La France, homme malade de l'Europe : 10 graphiques pour comprendre l'enlisement de l'économie tricolore<!-- --> | Atlantico.fr
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La France entraînerait la croissance européenne vers le bas.
La France entraînerait la croissance européenne vers le bas.
©Reuters

C'est grave, Docteur ?

Qu'il s'agisse du "Financial Times", selon lequel la France entraînerait la croissance européenne vers le bas, ou des indices économiques, la France apparaît de plus en plus comme "l'homme malade de l'Europe".

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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La France, Homme malade de l’Europe, voici la nouvelle rengaine qui devrait nous occuper les prochains mois, voire les prochaines années. Cette situation ne peut être analysée sans prendre un recul nécessaire, permettant d’appréhender l’ensemble des phénomènes qui sont aujourd’hui à l’œuvre.

L’Europe : Un contexte macroéconomique inégal

Allemagne et France, des intérêts divergents ?

Partenaires au sein d’une même monnaie, les deux pays sont confrontés à des situations radicalement opposées au niveau structurel. Cette divergence d’intérêts trouve sa cause primaire dans une réalité autre qu’économique ; la démographie. Le taux de natalité français est aujourd’hui 50 % supérieur à celui de l’Allemagne. Alors que 12.5 naissances ont lieu en France pour 1 000 habitants, ce taux n’est que de 8.2 outre-Rhin. Cette réalité n’est pas anodine car elle permet de réaliser des projections de population totale :

En quoi cela est-il important ? Parce que les deux partenaires, ainsi que 15 autres pays partagent la même monnaie. Et que la politique monétaire est l’outil essentiel qui permet d’adapter l’économie d’un pays à sa démographie. Ce phénomène n’est pas nouveau, car depuis la création de l’euro, la France compte 5 millions de personnes en plus au sein de sa population alors que l’Allemagne a une démographie stable. Cet écart de croissance démographique peut être mis en relation avec le taux de chômage des deux pays :

En effet, avec une croissance démographique neutre, l’Allemagne ne peut tolérer qu’un faible taux de croissance, sans cela, c’est le risque inflationniste qui planerait sur le pays. Et l’inflation, la Banque centrale européenne n’en veut pas, ce qui implique que le taux de croissance de la zone euro doit être faible pour éviter toute réalisation de ce risque. La démographie allemande nécessite un taux de croissance bien moindre que celui de la France pour pouvoir atteindre le plein emploi. Le nombre de jeunes arrivant sur le marché du travail y est en effet bien inférieur (alors que 7.8% des jeunes Allemands sont au chômage, 25.8 % des jeunes actifs français en souffrent).

Le coût du travail et la compétitivité

Cet écart démographique n’explique pas tout. Le coût du travail est le second facteur de divergence. C’est ainsi que depuis l’entrée dans la zone euro, les différents membres ont vu leur coût du travail progresser de manière divergente :

En plus d’une démographie qui lui permet de tolérer un faible taux de croissance, l’Allemagne s’est engagée dans la voie de la modération salariale, ce qui lui a permis de rendre son économie très compétitive au sein de la zone. Un faible nombre de jeunes arrive sur le marché de l’emploi, et ce à un faible niveau de rémunération, l’équation est optimale, l’Allemagne devient l’Homme fort au sein de l’Europe.

Comme nous l’avons vu, et à l’exact opposé de cette structure allemande, la France connaît la progression démographique la plus dynamique en Europe, juste derrière l’Irlande, facteur qui se cumule avec un coût du travail des plus élevés. La faible croissance de la zone euro vient directement impacter le pays. Les jeunes sont laissés de côté. De plus, les différentes réformes engagées sur le terrain du temps de travail viennent également réduire les chances du pays de se sortir de cette tempête.

Le résultat est clair, la France n’est plus capable d’absorber ses jeunes dans le marché du travail et la conjugaison d’un coût du travail élevé et d’une politique monétaire stricte vient détruire la production industrielle du pays. Celle-ci campe aujourd’hui à un niveau proche de celui de la fin des années 80.

Les erreurs internes de politiques publiques

La première erreur a été de tenter de faire converger la politique monétaire européenne avec la hausse du coût du travail et la réduction du nombre d’heures travaillées. Le triptyque est désastreux. Ce qui correspond à appauvrir ses clients tout en vendant plus cher une marchandise ; lorsque la politique économique touche à l’absurde.

Le seul moyen trouvé par la France pour venir lutter contre le cercle vicieux dans lequel elle s’est elle-même engouffrée a été de recourir à la dette publique. Un coût du travail élevé, une politique monétaire de faible croissance ont eu pour effet de précariser fortement la société, et viennent ainsi démultiplier les besoins en aides sociales. En effet, ces besoins ne peuvent plus être financés par une croissance inexistante ; le recours aux déficits devient la règle. Et ce phénomène est à l’œuvre partout en Europe, à des degrés divers.

Ces déficits viennent charger la mule de la dette, et celle-ci atteint alors des niveaux inédits.

2013, année ésotérique

Au regard des derniers indicateurs économiques livrés par Markit, la France serait sur le point de replonger en récession, pour la troisième fois depuis 2008. Cette fois-ci, la France pèse sur l’ensemble de la zone euro par son incapacité à retrouver un semblant de dynamisme. François Hollande et le gouvernement de Jean Marc Ayrault en sont directement la cause.

Les hausses d’impôts, l’incapacité de rétablir un semblant de compétitivité, mais surtout l’instabilité fiscale en place depuis la rentrée 2013 auront fini par annihiler tout espoir de reprise économique en cette fin d’année, comme le précise le rapport de Markit publié le 16 décembre :

"Les dernières données PMI flash composites dressent un tableau inquiétant de l’économie française en cette fin d’année 2013. Après le retour à la contraction observé en novembre, la baisse de l’activité s’accélère en décembre, tendance résultant d’un recul des nouvelles affaires que les répondants attribuent à la réticence de leurs clients à engager de nouvelles dépenses. Une moins grande frilosité des clients s’avère donc essentielle pour éviter un nouveau recul prolongé de l’activité des entreprises du secteur privé français en 2014".

Quelles solutions ?

Le pays n’a aucun avenir dans les conditions actuelles, la poursuite des mêmes politiques produira les mêmes effets. Et Les alternatives ne sont pas nombreuses :

  • Adapter la démographie française à la démographie allemande. Nous pouvons rapidement écarter cette hypothèse.
  • Adapter le coût du travail en France à la politique monétaire menée. Ce qui représente la bagatelle d’une baisse des salaires de 33 %, selon Goldman Sachs. Politiquement et socialement impossible.
  • Sortir de l’euro et mener une politique monétaire adaptée à la France.
  • Garder l’euro et influencer l’Allemagne pour rediriger l’Europe vers une politique de croissance.

Pour convaincre l’Allemagne et les pays du nord, la France a un argument de poids. En raison de sa démographie, la France va rapidement devenir la première économie européenne. Et L’ensemble de la zone euro a intérêt à ce que ce leader soit fort.

Pour en savoir plus sur ce sujet, lisez le nouveau livre de Nicolas Goetzmann :Sortir l'Europe de la crise : le modèle japonais, (Atlantico éditions), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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