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Dégradation du commerce extérieur : comment résoudre le principal problème économique français
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Bonnes feuilles

Contrairement à d’autres pays, la France a trop longtemps différé les réformes et n’a pas encore consenti les efforts indispensables à son redressement. Pour le mener à bien, il s’agit maintenant de dissiper la confusion des diagnostics et de mettre de l’ordre dans les mesures à envisager. Extrait de "La France doit agir" (1/2).

Jean-Louis Beffa

Jean-Louis Beffa

Jean-Louis Beffa est président d’honneur de la Compagnie de Saint-Gobain et coprésident du Centre Cournot pour la recherche en économie. Il est notamment l’auteur de La France doit choisir (Seuil, 2012)

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Le principal problème économique français, si l’on avait à le résumer en un mot, est que, chaque jour, la France achète pour plus de 150 millions de plus qu’elle ne vend. L’objectif à se fixer est donc de résorber cet écart, car il est à la source de la dégradation de la plupart de nos indicateurs économiques. Le déficit extérieur, à l’instar de tous les déficits, doit être financé. La crise a montré que les financements, que l’on pensait éternels, pouvaient menacer de s’interrompre.

Après une année 2011 record, accusant un déficit de 74 milliards d’euros, 2012 est la deuxième plus mauvaise année de notre histoire commerciale. Le déficit a alors atteint 67 milliards. Les soldes géographiques et sectoriels renseignent sur la perte de vitesse française. D’un point de vue géographique, la Chine et l’Allemagne sont les pays avec lesquels la France enregistre les plus mauvais résultats. Le déficit cumulé atteint l’équivalent de la charge d’intérêt de la dette française, soit 45 milliards d’euros. Les partenaires commerciaux de la France sont également ses premiers concurrents, majoritairement situés dans la zone euro. D’un point de vue sectoriel, les déficits les plus préoccupants relèvent des équipements électroniques et informatiques et de l’industrie textile. Mais, dans ces mauvais résultats, la facture énergétique, qui s’est appréciée de 7 milliards, représente la part du lion. Hors énergie, le déséquilibre est passé entre 2011 et 2012 de 29 à 15 milliards. Mais cette médiocre amélioration de la balance commerciale constatée l’année dernière est un trompe-l’œil. Elle répond davantage à la baisse des importations, sous l’effet d’une demande déclinante, qu’à une hausse des exportations, restées stagnantes.

Il y a encore une dizaine d’années, en 2002, la balance hors énergie était positive, à 17 milliards d’euros. La dégradation est donc récente et vertigineuse. Les chiffres sont sans appel.

Or le commerce extérieur reste le critère majeur pour se faire une idée de la santé d’une économie et de sa capacité à trouver sa place dans le commerce mondialisé. Et quel que soit le mode de calcul suivi, le constat français est alarmant. Le déficit de sa balance commerciale est bel et bien devenu le talon d’Achille de l’économie française. Au début des années 2000, les exportations françaises représentaient 5 % des exportations mondiales, contre 3 % aujourd’hui. Même si l’ensemble, des exportations mondiales a crû et, partant, le volume des exportations françaises, ce chiffre traduit bien la perte de vitesse de l’économie française. En quinze ans, la valeur ajoutée des exportations françaises dans les exportations de l’OCDE s’est effondrée de 43 %. Comment expliquer ce décrochage ?

Au moment où l’environnement mondial connaissait une mutation profonde qui faisait des excédents commerciaux une nouvelle arme du rapport de force entre les États, la France a vu ses comptes extérieurs virer au rouge. Avant la crise, un État pouvait vivre longtemps en déficit et l’endettement public, tant qu’il restait dans des proportions acceptables, ne faisait pas question dans les pays de l’OCDE. Mais les banques américaines qui semblaient les plus respectables, comme Lehman Brothers, ou des États membres de l’Union européenne, comme la Grèce, ont subitement connu faillite et défaut. L’insouciance qui a prévalu, avant ces chocs dans les pays avancés, n’était pas partagée par les pays émergents. La crise financière de la fin des années 1990 en Asie, qui a contraint certains pays à se soumettre au contrôle du Fonds monétaire international, a poussé le continent à accumuler des excédents commerciaux pour éviter à l’avenir le risque d’une telle déconvenue. À partir des années 2000, s’est alors mise en place une nouvelle répartition des rôles de l’économie mondiale : les pays émergents se sont mis à financer les déséquilibres des pays développés. Ils soutiennent alors leur décollage économique en subventionnant leurs clients.

Ce qui se joue depuis 2008 est la recherche d’un nouvel équilibre. D’un côté, les taux d’endettement ont franchi des seuils excessifs. De l’autre, les prêteurs, une fois atteint un degré de développement jugé suffisant, commencent à se recentrer sur leur marché intérieur. Les pays émergents connaissent en effet un recul de leurs excédents. Le colossal excédent commercial chinois montre aujourd’hui ses premiers signes de ralentissement. L’Inde présente pour sa part une balance des échanges gravement déficitaire.

Les pays endettés comme la France n’ont donc que deux options. Soit ils décident de restreindre leur demande intérieure, mesure difficile à faire accepter sur le plan social, et donc politiquement dangereuse, soit ils choisissent, devant l’impossibilité de créer artificiellement de la croissance en gonflant la consommation interne par un recours à la dette, d’aller chercher ailleurs la croissance. Autrement dit, la seconde option réside dans une hausse des exportations. Certains pays de l’OCDE ont amorcé ce virage. C’est le cas des États-Unis ou du Japon qui chacun suivent, comme on le verra, des stratégies différentes. L’Europe, elle, réagit avec retard et en ordre dispersé. Même si, dans son ensemble, le continent européen peut se prévaloir d’un solde positif, ce bon résultat cache de grandes disparités. Tandis que la locomotive allemande connaît un net surplus et que les pays du Sud, comme l’Espagne, commencent à réajuster le tir, la France est toujours à la traîne. L’effort de compétitivité reste à accomplir. Et il passe par un rétablissement de la balance commerciale. Comment, dès lors, redresser les exportations françaises ? Sur quels secteurs faut-il parier en priorité ?

Les deux grands blocs du déficit commercial français correspondent à l’énergie et à l’industrie. Ce sont, par conséquent, à ces deux priorités qu’il faut s’attaquer.

Extrait de "La France doit agir", Jean-Louis Beffa (Editions du Seuil), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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