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Le projet de loi d'encadrement des professions immobilières de Cécile Duflot prévoit de faire baisser les frais d'agence des locataires et d'imposer une justification des honoraires.
Le projet de loi d'encadrement des professions immobilières de Cécile Duflot prévoit de faire baisser les frais d'agence des locataires et d'imposer une justification des honoraires.
©Flickr

Mauvaise cible

Le projet de loi d'encadrement des professions immobilières de Cécile Duflot prévoit de faire baisser les frais d'agence des locataires et d'imposer une justification des honoraires. Des propositions qui, pour le président de Foncia, ne sont pas toutes à jeter, mais devraient être adaptées aux différents contextes.

François Davy

François Davy

François Davy est Président du groupe Foncia. Leader européen des services immobiliers résidentiels, Foncia est présent en France, Suisse, Allemagne et Belgique. Il emploie près de 7000 collaborateurs dans plus de 500 agences. Le site de François Davy : http://www.francois-davy.fr

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Atlantico : Le projet de loi de Cécile Duflot sur l’encadrement des professions immobilières parle de "tarifs injustifiés et excessifs" pratiqués par les agences de location. Ces frais ne sont-ils pas dans de nombreux cas excessifs ?

François Davy : Lorsqu'on explique aux locataires qu'ils paieront moins cher ce dont ils ont réellement besoin, on tient un discours populiste qui, souvent, "fait mouche". Sur la question de l'accès à un bien, l'enjeu central est de faire se rencontrer les attentes du propriétaire et du locataire. Le professionnel trouve sa justification dans ce besoin, même si plus d'une location sur deux se fait sans intermédiaire. S'agissant donc d'un secteur très concurrentiel, si les tarifs étaient effectivement excessifs, nous n'existerions pas en tant qu'intermédiaires.

Concernant les honoraires de location, ils peuvent parfois paraître chers, mais ils correspondent à un travail et rémunèrent des personnes qui vivent uniquement à la commission. Comme je le disais à un haut fonctionnaire en charge du dossier, qui n'avait visiblement pas connaissance de ce point, avec la réforme proposée, pour le même travail un agent touchera donc moitié moins d'argent. Ce sont ainsi près de 20 000 personnes en France qui sont concernées, soit 10 000 emplois qui sont menacés.

Deux cas de figure se présentent :

1 – A Sedan, Charleville-Mézières ou Tulle, le locataire est considéré comme "une denrée rare". Le propriétaire compte alors sur l’intermédiaire pour lui trouver un locataire solvable. Pour ces raisons, bien souvent dans la pratique, on ne facturera pas d’honoraires de location.

2 – Sur un marché tendu comme Paris, on peut considérer que l'offre est supérieure à la demande. Le délai médian de relocation à Paris est de 30 jours, contre 50 au niveau national, mais les loyers sont à la baisse. On voit donc bien que la situation de la location à Paris est parfois trompeuse. Pour un même bien, 15 personnes peuvent se présenter, tandis que d'autres biens trouvent beaucoup plus difficilement preneur.

Puisque le gouvernement nous demande de justifier nos honoraires, qu'il prenne en compte les secteurs non tendus où nous menons un vrai travail qui doit être rémunéré, et les secteurs tendus pour lesquels nous proposerons un mandat de recherche. Ce dernier fonctionnerait ainsi : si nous avons proposé au locataire plusieurs biens, qu'il a visités, et que le délai a été raisonnable entre le moment où il a signé ledit mandat et le bail, alors la prestation vaut rémunération. Si à l'inverse un client exige un bien en particulier et qu'il l'obtient immédiatement, alors nous pourrions percevoir des honoraires moindres.

Nous abondons dans le sens d'une justification des tarifs, mais il ne faut pas oublier qu'un travail est fait : rédiger un bail, vérifier la solvabilité du locataire, assurer le lien avec le propriétaire...Tout ceci mérite une rémunération à la hauteur du travail accompli.

Vous prônez la fluidité du marché de l’immobilier. Comment concilier cette exigence avec "l’accès au logement dans de bonnes conditions" voulu dans le projet ?

Comme pour tous les marchés, la fluidité est le meilleur remède à la crise et à la morosité. Quand un marché est simple et se régule, alors il est sain et il progresse. Plus il est régulé, plus il est rigidifié, et plus il produit des contre-effets néfastes à l'objet lui-même. Encadrer les loyers et établir un observatoire coûtant 5 millions d’euros au contribuable comme le désire Mme Duflot revient à créer une véritable usine à gaz.

