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Paris, City de rechange ? Notre amie c'est la finance...
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Laissez venir à moi les petits banquiers

Le Brexit est une opportunité pour Paris de se refaire une bonne santé financière. Même Michel Sapin a l'air de s'en rendre compte. Mais peut-il nous en convaincre ?

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Ça n'est pas encore l'apocalypse, le tourisme se porte même plutôt bien avec une livre bientôt à parité avec l'euro, mais les voisins du dessus commencent à prendre la mesure de la grosse boulette de l'été dernier. Le prix des produits importés augmente, les projets d'investissements sont gelés, et la classe politique s'étripe sur le niveau de dureté optimal du Brexit et le moyen d'être complètement dehors tout en gardant un pied dedans.

C'est d'autant plus con que, le beurre et l'argent du beurre, c'est exactement ce qu'ils avaient jusqu'à présent, les Rosbifs : un accès complet au marché unique, un vivier de main d’œuvre qualifiée bon marché (les Français pour les bistrots et les trading floors, les Polonais pour la plomberie et les lignes de bus...) et même des douaniers tricolores pour gérer leur frontière à Calais et tenir les miséreux à l'écart. Que demande le people ?

Mais bon, c'est la démocratie : une poignée de tocards a réussi à convaincre tous les laissés pour compte du Royaume que c'était à cause des technocrates qui légifèrent sur la courbure des bananes à Bruxelles que leur voiture ne démarrait plus le matin et que leur femme les avait quitté, et bing, les voici à poil dans le froid. Et la voiture ne démarre toujours pas. Et leur femme n'est pas revenue non plus. Et les bananes sont devenues hors de prix.

Mais le nouveau gros coup de grisou qui s'annonce, c'est du côté de la City, où banquiers et brokers se demandent s'il vaut encore le coup de rester en bord de Tamise. Ils s'en foutent un peu, en vérité, de la Tamise, les banquiers et brokers. Tout ce qu'ils demandent, c'est un endroit raisonnablement taxé, raisonnablement régulé, où il y a du savoir-faire et depuis lequel on fait facilement du business sur le reste du continent parce qu'on y a les mêmes droits que les autochtones.

Ah, ils aiment bien qu'il y ait de beaux appartements, des boutiques chics et de bons restaurants aussi, parce qu'il faut bien le claquer quelque part, tout ce pognon.

Michel Sapin, le ministre du président qui proclamait il n'y a pas si longtemps que son ennemie était la finance et qui prévoyait de taxer les riches à 75%, est d'ailleurs désormais totalement focalisé sur la manière dont Paris pourrait profiter de la grande migration en cours. En balade à Washington la semaine dernière, il a même tenté d'en convaincre les banques américaines qui ont des fourmis dans les jambes : si la Grande-Bretagne n'est plus dans l'Europe, la City n'est plus non plus son cœur financier. Paris, en revanche... CQFD.

Si ce grand Trek se produit (c'est pas encore sûr sûr, juste fort probable) et qu'il leur faut un nouveau point de chute, Paris est effectivement sur la liste, pas de doute. C'est déjà un centre financier d'envergure, c'est bien situé géographiquement, il y a de bonnes infrastructures et, côté, entertainment et occasions de se la péter en smoking et falbalas haute-couture en mangeant du caviar à la louche avant l'opéra, Francfort et Dublin font un peu cousines de province. Reste qu'avant de mettre le grappin sur leurs sièges sociaux, sur leurs milliers d'emplois directs, sur leurs dizaines de milliers d'emplois induits, sur leur pouvoir d'achat, sur leur potentiel taxable, sur leurs dépenses, bref, sur quelque chose comme 10% du PIB grand-breton, il faut peut-être commencer par se sortir les couteaux anti-capitalistes d'entre les dents.

Et éviter de leur faire peur avec un comité d'accueil à la Le Pen, qui prône le Frexit ("Quoi, à peine installés, il faudrait redéménager ?"), voire à la Filoche, qui leur interdirait de faire du business avec Hong-Kong parce que leurs bureaux ouvrent après la fermeture des nôtres.

Parce que le vrai "trickle down", désormais, c'est quand le business dégouline de Londres jusqu'à Paris en même temps que le champagne rosé. Believe it or not, notre amie, c'est la finance. Le changement, c'est maintenant.

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