Intervention en Syrie : mais à quoi cela servirait-il vraiment ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des membres de l'Armée syrienne libre.
Des membres de l'Armée syrienne libre.
©Reuters

Les points sur les "i"

L'hypothèse d'une intervention de la communauté internationale en Syrie, après l'usage présumé d'armes chimiques dans plusieurs localités près de Damas, est sur la table.

François Géré

François Géré

François Géré est historien.

Spécialiste en géostratégie, il est président fondateur de l’Institut français d’analyse stratégique (IFAS) et chargé de mission auprès de l’Institut des Hautes études de défense nationale (IHEDN) et directeur de recherches à l’Université de Paris 3. Il a publié en 2011, le Dictionnaire de la désinformation.

 

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Atlantico : Malgré la pression d'une partie importante de la communauté internationale, en l'absence d'un mandat de l'ONU, les possibilités légales d'intervention sur le sol syrien restent cependant limitées. Pensez vous qu'une "réaction de force" permettrait aujourd'hui de changer concrètement la donne sur le terrain en faveur des rebelles ?

François Géré : Toute action militaire changera forcément la donne. Maintenant reste à savoir quelles en seraient les modalités opérationnelles et le cadre juridique dans lequel sera conduite « l’action de force » - en clair la guerre - qui entrera dans une nouvelle dimension dont nul à ce stade ne peut prévoir sérieusement les développements.

Jusqu’à ce jour la question qui a dérouté toute action est de savoir au service de qui afin de donner le pouvoir à qui ? Intervenir militairement au service de qui ? Le caractère disparate et conflictuel des « rebelles » a rendu impraticable un soutien efficace et bien dirigé. Est-ce que la situation politique a changé ? Non. Est-ce que les combattants jihadistes d’Al Nosra ont atténué leur radicalisme ? Nul n’est en mesure de savoir qui retirerait le meilleur profit d’une intervention occidentale. L’urgence humanitaire, l’indignation face à l’emploi d’armes hideuses ne suffisent pas à déterminer une stratégie efficace afin d’atteindre des objectifs clairs.

Selon Arnaud Danjean, ancien fonctionnaire de la DGSE, trois options sont actuellement à l'étude : augmentation de l'aide à l'Armée Syrienne Libre, frappes chirurgicales depuis un navire sur les forces d'Assad et déclenchement d'une offensive aérienne. En cas d'intervention, quel scénario vous semble le plus plausible ?

Ces options ne sont nullement exclusives les unes des autres. Il ne faut pas concevoir d’illusions sur les frappes chirurgicales. C’est une guerre civile en milieu urbain densément peuplé de civils. Il sera effroyablement facile pour les deux camps de se protéger par des boucliers humains comme on l’a connu en Irak et plus encore en Bosnie. De tous les éléments, le plus important est la volonté des Occidentaux d’envoyer des troupes au sol. Cela transforme complètement la situation. D’autant plus que contrairement à la Libye, il est très difficile de se coordonner avec les « rebelles » au sol. En conséquence, l’idée de couloirs d’interdiction aérienne qui permettraient de protéger des zones de refuge (safe heavens) pour les civils n’a guère de sens.

Un communiqué du ministère des Affaires étrangères de Moscou met en garde contre une répétition de "l'aventure irakienne". Un tel parallèle est-il justifié ?

A l’heure actuelle pour chacune des parties tout est suspendu à la mission des Nations Unies qui devrait avoir la possibilité d’inspecter des lieux tout récemment frappés par une attaque chimique. S’il leur est possible de mener leur enquête sans entraves dans une zone tenue par les rebelles les inspecteurs seront rapidement capables de déterminer ce qui s’est passé exactement. En fonction des résultats, il sera possible d’accuser Bachar el-Assad ou de le disculper ce qui laissera devant une grave incertitude sur la responsabilité de ce tragique événement.

Moscou  aujourd’hui  fait face à  trois options  : la première est la vérification par l’ONU de l’usage par le régime syrien d’armes chimiques. Ceci voudrait dire que Damas n’a pas tenu compte des recommandations pressantes de Moscou. Au niveau international les Russes auront le sentiment d’avoir été dupés et placés dans un grave embarras. Ceci pourrait les conduire à suspendre leur soutien à Assad aux Nations Unies.

La seconde est la disculpation du régime syrien dans cette affaire. Si Bachar el-Assad ne peut être tenu pour responsable cela renforcerait la position russe. Cela produirait une grande confusion dans la diplomatie occidentale. Les données de l’éventuelle conférence dite « Genève 2 » s’en trouveraient fortement modifiées.

Troisième cas : sans mandat du Conseil de Sécurité des Nations Unies les Occidentaux engagent une guerre contre Assad et de fait, contre ses alliés (le Hezbollah, l’Iran). La Russie qui n’est plus celle, très affaiblie, de 2003 au moment de l’agression de l’Irak - il importe de le souligner - pourrait renforcer son soutien militaire en fournissant notamment les moyens anti-aériens et anti-missiles que Moscou jusqu’à présent s’était refusé à fournir dans un esprit de retenue.

Doit-on craindre au contraire un scénario "à la libanaise", qui verrait se prolonger sur plusieurs années le conflit sans ingérence étrangère directe ?

La dimension internationale d’un tel conflit interdirait sa prolongation. Le scénario libanais correspondait à une situation très particulière sans enjeux internationaux. Il était donc possible « d’éterniser » un affrontement en l’étouffant géographiquement. Tel n’est pas le cas en Syrie.

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