Droit du sol, droit du sang : comment font les autres pays développés ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le droit du sang bénéficie dès la naissance à toute personne dont l’un des deux parents au moins est français.
Le droit du sang bénéficie dès la naissance à toute personne dont l’un des deux parents au moins est français.
©Flickr/genue.luben

De l'histoire au droit

A force d'enfler, la polémique autour de l'affaire Leonarda et les récents propos de Jean-François Copé ont ramené sur le devant de la scène le débat sur l'attribution de la nationalité française et avec lui la mise en opposition traditionnelle du droit du sang et de celui du sol. Tour d'horizon des pratiques et de leurs raisons historiques.

Maxime  Tandonnet et Sylvain Saligari

Maxime Tandonnet et Sylvain Saligari

Maxime Tandonnet est un haut fonctionnaire français, qui a été conseiller de Nicolas Sarkozy sur les questions relatives à l’immigration, l’intégration des populations d’origine étrangère, ainsi que les sujets relatifs au ministère de l’Intérieur.

Il commente l'actualité sur son blog personnel.

Sylvain Saligari est avocat au barreau de Paris. Il est spécialisé dans le droit d'asile.

Voir la bio »

Atlantico : L’affaire Leonarda a paradoxalement réveillé parmi d’autres questions autour de l’immigration et du droit qui la régit en France et en Europe, celle du droit du sol et du droit du sang. Comment se définissent ces deux concepts ? Sont-ils opposés et/ou complémentaires ?

Maxime Tandonnet : Dans la tradition française, ils sont complémentaires. Le droit du sang bénéficie dès la naissance à toute personne dont l’un des deux parents au moins est français. Le droit du sol est plus compliqué. Il s’applique grosso modo à une personne née en France et y ayant résidé 5 ans, soit par déclaration anticipée à l’âge de 16 ans, ou de 13 ans avec l’accord des parents, soit automatiquement à la majorité de 18 ans. 30 000 jeunes obtiennent chaque année la nationalité française par ce biais.

Quelles sont en France les pratiques quant à l’attribution de la nationalité française ? Parmi ces pratiques, certaines sont-elles typiquement françaises, et si oui comment l’expliquer ?

L’acquisition de la nationalité française s’effectue pour l’essentiel par la naturalisation, sans rapport avec le droit du sol, et qui bénéficie chaque année à environ 80 000 personnes en moyenne avec des écarts d’une année sur l’autre. Cette forme d’acquisition de la nationalité s’obtient par décision du gouvernement. Le décret de naturalisation est conditionné à certains critères : 5 ans de résidence légale, assimilation, connaissance du français, respect de l’ordre public, absence de commission d’infraction grave. Ensuite, le gouvernement est à peu près libre de l’accorder ou non. La troisième manière d’acquérir la nationalité française pour un étranger – après le droit du sol et la naturalisation –  est par mariage avec un Français (30 000 par an).

Qu’en est-il chez nos voisins européens et américains ?

Aux Etats-Unis coexistent comme en France le droit du sang et le droit du sol. Les Etats-Unis, comme la France, ont aussi une pratique étendue des naturalisations soumises à différentes conditions : 5 ans de statut de résident permanent, connaissance de l’anglais et de l’histoire et des institutions américaines. Le système allemand se distingue des deux précédents par le fait qu’il s’est longtemps limité au droit du sang. Depuis 2000, il s’est ouvert partiellement au droit du sol : peut devenir allemand une personne de nationalité étrangère née en Allemagne dont l’un parent est aussi né en Allemagne. Enfin, la procédure de naturalisation est soumise à un test de connaissance de langue et de civilisation allemande.

A quoi sont dues ces variations dans les pratiques ? Que disent-elles du rapport des pays à leur immigration et de leur image d’eux-mêmes ?

Les modes d’acquisition de la nationalité sont profondément liés à la conception que la nation a d’elle-même. Le poids de la naturalisation en France exprime l’image du contrat social : on devient national par un accord de volonté entre l’Etat et le ressortissant étranger. Le droit du sol aux Etats-Unis  correspond à un pays qui s’est constitué par des vagues successives d’immigration. En Allemagne, l’importance classique du droit du sang et la limitation des autres formes d’acquisition de la nationalité reflète la conception d’une souche d’origine d’où sont censés être issus les Allemands, mais comme on l’a dit, cette sensibilité a beaucoup évolué depuis 25 ans dans le sens de l’ouverture.

Jean-François Copé a dit vouloir présenter un projet de loi sur le droit du sol afin d'éviter que ne soit accordée la nationalité française aux enfants issus d'une famille entrée sur le territoire français illégalement. Où se trouve la limite du Pacte républicain ? Une immigration du "choix" est-elle une bonne solution pour renforcer l'intégration de ces enfants ?

Le principe de la « déclaration de volonté » pour devenir français par le droit du sol n’est pas nouveau puisqu’il s’appliquait de 1993 à 1997. La question n’a plus grand sens car la quasi-totalité des personnes qui deviennent françaises par le droit du sol sont passées par un acte de volonté, une déclaration à 16 ou à 13 ans. Cela ne changerait rien pour elles. Cette mesure concernerait les seules personnes qui deviennent français automatiquement à 18 ans, c’est-à-dire au nombre de 3000. Faut-il ouvrir une nouvelle guerre idéologique pour une mesure purement symbolique ?

Le vrai sujet porte sur le niveau d’exigence que l’on applique à la procédure de naturalisation. L’ancienne majorité a voulu appliquer des critères rigoureux, prévoyant un examen de connaissance du français et des valeurs de la République, ce qui s’est traduit par une chute des naturalisations en 2011. Le choix de l’actuel gouvernement est en faveur d’une nette réouverture des naturalisations en supprimant le test mis en place par ses prédécesseurs. Quant à l’idée d’interdire l’accès à la nationalité aux enfants issus de parents venus de l’immigration illégale, elle me semble douteuse du point de vue constitutionnel et du pacte républicain. De quel droit faire porter à des enfants la responsabilité des actes de leurs parents ? Plutôt que la recherche du coup médiatique et de la polémique, la question fondamentale, le vrai défi, c’est de lutter efficacement contre l’immigration illégale et de maîtriser le flux migratoire.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Bonaventure

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