Pourquoi le vote de la loi Taubira au Sénat est un piège mortel pour la droite<!-- --> | Atlantico.fr
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Les sénateurs ont déjà adopté l'article premier de la loi Taubira sur le mariage pour tous.
Les sénateurs ont déjà adopté l'article premier de la loi Taubira sur le mariage pour tous.
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Opposition, attention !

La loi sur le mariage pour tous est actuellement discutée au Sénat qui a déjà donné son feu vert à l'adoption par des couples homosexuels et surtout à l'article 1er du texte, légalisant le mariage entre deux personnes de même sexe.

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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La droite a-t-elle pris pleinement conscience du péril mortel que lui fait courir le vote de la  loi Taubira au Sénat ? Le risque est que l’on dise, parmi les centaines de milliers de manifestants hostiles et chez d’autres que cette loi n’est passée que parce que l’UMP et l’UDI ne s’y sont pas vraiment opposées.

Depuis le 4 avril,  les scrutins sur les motions d’irrecevabilité, les amendements  et, à présent les articles, se succèdent, en attendant le vote final, imminent. Le gouvernement les emporte d’une marge qui va de 15 à 20 voix environ. Bien que le PS, les Verts et les communistes aient verrouillé les votes, d’une manière tout à fait scandaleuse dans une démocratie moderne s’agissant d’un problème qui engage les consciences, le gouvernement n’aurait pas la partie aussi facile si une quinzaine de dissidents de droite ne venait régulièrement à son aide. Ainsi le vote de l’article 1, acquis avec 22 voix d’écart, a vu la défection de 14 voix de droite (dont 6 votes favorables et 8 abstentions). Si toute la droite  avait voté contre, la majorité n’aurait été que de deux voix. Et l’amendement tendant à requalifier le mariage en « union civile » n’a échoué, lui, que de 7 voix.  

En principe, la gauche, si elle continue à verrouiller, a les moyens de faire passer le texte final seule, mais d’extrême justesse. Une partie des sénateurs de gauche ne cache pas en privé son hostilité; si une poignée seulement se réveille lors du vote final, l’opinion aura le sentiment que c’est la mollesse de la droite qui aura fait adopter la loi Taubira.

Cela confirmera l’impression assez fâcheuse donnée par le porte-parole désigné par l’UMP,   le sénateur Patrice Gélard, dont le moins qu’on puisse dire est que, dans l’entretien qu’il a donné au journal Le Monde du 26 mars, juste avant le débat, n’a pas fait preuve d’une grande combativité, renvoyant même au Conseil constitutionnel le soin de prendre en compte l’immense mouvement protestataire du 24 mars !  

Malgré l’individualisme congénital de la droite, il sera difficile de faire croire que si les dirigeants de l’opposition avaient voulu verrouiller les votes de leurs groupes, comme ceux du PS l’ont fait si bien, ils n’y seraient pas arrivés.

La droite doit jouer son rôle

Au moment où l’affaire Cahuzac bat son plein, où la classe politique est gravement délégitimée, plus que jamais ce qu’il est convenu d’appeler la « droite républicaine » doit jouer son rôle.

Même des hommes de gauche comme Maurice Szafran s’inquiètent (Marianne.fr du  11 avril) qu’elle ne le fasse pas ! En démocratie, le rôle de l’opposition n’est pas seulement de s’opposer sur tout et n’importe quoi, mais d’exprimer, et par là de canaliser tous les  mouvements d’opinion hostiles  à la politique du gouvernent.

Si La Manif pour tous n’est pas un mouvement de ce genre, que lui faut-il ? Entre la quasi-majorité dont elle dispose au Sénat et les réelles réticences d’une partie de la gauche à voter ce texte (que la timidité de la droite a jusqu’ici dissuadé de s’exprimer pleinement), il est clair que la droite parlementaire aurait pu empêcher le texte de passer au Sénat, ou au moins de mettre bien davantage en difficulté le gouvernement.

Si elle ne le fait pas, et il reste encore le vote final de la loi pour être fixé, vers quel berger se tournera l’immense troupeau amené convoqué dans la rue par Frigide Barjot ?

La méconnaissance de l’immensité de l’événement que représente la manifestation du 24 mars, la plus importante de l’Histoire de la République (si elle dépasse, comme on peut le penser, celles qui avaient trait à la défense de l’école libre) par une partie de la droite, toujours en retard d’une bataille, n’est pas cantonnée au Sénat.

François Fillon s’en est tenu à l’écart, arguant que la droite n’avait pas la culture de la manifestation. Que lui faut-il de plus ? Les dirigeant de la Manif pour tous ont justement condamné l’intrusion inacceptable au domicile de Chantal Jouannau, la plus constante des transfuges de l’opposition au Sénat, mais ils ne s’en réservent pas moins de la sanctionner durement aux municipales de Paris où elle sera candidate. Même cas de figure pour Nathalie Kosciusko-Morizet, dont la candidature à la mairie de Paris, malgré un appui médiatique massif, n’emballe guère la droite parisienne. Comment s’en étonner puisque l’intéressée s’est abstenue sur la loi Taubira au moment même où elle annonçait sa candidature et où un million de manifestants hostiles au projet, principalement parisiens, se rassemblaient au Champ de Mars ?

Il faut vivement  souhaiter pour l’honneur de la démocratie représentative démocratie que la loi Taubira échoue au Sénat : personne ne fera grief la haute Assemblée d’avoir ainsi exprimé le sentiment populaire (dont l’ampleur et surtout la détermination est loin d’être  reflétée par les sondages).

Mais si elle devait être votée, il faut souhaiter qu’elle le soit avec une marge nettement  supérieure aux défections de la droite. Il faut le souhaiter pour la droite. Mais il faut le souhaiter surtout pour la République !

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