Pourquoi toute politique de relance fondée uniquement sur la consommation est forcément vouée à l'échec<!-- --> | Atlantico.fr
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La consommation en France fait l’objet d’une panne historique.
La consommation en France fait l’objet d’une panne historique.
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Ça marche pas j'te dis

La consommation est spontanément considérée comme le facteur déterminant de la croissance. Dès lors, austérité rime avec récession et déficits publics avec croissance. Un lien de cause à effet pourtant erroné.

Alain Fabre

Alain Fabre

Alain Fabre est Conseil indépendant en Fusions & Acquisitions. Il est aussi expert économique auprès de la Fondation Robert Schuman, de l'Institut de l'Entreprise et du mouvement ETHIC. 

Il a récemment publié Allemagne : miracle de l'emploi ou désastre social?, Institut de l'Entreprise, septembre 2013. 
 

Il a publié pour l'Institut de l'Entreprise L'Italie de Monti, la réforme au nom de l'Europe et Allemagne : miracle de l'emploi ou désastre social

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Dans notre pays, la consommation est spontanément considérée comme le facteur déterminant de la croissance. Hommes politiques, experts, hauts fonctionnaires et medias font immédiatement le lien entre consommation et croissance. Mais l’enchaînement économique qui domine les esprits, c’est celui d’une consommation stimulée par la dépense publique. Dès lors austérité rime avec récession, déficits publics avec croissance. Sauf que cette liaison qui emprunte à une « vulgate » keynésienne, n’a jamais produit ses effets que dans l’esprit de ses partisans, rarement dans les faits. C’est l’inverse qui est vrai.

La première difficulté avec ces politiques, c’est qu’à l’origine elles ont été conçues pour des économies fermées ou peu ouvertes. Quand la France augmente ses dépenses publiques – comme en 1975 ou en 1981-82 par exemple – faute d’un secteur productif capable de répondre au surcroît de demande, une part importante de la relance crée ou accroît le déficit commercial. Partisans des stratégies « keynésiennes », les Etats-Unis connaissent pour les mêmes raisons, des déficits commerciaux importants. Mais le fait qu’ils détiennent la monnaie mondiale et les clés du système financier international, les dispensent de l’obligation de solder de façon réelle, leur déficit courant. Quoi qu’il en soit, ces politiques finissent tôt ou tard par atteindre leurs limites : sous la pression des déficits, un pays comme la France se retrouve dans l’obligation de rééquilibrer son solde extérieur. Malgré leurs attributs qui les placent au dessus de la règle commune, les Etats-Unis ont fini par se heurter au mur de l’endettement. Les déficits jumeaux qui proviennent des déficits publics, alimentent ainsi une accumulation de dette qui conduit à l’arrêt de ce type de politique. Qu’on recoure comme au temps du SME, ou non, comme au temps de l’euro, aux dévaluations, ce sont bien des politiques d’austérité qui concluent toujours les politiques de relance. Certains comme la Grande-Bretagne des années 1960-1970 alternent relance et austérité – stop and go – ce qui conduit à un appauvrissement inéluctable. C’est la situation que Margareth Thatcher dut redresser en 1979.

La crise de 2008-2009 a probablement marqué la fin des politiques keynésiennes. Le monde qui a surgi depuis le milieu des années 1970 et plus encore avec la mondialisation des années 1990-2000 est celui de Ricardo et de Schumpeter, non celui de Keynes. C’est la compétitivité des entreprises qui est – ou qui redevient – la clé de la croissance. D’abord parce que le keynésianisme français ou anglo-saxon reposait sur l’illusion des temps post-industriels. C’est cette croyance tragique qui est à la base des 35 heures en France et de l’illusion du tout services aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. Les échanges industriels représentent les 2/3 des échanges internationaux. A l’âge de la mondialisation, l’industrie est donc la clé permettant de capter les opportunités de la croissance mondiale. La vieille Europe l’a compris avec comme leader de cette stratégie, l’Allemagne. Les pays d’Europe du Sud qui ont cédé, notamment l’Espagne, aux mirages post-industriels jusqu’en 2008, mènent désormais des politiques actives de ré-industrialisation. Comme on le voit en Espagne et en Italie – qui a conservé une industrie robuste – ces politiques permettent le retour à l’équilibre extérieur. A terme, combinées à la compression de la demande interne provenant des dépenses publiques et à des réformes de structure, notamment la flexibilisation du marché du travail, elles créent, avec le redressement de la profitabilité des entreprises, les conditions de la reprise de l’investissement productif privé.

Cet enchaînement qui a atteint sa maturité en Allemagne est à l’œuvre en Italie et en Espagne. C’est lui qui alimente l’accélération cumulative de la croissance. Le stock de capital productif augmente, ce qui permet la hausse de la production. La profitabilité des entreprises est donc à travers leur capacité à accumuler leurs gains de productivité dans leur bilan, le ressort de la croissance.

La France est seule en Europe à persister dans les illusions de la croissance portée par la consommation et les dépenses publiques. Les mesures prises par François Hollande ont toutes pour logique foncière la préservation de la consommation par la sanctuarisation de la dépense publique. Avec une politique qui concentre l’ajustement budgétaire sur les « riches » et les entreprises, ces dernières déjà bien en peine depuis plus de dix ans de répondre à la demande faute de pouvoir investir et innover, sont un peu plus rançonnées pour payer le soutien de la consommation du secteur abrité.

On est d’ailleurs maintenant loin des fantasmes keynésiens : la consommation soutenue par la dépense publique a désormais comme contrepartie la liquidation du secteur productif. La politique Hollande c’est donc celle de la poule aux œufs d’or ! Et le crédit d’impôt compétitivité relève plus de la communication et du leurre que d’une prise de conscience salutaire. Les partisans de la décroissance qui ont largement voté Hollande doivent donc se réjouir de voir leurs attentes être comblées à ce point.

Certes, on ne peut attendre des dirigeants socialistes qu’ils se convertissent à l’entreprenariat schumpétérien. Mais au moins devraient-ils redevenir marxistes : la croissance c’est bien le capital qui la produit.

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