Pourquoi lutter contre les abus en matière de stages ne contribuera pas à créer davantage d’emplois<!-- --> | Atlantico.fr
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Limiter les stagiaires, une bonne mesure pour relancer les emplois ?
Limiter les stagiaires, une bonne mesure pour relancer les emplois ?
©Reuters

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Le ministère du Travail entend prendre des mesures pour encadrer et limiter la sur-utilisation des stagiaires, dans l'espoir de relancer la création d'emplois.

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul est économiste et professeur à l'université Toulouse I.

Il est l'auteur du rapport du Conseil d'analyse économique (CAE) intitulé Immigration, qualifications et marché du travail sur l'impact économique de l'immigration en 2009.

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Atlantico : Économiquement parlant, empêcher une entreprise de recruter un stagiaire peut-il la convaincre d'employer quelqu'un à la place ? Pourquoi cela ? 

Gilles Saint-Paul : L'idée est que les entreprises abusent des stagiaires et en embauchent pour pouvoir des postes qui pourraient être remplis par des salariés sur CDI. La mesure s'inscrit dans la logique de la loi de sécurisation de l'emploi qui pénalise les formes précaires de travail: taxation des CDD, pénalisation du temps partiel, etc.

Bien entendu il est plus coûteux de recruter un travailleur sur CDI et certains postes tenus par des stagiaires ne seront simplement pas renouvelés. Mais dans d'autre cas, l'entreprise sera contrainte de se plier à la nouvelle réglementation et un CDI sera effectivement créé. 

Plus largement, quelles peuvent être les conséquences de telles mesures sur le marché de l'emploi ? Seront-elles positives ou négatives ?

Même si à court terme le nombre de CDI devrait augmenter, je pense qu'à long terme les effets seront négatifs. D'une part parce que ces mesures vont grever la profitabilité des entreprises, qui est déjà fort basse, et donc l'investissement. D'autre part parce que les stages constituent un point d'entrée important sur le marché du travail pour les jeunes, et que la réduction de l'offre de stages devraient en laisser un certain nombre sur le carreau, avec des effets négatifs sur le chômage de longue durée. De plus les politiques de l'emploi du gouvernement n'ont aucune lisibilité. D'un côté on prétend réduire le coût du travail avec des allégements de charges. De l'autre on réduit la marge de manœuvre des entreprises dans la gestion de leurs effectifs. Le gouvernement ne comprend pas que s'il est perçu comme hostile et opportuniste cela risque de réduire sensiblement les embauches en dépit des efforts consentis sur le coût du travail. En effet les entreprises en concluront que ces efforts ne sont que transitoires et dus à la mauvaise conjoncture, et que les mesures d'allégement de charges seront retirées insidieusement lors du prochain retournement conjoncturel.

Limiter le recrutement des stagiaires ne risque-t-il pas paradoxalement d'aggraver la situation de ces derniers en limitant le recrutement et en faisant peser une charge de travail plus importante sur ceux qui seront engagés ? 

En principe cela n'est pas légal et la marge pour augmenter la charge de travail des stagiaires est faible. Le principal effet négatif sera sur la possibilité pour les étudiants de trouver des stages.

Comment serait-il possible d'améliorer globalement la situation de l'emploi, y compris des stagiaires ? Par plus de souplesse dans un sens comme dans l'autre ?

ll est évident qu'un marché du travail flexible conduirait au remplacement de nombreux stagiaires par des emplois de longue durée. Les stages illustrent parfaitement comment l'excès de protection des uns favorisent la précarité des autres. Pour une entreprise, un poste tenu par des stagiaires qui se succèdent est une option. En cas de coup dur il est facile de supprimer le poste.  Il est aussi facile de se débarrasser du stagiaire si celui-ci s'avère peu productif. Pour conserver cette option, les entreprises préfèrent renouveler les stagiaires à ce poste, au prix d'avoir des gens peu formés et/ou de voir leurs efforts de formation rendus inutiles par le départ du stagiaire, plutôt que d'embaucher un travailleur sur CDI. S'il était plus facile de licencier les travailleurs sur CDI, les entreprises seraient moins frileuses, et, paradoxalement, l'emploi tenu par le stagiaire serait moins précaire. 

A mon avis on ne fera pas l'économie d'une souplesse accrue, la stratégie visant à verrouiller toutes les marges de flexibilité des entreprises risquant de s'avérer catastrophique pour l'emploi. L'usage généralisé des CDD et stages nous montrent à quel point l'entreprise valorise la flexibilité.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Bonaventure

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