François Hollande, le président qui voyait (à peu près) juste mais qui parlait faux<!-- --> | Atlantico.fr
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Sur l'explication du bilan, François Hollande récupère des éléments qui ne lui appartiennent pas, et contre lesquels il s'est même battu.
Sur l'explication du bilan, François Hollande récupère des éléments qui ne lui appartiennent pas, et contre lesquels il s'est même battu.
©Reuters

Contradictions

Le bilan dressé jeudi par le chef de l'Etat correspond à peu près à la réalité. Il revendique les résultats, sauf que tout ce que le président Hollande présente est en contradiction avec ce qu'avait annoncé le candidat Hollande.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La grand’ messe de communication servie par François Hollande jeudi à l’Elysée a laissé pantois l’ensemble des observateurs : la presse étrangère, les milieux d’affaires, les électeurs de gauche qui ne savent plus où ils habitent, tout  comme l’opinion publique de droite qui n’entend pas cette langue parlée à la présidence. François Hollande a changé, mais il ne veut pas l’avouer, ni même l’assumer, tout le problème est là. Qu’il assume le changement, comme Mitterrand avait dû le faire en 1983, et tout pourrait redémarrer.

La question qui va se poser maintenant, est de savoir comme un président intelligent, parfois drôle, qui connaît la politique comme personne, peut-il un an après son accession au pouvoir continuer d’être aussi inaudible.

Tout est compliqué avec lui, il faut en permanence le décoder, le décrypter et l’interpréter... Quand il dit je suis socialiste, il faut évidemment comprendre qu’il est surtout social-démocrate. Quand il reproche à l’Europe d’avoir organisé la récession, il faut entendre qu’il est surtout très européen, beaucoup plus que ses amis de gauche et ses adversaires de droite... Il veut assouplir les critères de fonctionnement pour préserver les chances d’une croissance, mais il revendique la formation d’un gouvernement économique qui, de fait nous imposera des contraintes au moins aussi fortes que celles qu'il voudrait détendre aujourd’hui. Il reconnaît que l’outil du redressement passe par une politique de l’offre d'où la priorité à la compétitivité, mais il protège les ingrédients d’une politique de la demande (dépenses publiques et sociales).

François Hollande est inaudible parce qu’il n’est pas crédible. Il s’est décrédibilisé en racontant tout et son contraire.

C’est dommage parce que dans la forme comme dans le fond, un visiteur moderne, citoyen du monde aurait débarque le jour de la grand' messe sans savoir ce qui s’est passé en France depuis an, sans connaître l’histoire, les faits et gestes des dirigeants politiques, ce visiteur aurait trouvé François Hollande très bon, excellent même, drôle parfois, dynamique et heureux, prenant même plaisir à mener un tel exercice. A l’écouter, "tout va bien, ou presque". Alors qu’il gère un pays qui est dans une situation désastreuse au bord du dépôt de bilan, avec un chômage qui mine complètement l’équilibre social de la France, qui décourage tout le monde avec un management qui part dans tous les sens et que lui-même est devenu extrêmement impopulaire. Mais "si tout va bien, c’est difficile, c’est la tempête, mais le bateau tient". Donc dans la forme, "je le dis haut et fort... je suis le patron !!!"

Sur la fond, c’est intéressant, le bilan qu’il dresse de sa première année correspond à peu près à la réalité. Il prend la responsabilité du diagnostic et il revendique les résultats, sauf que tout ce que le président de la République présente est en contradiction avec ce qu’il a prévu ou annoncé pendant la campagne.

Côté diagnostic, la France est plongée dans la récession sévère mais toute l’Europe est au diapason. C’est vrai, sauf qu’il ne l’avait jamais dit pendant la campagne puisque à l’époque, nos difficultés étaient imputables à la politique de Nicolas Sarkozy… Aujourd’hui son prédécesseur est quasiment absous de tous les péchés de la terre. Il ne l’utilise plus comme responsable en chef de toutes nos difficultés. La crise est bel et bien mondiale et plus particulièrement européenne.

Côté bilan de la première année, c’est extraordinaire et là encore, ça correspond à la réalité mais pas à la sienne. François Hollande a le droit de dire que la zone euro a été stabilisée mais il n’est absolument pas légitime à le revendiquer. Les mécanismes de stabilité (MES), l’attitude plus pragmatique de la Banque centrale européenne, les taux d’intérêt extrêmement bas, l’effort de régulation budgétaire et bancaire, tout cela était contenu dans le traité négocié six mois avant l’arrivée de François Hollande. Son seul mérite est d’avoir accepté ce traité, tout en disant pendant la campagne  qu’il ne pourrait pas l’accepter. La banque centrale doit tout à la politique de Mario Draghi qui a une lecture du fonctionnement de la BCE différente de son prédécesseur. Quant aux taux d’intérêt généreux, ils sont dûs à la garantie triple A que nous apporte l’Allemagne et à l’afflux de liquidités créées par le Japon. Le Japon peut très bien fermer son robinet du jour au lendemain. Sur l’explication du bilan, François Hollande récupère des éléments qui ne lui appartiennent pas, et contre lesquels il s’est même battu.

Sur les résultats, on se retrouve dans la même ambiguïté, au cœur d’un faisceau de contradictions. Le président n’hésite pas à affirmer haut et fort qu’en un an on a restaure en France, la crédibilité budgétaire alors qu’il rentre à peine de Bruxelles ou il a fallu négocier un report d’échéance. Les dépenses publiques ont été stabilisées, c’est vrai, mais si les dépenses de l’Etat ne dérapent plus, celles du modèle social et des collectivités locales ont explosé ; c’est d’ailleurs pour cette raison qu’on file sur les 4,5 % de déficit (au lieu de 3%).

