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Hollande contre la fonction : le président acceptera-t-il un jour de ne plus sacrifier la com’ présidentielle à ses désirs de normalité ?
©REUTERS/Philippe Wojazer

"J'aime-pas-les-riches" chez les patrons

D’après l’hebdomadaire "Valeurs Actuelles", l’appartement dans lequel les rendez-vous amoureux supposés du président Hollande auraient eu lieu appartiendrait à un patron de CAC 40. Une information qui si elle est confirmée finirait de tuer l’image du président « normal », « ennemi » de la finance.

Jean-Luc Mano

Jean-Luc Mano

Jean-Luc Mano est journaliste et conseiller en communication chez Only Conseil, dont il est le co-fondateur et le directeur associé.

Il anime un blog sur l'actualité des médias et a publié notamment Les Perles des politiques.

 

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Atlantico : Si cette relation amoureuse ainsi que le fait que l'appartement où elle aurait notamment pris forme appartienne à un grand patron étaient confirmés, quelle image cela renverrait-il au grand public ? Qu'en est-il de l'état de celle de président "normal" "ennemi" de la finance sur laquelle il a essayé de construire son mandat et sa campagne avant cela ? Cette affaire peut-elle renforcer le sentiment, déjà partagé par beaucoup de gens, de confusion dans la communication et dans l’action politique ?

Jean-Luc Mano : Avant tout, il est évident qu’il ne m’appartient pas d’infirmer ou de confirmer les différents éléments de cette affaire, notamment les plus récents. Toutefois, il est clair que cela donne la sensation, si c'est confirmé, d’un président qui n’est pas concentré sur l’essentiel. Ce n’est pas là-dessus que les Français vont juger François Hollande mais on pardonne plus volontiers à un pouvoir fort dans une situation positive. Or, dans le cas présent la situation est inquiétante et le pouvoir est faible, voire très faible.

Quant à la normalité, elle est morte depuis longtemps. Ce fut un élément de gouvernement les premiers mois mais plus personne ne s’y intéresse vraiment désormais. Cela dit, certains pourraient penser que ces images - à confirmer - d'un président en scooter pourrait permettre d’y revenir. Toutefois, selon moi, cela sera mal reçu. Les Français ont une conception assez monastique de la présidence de la République. L’idée que le président a ses petits défauts, qu’il est un citoyen normal, ne séduit pas. Dans le fond, il n’y a rien de plus anormal pour un citoyen que d’occuper cette fonction. Il y a d’ailleurs, et depuis le début de son mandat, un projet de François Hollande qui consiste à faire plier la fonction à son comportement alors que tous les autres présidents ont fini par plier les leurs à la fonction.

Au final, cela va effectivement renforcer encore le sentiment de légèreté, d’amateurisme etc. De plus, s’il venait à être confirmé que des « amis » très riches lui ont prêté un appartement dans ce but, il ajouterait à la critique qui lui est déjà adressée, celle d’être le président des riches, du CAC 40 etc. Critique qu’il a lui-même longtemps adressée à Nicolas Sarkozy. Et sera donc définitivement tuée sa position d’ennemi de la finance.

Quel impact cela peut-il sur dans l’emploi du temps politique de François Hollande ?

Cela arrive au moment d’une séquence prévue par le président Hollande qui était plutôt bonne pour lui : c’est le début de l’année, il arrivait avec de bonnes résolutions, il partait à la reconquête après ses vœux, il annonce un changement de ligne sur le plan économique, le tout aboutissant à la conférence de presse du 14 janvier supposée marquer l’ouverture de cette nouvelle séquence. Mais celle-ci est désormais complètement polluée par ces révélations -vraies ou pas -, par cette affaire - qui ne devrait pas en être une mais qui l’est de fait.

Justement, que penser de la façon dont François Hollande a réagi en « déplorant » sans démentir et annonçant que la situation serait clarifiée au cours de la conférence de presse du 14 janvier ?

