François Hollande considère que la crise de la zone euro est derrière nous : incroyable erreur de diagnostic ou hypocrisie ébouriffante?<!-- --> | Atlantico.fr
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"Il faut bien comprendre que la crise dans la zone euro est terminée", a déclaré François Hollande à l’occasion de son récent voyage au Japon.
"Il faut bien comprendre que la crise dans la zone euro est terminée", a déclaré François Hollande à l’occasion de son récent voyage au Japon.
©Reuters

Paroles, paroles...

"Il faut bien comprendre que la crise dans la zone euro est terminée", a affirmé François Hollande à des hommes d'affaires du monde entier lors de son récent voyage au Japon. Une déclaration aussi sujette à débat jette le trouble sur les motivations du président en vue d'un accord de libre-échange.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : "Il faut bien comprendre que la crise dans la zone euro est terminée", a déclaré François Hollande à l’occasion de son voyage au Japon. Sur quoi se base-t-il pour tenir ces propos ? Quels éléments allant dans ce sens peut-il invoquer ?

Nicolas Goetzmann : En premier lieu, il est tout de même préférable qu'un président en déplacement dans un important pays partenaire ait un discours positif. Personne ne souhaiterait que son discours fut "ne venez pas investir en Europe, vous vous exposeriez à de lourdes pertes".

En second lieu, il existe effectivement des éléments allant dans son sens. Les dernières statistiques "live" du mois de mai font état d'un ralentissement de la récession. Mais cela est principalement dû aux politiques de relance américaine et japonaise. Pas de quoi pavoiser finalement, et rien ne permet de promettre quoi que ce soit sur le moyen ou long terme.

Bien entendu la crise de la zone euro n'est pas terminée et l’inquiétude relative à la prochaine décision de la Cour Constitutionnelle Allemande sur le programme OMT, mis en place par la BCE, en est une preuve flagrante. Si cette décision s’avérait négative, François Hollande se retrouverait dans de beaux draps avec ses annonces de « fin de crise » parce que le risque de voir celle-ci s’emballer deviendrait inévitable.

Désirer voir aboutir les accords de libre-échange entre le Japon et l’Europe justifie-t-il de tenir un discours aussi sujet à contestation ? Pourquoi ?

Les Japonais ne sont pas dupes. Ils ont été confrontés à une crise de même type depuis plus de 20 ans et s’en sortent uniquement aujourd’hui. Que François Hollande tente de séduire les investisseurs japonais est tout de même de bonne guerre. La politique des « Abenomics » consiste à donner un accélérateur à la demande intérieure japonaise, ce qui pourrait profiter à l’économie européenne et française en particulier. Et ce malgré la baisse du Yen. Le Japon est un marché porteur pour les sociétés exportatrices et il serait dommage de ne pas essayer d’en profiter.

Ce qui était difficile à accepter lors de ce déplacement était le soutien apporté par la président à la doctrine de Shinzo Abe tout en manifestant l’impossibilité de pratiquer la même chose en Europe. Nous connaissons le problème mais on ne peut rien faire parce que ce serait aller contre les traités. Le tout est de savoir quand la pression des peuples européens sera suffisamment forte pour agir, il semblerait que le cap n’ait pas encore été franchi.

Faut-il y voir une déclaration d’ordre strictement diplomatique, ou bien François Hollande y croit-il réellement ? Qu’en déduire sur sa capacité d’appréciation de la situation économique et financière actuelle de l’Europe ?

Je ne crois pas qu’il en soit convaincu. Le simple fait qu’il ait besoin de le dire prouve bien que cela n’est pas du tout évident. Mais les remèdes apportés à la crise sont par contre une source d’inquiétude, puisqu’ils ne servent à rien. François Hollande est enfermé dans une vision de cycle économique classique alors que nous sommes plongés dans une crise monétaire, et au final une crise de structure européenne.

Lors de cette visite, François Hollande faisait part de son admiration pour les réformes japonaises, notamment via la relance monétaire. Une certaine hypocrisie voit ici le jour parce que François Hollande a été favorable à toute les étapes de la construction européenne, et notamment la perte de souveraineté monétaire. De ce fait, il devient difficile de critiquer ce que l’on a contribué à mettre en place. Nous pouvons lui donner le droit de changer d’avis et d’agir en ce sens, ce serait même une recommandation s’il voulait véritablement pouvoir annoncer la fin de la crise de la zone euro.

Comment les hommes d’affaires du monde entier qui étaient présents ce jour-là ont-ils pu interpréter cette déclaration ? Quel est le message « crypté » qui se cache derrière ?

Je ne vois pas de message crypté, tout au plus un discours maladroit. Il aurait tout de même été préférable d’annoncer la prise de conscience de la problématique actuelle, à savoir la politique menée par la BCE, et d’annoncer une réforme en ce sens. En lieu et place de cela, aujourd’hui comme hier, tout investisseur présent peut légitimement avoir quelques doutes sur les actions qui seront menées dans la zone euro. De plus, l’incapacité actuelle d’avoir une ligne commune avec l’Allemagne est un problème majeur. D’autant qu’il va tout de même falloir un  jour convaincre les Allemands que la politique de stricte stabilité des prix envoie tout le monde dans le mur. 

Mais il me semble que les marchés financiers reflètent bien cette situation. La faiblesse des marchés européens est à mettre en perspective avec les records enregistrés par la bourse américaine et l’envolée du Nikkei depuis l’automne dernier. Les investisseurs sont faiblement présents dans la zone euro car la politique de la BCE ne permet pas une sortie de crise à long terme. Les marchés ne sont pas parfaits mais ils reflètent tout de même l’appréciation actuelle des investisseurs sur l’avenir d’une zone économique.

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