Le pacte de compétitivité est à mettre à son actif. Il permet de transférer aux entreprises 20 milliards d’euros sous forme de crédit d’impôts, sauf que personne ne sait comment ça va marcher. Ceux qui ont compris savent que peu d’entreprises vont en profiter. Les plus gros bénéficiaires pourraient en être la Poste et Carrefour. Ce qui fera désordre. Voilà qui ne va pas créer beaucoup d’emplois industriels. En plus l’opinion sait  bien que le dossier de la compétitivité des entreprises était un dossier tabou pendant la campagne. Il reste tabou pour le Front de gauche et pour beaucoup de militants socialistes pour lesquels les entreprises n’ont pas besoin d’aides particulières, sauf celles qui sont en difficultés (Peugeot, Florange) mais on n’en parle plus. Ce qui est un épine supplémentaire dans le pied de la gauche.

La réforme du marché du travail répond à une nécessite en introduisant plus de flexibilité et de mobilité, mais n’avait jamais été abordé pendant la campagne électorale. Pour les électeurs de gauche ce n’est pas un grand succès au contraire. C’est une trahison. Tout comme la réforme attendue des retraites. François Hollande pourrait être très drôle, si on n’était pas au cœur d’un sujet très sensible mais quand il explique (angélique) que l’allongement de la durée de vie va nécessite le report de l’âge de départ en retraire et qu’il ajoute que c’est une évidence, on se dit qu’il a complétement oublié qu’il y encore un an, une réforme des retraites était inimaginable parce que "pas de gauche".

Aujourd’hui, il explique que la recherche de compétitivité des entreprises, la flexibilité, le sérieux budgétaire, la réforme des retraites, toutes ces réformes ne sont ni de droite, ni de gauche, elles sont nécessaires.François Hollande a mille fois raison mais qui peut désormais le croire après avoir prêché et crié l’inverse. C’est pour cette raison qu’il reste inaudible et déprécié.

Au chapitre de l’Europe, avec ce plaidoyer pour plus de convergences, de pouvoirs et de solidarité avec l’Allemagne, avec un gouvernement économique susceptible de gérer des harmonisations et de projets de croissance, on retombe dans les mêmes contradictions avec les attitudes passées. Sur le fond, il a évidemment mille fois raison, mais comment être crédible, écouté et entendu quand il prône un renforcement des liens franco-allemands alors qu'il y a quinze jours à peine, une partie de sa majorité, y compris des ministres, rédigeaient un projet de divorce avec Angela Merkel. François Hollande fait comme s’il n’avait aucun problème avec sa majorité. C’est sa méthode. Il ignore et étouffe les difficultés en se disant, sans doute, ça va passer.

Le résultat de toutes ces ambiguïtés c’est que la politique gouvernementale ne sera pas appliquée et qu’elle ne produira pas les effets escomptés.

François Hollande a compris que pour être élu, il fallait développer un discours radical. Il en avait toutes les qualités, puisqu’il a gagné la course. Aujourd'hui, il sait bien que la réalité lui impose de s’adapter mais piégé par ce qu’il a dit, il refuse d’assumer de changement. Il le nie, il n’en parle pas. Il refuse l’austérité, alors que la France n’en fait pas. Comparé à ce qui c’était passé en Allemagne il y a dix ans, en Italie ou en Espagne il y a quatre ans, la France a amorti le choc, Nicolas Sarkozy avait sorti les matelas en 2010, François Hollande s’est bien gardé de les retirer. D’où le poids croissant de nos interventions sur fonds publics. Comment demander à l’opinion plus d’efforts, pour retrouver l’équilibre, alors qu’on lui promet qu’il ne peut pas y avoir plus d’austérité qu’il y en a, alors qu’il n’y en a pas !!!

Le langage et les mots employés sont apparemment très importants chez François Hollande. Il n’y aura donc pas d’austérité budgétaire mais du sérieux. Mais en clair, ça veut dire qu’il y aura beaucoup plus d’austérité qu’on ne l’annonce.

Il n’y aura pas de privatisations mais des ventes d’actifs sans pour autant que l’Etat perde le contrôle, ça veut dire qu’on vendra des parts d’entreprises d’Etat, et le cas échéant les entreprises toutes entières ; on expliquera qu’elles ne sont pas stratégiques.

François Hollande est socialiste, ça veut dire qu’il est effectivement social-démocrate, ou social-libéral. Mais ce débat sémantique entretenu avec gourmandise par les commentateurs politiques ne signifie rien. Mais, chez François Hollande, ça veut dire qu’il a compris depuis longtemps qu’il y avait énormément d’outils, de concept, de dossiers qui n’était ni de droite ni de gauche. L’emploi, la compétitivité, l’innovation, la performance, l’Europe, ne s’inscrivent plus dans une grille idéologique. Ils sont comme la météo, la pluie, le vent. Ni de droite, ni de gauche. Ils doivent être gérés avec efficacité.

Seulement voilà, François Hollande se refuse à le dire et à l’expliquer. Il attendra donc que les faits s’imposent. En attendant il aura perdu tout pouvoir auprès de l’opinion publique en pensant qu’elle n’est pas capable d’entendre la vérité alors qu’elle la connaît très bien ou qu’elle la pressent. Ni les écologistes, ni le Front de gauche ne peuvent être dupes de ce théâtre. Les écologistes ont choisi de faire semblant. Le Front de gauche essaie de ruer dans les brancards pour pouvoir négocier d’autres positions plus tard. La politique n’est pas un long fleuve tranquille. Tout le monde se tient par la barbichette à gauche. Le premier qui dira la vérité ira en enfer. Alors pour l’heure tout le monde fait semblant mais la machine France est en panne.

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