Vous avez là une communication absolument calamiteuse. Le communiqué émis est d’abord ambigu par son contexte puisqu’il est qualifié comme émanant de l’homme et pas du président de la République. Mais cette distinction est impossible pour les citoyens car lorsqu’on est président, on l’est intégralement. Il n’y a pas des moments où l’on parle en tant que président et d’autres en tant que monsieur tout-le-monde. Il y a quelque chose d’étrange dans cette recherche du dédoublement.

Mais l’élément majeur dans ce communiqué, c’est qu’il vaut conformation, il concède dans une certaine mesure que ce qui écrit dans ce journal est vrai. De plus, il n’est suivi de rien si ce n’est que la cohérence de presse du 14 janvier qui devait marquer le départ de la contre-offensive gouvernementale pour « reprendre le dessus » sera en partie consacrée à la clarification de cette affaire. On entérine la pollution médiatique… L’attente sur les questions économiques s’est transformée en attente sur des questions personnelles. Il aurait fallu clarifier en amont de celle-ci, immédiatement puisque celle-ci devra être faite de toute façon.

Plus largement, comment se gère une communication de crise ? Quelles sont les méthodes de gestion ponctuelle d’une crise comme celle-ci et plus globalement d'une crise globale ?

La première règle en communication de crise, c’est que le pire ennemi de la crise c’est le déni. Si je suis loin d’aimer ce genre de révélations, force est de constater qu’il s’agit d’une évolution des médias en France et ailleurs, particulièrement chez les anglo-saxons. Une fois que l’on a dit cela, il est clair qu’il s’agit bien d’une situation de crise qu’il faut gérer en la dépolluant par la clarté aussi vite que possible. Communiquer c’est émettre un son audible dans le brouhaha, il faut donc faire baisser ce dernier. Or, dans la communication présidentielle actuelle dans cette affaire tout ne fait que faire augmenter ce brouhaha médiatique, renforçant et prolongeant la crise dans la foulée.

Il y a par ailleurs beaucoup d’arrogance à penser chez certains que le discours politique pur pourra s’imposer à ce qu’implique de telles révélations d’agitation de l’opinion publique. Bien sûr que l’essentiel n’est pas là mais tout le pays en parle il faut donc bien traiter la question d’une façon ou d’une autre.

Cette communication maladroite pose la question, qui se pose d’ailleurs depuis le début du mandat présidentiel, de l’entourage de François Hollande. Ses équipes sont-elles incapables de gérer sa communication ?

La question ne me semble pas se situer à ce niveau-ci. Je crois plutôt que depuis toujours le président Hollande considère que la communication n’est pas pour lui, qu’il s’agit de quelque chose à faire a minima. Il me semble là qu’il y a là de l’arrogance mais si c’est sa conviction il faut la respecter. Force est de constater toutefois que ça ne fonctionne pas jusqu’à maintenant.

Pourtant, le problème fondamental de François n’est pas la communication mais bien ce sur quoi il doit communiquer. Il n’y a toujours pas de ligne claire et lisible. Il y a toujours cette hésitation entre la social-démocratie et le social-libéralisme. La première ayant servie pour la campagne, la seconde étant plus ou moins ce avec quoi est gouverné le pays. L’ensemble manque de clarté. Or, personne ne peut communiquer correctement sur quelque chose qu’il n’est pas clairement établi dans son esprit.

Certains analystes ont jugé que si cette relation venait à être confirmée, François Hollande pourrait en sortir « virilisé ». Peut-on malgré tout voir là une bonne nouvelle pour le président ?

Si tout cela est confirmé, nous serons face à quelque chose de totalement nouveau en France. En effet, si le fait qu’un président puisse avoir des maitresses est assez banal dans l’histoire de la Vème, cela n’a jamais été jeté ainsi sur la place publique et il est donc difficile de prévoir la réaction à plus long terme de l’opinion. A titre personnel, je ne pense pas, permettez-moi cette expression un peu osée, que mettre un peu de DSK dans du Hollande donne un très bon cocktail.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Bonaventure

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