Depuis 2006, l'inflation a progressé de 10%, et les loyers approximativement dans les mêmes proportions. Ainsi dans certaines zones les loyers ont fortement crû, mais pour une grande proportion de Français, le loyer moyen a moins augmenté que l'inflation. Le problème de l'immobilier réside dans l'offre qui pèche en quantité et en qualité.

Le développement des transactions de particulier à particulier participe-t-il de frais excessifs ? N'est-ce pas la solution la plus simple pour échapper aux frais d'agence ?

Nous n'avons aucun problème avec les transactions de particulier à particulier qui existent depuis longtemps. Il est faux de dire que le locataire n'a pas le choix ; un propriétaire qui cherche à louer son bien le met en même temps sur un site de vente entre particuliers et en agence. Entendre dire que les agences immobilières rendent les locataires captifs me fait donc doucement rire.

Si nous gardons une part de marché de 50%, c'est parce que, malgré nos honoraires, nous faisons bien notre travail. Nous soulageons le propriétaire de bien des contraintes qu'il n'a généralement pas le temps de traiter. Notre intérêt n'est pas de fournir les loyers les plus chers possibles, mais de trouver le plus rapidement possible un locataire. L’une de nos principales batailles est de convaincre le propriétaire d’entretenir son bien et proposer un loyer adéquat correspondant au marché, afin de lui trouver un locataire le plus rapidement possible.

Strictement appliquée, dans quelle mesure la loi pourrait-elle porter préjudice à l’emploi du secteur de la location immobilière ?

Chez Foncia, nous avons plus de 500 personnes qui, dans l’activité de location, vivent uniquement à la commission. Si demain nous ne pouvons plus facturer nos prestations, nous sommes dans l'impossibilité de les rémunérer. C'est en cela que cette loi est dangereuse.

Mme Duflot a raison de demander une justification des honoraires, c'est pourquoi je propose le mandat de recherche : le candidat locataire se verra exposer les prestations qui lui seront apportées, avec le coût correspondant. Libre à lui de dire s'il est d'accord ou non. Si le travail est bien fait, l'agence perçoit des honoraires, et si ce n'est pas le cas le candidat n'aura rien à verser.

Quelles seraient les autres conséquences sur le marché de l'immobilier ?

Si nous ne sommes plus rémunérés pour rechercher des locataires, se produira ce qui se produit habituellement : les pratiques illicites risquent de se développer. Le propriétaire, constatant qu'il devra se débrouiller seul, cherchera à louer de particulier à particulier. En ce cas, il n'est pas garanti que les baux seront conformes, que les clauses ne seront pas abusives, ou que les surfaces seront les bonnes. Le locataire est beaucoup plus exposé à des dérives lorsqu'il traite avec des propriétaires, alors qu'un professionnel a une responsabilité civile, voire pénale de respecter la loi.

Quelles parties du projet seraient à modifier, voire à supprimer ?

Il faut permettre au professionnel d'exercer son métier et, s'il le prouve, d'être rémunéré correctement. La garantie universelle des loyers est pour nous un vrai risque systémique, pour l'économie française et pour les propriétaires bailleurs, qui vont petit à petit déserter ce marché. Or la France en a fondamentalement besoin, puisque le parc locatif privé est de loin le plus important, avec 6 millions d'unités – soit deux fois le parc social. Sans lui, le gouvernement ne pourra jamais atteindre son objectif – irréaliste en l’état – de 500 000 logements nouveaux par an.

On voit bien que le gouvernement se trompe de cible en taxant les propriétaires bailleurs et en fustigeant les professions immobilières. Cela signifie qu'il n'arrive pas à atteindre son objectif, pourtant légitime. Il recourt donc à des effets d'annonces qui plaisent aux locataires, mais il ne résout pas pour autant le fond du problème. La France est le pays le plus grand d'Europe, le moins densément construit, et où l’offre de logement est la plus déséquilibrée. Cherchez l'erreur.

Faut-il voir dans ce projet de loi un aveu de faiblesse du gouvernement qui voit qu'il n'arrivera pas à mener à bien ses objectifs ?

De toute façon le gouvernement ne peut pas développer le parc social. Il n'en a pas les moyens financiers, il faut donc s'adresser au privé. Il faut rénover le parc existant et mettre en place des systèmes d’incitations fiscales afin d’engager les travaux nécessaires. Un parc privé non entretenu représente 40 000 logements en moins chaque année. Il faut également développer le neuf, et davantage l'encourager fiscalement. Ce sont les premières des conditions pour que l'offre locative voie sa qualité s'améliorer. Car c'est ce que nous souhaitons : plus de logements à louer, et de meilleure qualité.

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