Bonus en folie, amendes faiblardes malgré la crise : avons-nous les banquiers que nous méritons ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La question de l'éthique financière vient de nouveau à se poser.
La question de l'éthique financière vient de nouveau à se poser.
©Reuters

Bien fait ?

Dans un article de Foreign Affairs, l'économiste Charles Calomiris révèle que depuis les années 1970 certains pays comme le Canada n'ont pas connu de crises financières, un fait qui s'expliquerait par des raisons historiques et politiques.

Benoit Lallemand

Benoit Lallemand

Benoit Lallemand est analyste senior pour Finance Watch, spécialisé dans les marchés financiers. 

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Atlantico : Alors que l'affaire de l'Euribor vient de prendre un nouveau tournant avec la condamnation par Bruxelles de 8 banques dont la Société Générale, la question de l'éthique financière vient de nouveau à se poser. Dans un article de Foreign Affairs, l'économiste Charles Calomiris révèle que depuis les années 1970 certains pays comme le Canada n'ont pas connu de crises financières, un fait qui s'expliquerait par des raisons historiques et politiques. Peut-on dire finalement que chaque pays a le système bancaire qu'il mérite ?

Benoit Lallemand :On peut affirmer cela dans la mesure où il revient effectivement aux gouvernements de fixer le cadre réglementaire dans lequel les banques développent leurs activités. A cet égard nous pensons que les raisons "historiques et politiques" pèsent moins dans le caractère stable ou non du système financier que le cadre réglementaire. Ce fait est rendu évident par les travaux de Reihart et Rogoff : les crises financières à répétition qui conduisent au crash de 1929 sont quasiment absente entre 1940 et 1980 - sous un cadre réglementaire très contraignant - et reprennent de plus belle avec la dérégulation des années 1980 et 1990. Par ailleurs, le mythe d'un système bancaire canadien infaillible a été remis en question par de nombreux analystes ces dernières années. On remarquera également que les banques canadiennes ont bénéficié d'injections d'argent public à hauteur de 114 milliards de dollars entre 2008 et 2010... 

Dans cette même veine, l'auteur de l'article dénonce les conflits d'intérêts qui existent de fait dans plusieurs pays (dont les États-Unis) entre gouvernements et instituts bancaire, puisque le premier régule le second tout en le considérant comme une source de financement. Quels sont les conséquences de cette imbrications des pouvoirs politiques et financiers sur la stabilité économique ?

Le cercle vicieux entre crise bancaire et crise des dettes souveraines est malheureusement très clair en Europe. Dans une direction d'abord: les États doivent éponger les pertes des banques, augmentant la dette publique (en Irlande, par exemple, cette dernière passe de 25% du PIB en 2007 à 110% du PIB en 2011). Dans l'autre ensuite: si l'Etat vient à rencontrer des difficultés à rembourser sa dette, les banques (domestiques, mais pas seulement) sont directement impactées car elles sont les principales détentrices de ces dettes! On a le cas de la Grèce, qui fait défaut sur sa dette publique, au point de mettre ses banques en situation de faillite, avec un Etat qui n'a plus les ressources nécessaires pour les sauver.

Il faut tout de même préciser que les crises financières les plus violentes (dont les cas extrêmes sont 1929 et 2007-2008) trouvent leur source dans le système bancaire et financier - c'est donc le premier cas de figure de la contagion, dans lequel les citoyens européens sont empêtrés (payant via l'austérité pour les prises de risques excessives des banques). 

Toujours selon M. Calomiris, le succès du modèle bancaire canadien s'explique par une forte centralisation bancaire au lendemain de l'indépendance du pays tandis que la faiblesse du système américain serait du à la mosaïque de banques locales dont les intérêts s'opposent. Partagez vous cette théorie ?

Absolument pas. Ou plutôt, cela dépend de ce qu'on entend par "succès". Il y a certes eu un grand nombre de faillites de petites et moyennes banques américaines suite à la crise, mais elles n'ont absolument pas impacté les finances publiques (contrairement aux risques de faillites des "géants" financiers comme AIG). Les mécanismes de "redressement et résolution" des banques (le FDIC, aux Etats-Unis), fonctionne très bien jusqu'à une certaine taille. Sous cet angle la 'mosaïque de banques locales' est une force, pas une faiblesse! Par ailleurs les banques locales sont très peu engagées dans les activités de marché, qui accroissent non seulement la taille des banques mais aussi leur interconnectivité, leur appétit au risque, et leur uniformisation (les marchés ont tendance à être moutonniers). Or les crises graves sont justement la conséquence de ces caractéristiques de la finance de marché.

Si l'on part du principe qu'un système bancaire trop peu uniformisé est forcément générateur de crise, quelles leçon doit-on en tirer pour l'Europe ?

Les grands banquiers européens se régaleraient de cette question, car elle occulte la réalité: c'est au contraire l'uniformité qui créer l'interconnection qui mène à la contagion rapide des chocs (pertes) à travers le système. La leçon a tirer de la crise de 2007-2008 c'est que les faillites bancaires ne sont pas un problème en soi. Elles feront toujours partie de la réalité, comme les faillites d'entreprises dans tous les secteurs de l'économie. Ces faillites deviennent un problème quand les institutions concernées sont systémiques et que l'Etat est obligé de venir à leur secours. Il y a une solution de bon sens à cela: séparer les activités de marchés (utiles, mais dont on peut perdre un acteur, qui sera remplacé par un concurrent) des activités de dépôts/crédits/gestion du système des paiements (dont on ne peut se passer même quelques heures). Les banques d'investissements devront alors se financer au prix du marché (pas à un prix "subventionné" par la garantie de l'Etat) et seront forcées par leurs investisseurs à diminuer, relocaliser et diversifier leurs activités, tout en améliorant drastiquement la gestion du risque. Au bénéfice direct de l'économie réelle et de la société.    

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