obama a refusé. Les Américains sont désormais convaincus d’être les otages de l’entêtement idéologique de leurs élus, à commencer par le président, incapable de s’élever au-dessus de la mêlée.

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