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Prime

Pour Sophie de Menthon, présidente du mouvement patronal Ethic, la prime de 1 000 euros accordée aux salariés des entreprises de plus de 50 salariés est une fausse bonne idée, qui risque de coûter cher… à l’emploi.

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon est présidente du Mouvement ETHIC (Entreprises de taille Humaine Indépendantes et de Croissance) et chef d’entreprise (SDME).

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On a tout faux, et sur le fond et sur la forme ! Et tout cela finalement à cause de Carrefour ! Un groupe international qui gagne de l’argent, scandalise tout le monde en payant mal ses caissières, et en plus décompte leur temps de pause du salaire... Voila donc l’origine du scandale : c’est le système français qui réagit dès que la rue se scandalise.

Ce fut le cas : immédiatement, un ministre déclare que les salariés ne sont pas assez payés ! Ce que mon Mouvement patronal ETHIC considère comme parfaitement exact ; il faut pouvoir augmenter nos salariés qui sont insuffisamment payés même si, disons-le, c’est majoritairement le coût du travail qui en est responsable, car lorsqu’on sort 2 000 euros, ils n’en reçoivent que 1 250 dans leur poche.

Commence alors la surenchère sur la prime à 1000 €. Pour un chef d’entreprise qui a l’habitude d’avoir un directeur général et respecte un minimum de management, on en reste sidéré. Il n’y a donc pas de Premier ministre en France pour coordonner la réflexion ? Il y a donc le ministre du budget qui lance l’idée, la ministre des finances qui insiste en disant que la mesure s’appliquera finalement à tout le monde, le ministre du travail, très embêté, qui souhaite discuter des modalités, le ministre des PME aux abris... Et tout cela continue jusqu'à ce que l’Elysée tape du poing.

Tout ça pour quoi ?

Cette mesure va en effet renforcer les effets de seuil : ce sont les entreprises de plus de 50 salariés qui verseront une prime (Les grandes entreprises attirent tous les diplômés et tous les jeunes qui ont envie de « réussir », voilà une distorsion de concurrence pour les PME !).

Bon courage pour celui qui voudra embaucher son 51ème salarié ; en plus de l’effet de seuil, le patron dira : "certainement pas, cela peut me coûter 50 000 € de plus par an !"

Certains chefs d’entreprises membres d'ETHIC ont gelé tout ce qu’ils étaient en train de faire. Ils avaient prévu des primes, voire des intéressements dans le plan de l’année prochaine, mais comme ils ne savent pas ce qui va leur tomber sur la figure, ils remettent les compteurs à zéro.

Dans les faits, cette mesure est dissuasive pour tout ceux qui sont en train de négocier, et cela concerne pas mal de monde, tel ce chef d’entreprise qui dit être obligé de distribuer un peu parce qu’il y a un fonds qui a placé de l’argent chez lui et qui exige qu’il verse des dividendes. Résultat, il serre déjà les coûts de la boîte pour arriver à verser des dividendes aux actionnaires qui lui ont permis de la créer : c’est normal de rémunérer les fonds qui ont investi ; pour lui, cette mesure est une catastrophe sachant qu’il est en plus en plein dans la cible, avec… plus de 50 salariés, une société cotée, des actionnaires qui réclament des dividendes.  

Certains secteurs comme le télémarketing envisagent des mesures radicales. L'un d'entre eux explique : « J’ai 2 000 personnes en France, cela veut dire 2 000 x 1 000 euros, soit 2 millions d'euros (plus les charges) à trouver. Impossible. Je m'appliquais à conserver le maximum de salariés en France mais c'est fini, je vais poursuivre une délocalisation en Tunisie, au Maroc et ailleurs ». 

En résumé sur cette mesure, il y a le fond et la forme et quand les deux mettent vent debout les chefs d'entreprise, les organisations patronales, les syndicats et les salariés, il faut se poser des questions sur cette annonce "punitive" de la prime à 1000 €, qui ne bénéficiera qu'aux salariés déjà "mieux payés" des grands groupes - creusera l'écart avec les PME et constitue une redistribution sélective et injuste.  Avec en prime un effet de seuil pour les dividendes à venir, qui seront donc tous inférieurs ou égaux à l'année précédente...

Quelques pistes plus efficaces :
• rétablir l'égalité devant l'impôt (IS à 33 % dans les PME contre 10 % pour les grands groupes)
• établir la participation pour toutes les entreprises en baissant le coût du travail
• simplifier et harmoniser les aides, défiscalisations, heures supplémentaires, etc.

Cela dit, cette prime miraculeuse ne serait pas tombée du ciel si les partenaires patronaux et syndicaux avaient été capables de produire quelque chose de concret et positif au lieu de continuer à se ridiculiser dans des guerres de tranchées. Suggérons aussi un examen de conscience (Pâques est la bonne période !) pour certaines entreprises et leurs responsables de la politique salariale qui malgré d'impeccables chartes éthiques sur papier glacé entretiennent une certaine misère humaine inconcevable lorsqu'on promeut des valeurs affichées.

A quand la prime à l'éthique salariale ?

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