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L'évasion fiscale peut être chiffrée et tracée géographiquement.
L'évasion fiscale peut être chiffrée et tracée géographiquement.
©Flickr / Images_of_Money

A la recherche de l'argent perdu

Alors que la polémique autour des paradis fiscaux continue d'enfler, le président Hollande a déclaré mercredi matin vouloir éradiquer ces derniers. Souvent considérée comme impossible à contrôler, l'évasion fiscale peut pourtant être chiffrée et tracée géographiquement.

Gabriel  Zucman

Gabriel Zucman

Gabriel Zucman est doctorant en économie au sein de la Paris School of Economics, il a mené une une large étude sur La richesse manquante des Nations dans laquelle il trace des liens entre l'argent qui disparaît du circuit économique et la richesse accumulée dans les paradis fiscaux. 

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Atlantico : François Hollande a déclaré ce matin vouloir éradiquer les paradis fiscaux afin d’éviter qu’y soient accumulés des capitaux non taxés au détriment des Etats. Comment pouvons-nous chiffrer la concentration de richesse "entreposée" dans ces paradis ?

Gabriel Zucman : Dans l’étude « The missing wealth of Nations » (La richesse manquante des Nations) que j’ai réalisé, j’ai calculé que 8% du patrimoine financier des ménages, au niveau mondial, serait stocké dans les paradis fiscaux du monde entier. Ce chiffre a été établi autour de deux grands axes. Premièrement, j’ai utilisé les statistiques officielles de la banque centrale suisse qui établit la liste des montants des fortunes étrangères dans les banques suisses et d’autre part l’exploitation statistique exhaustive des bilans d’investissements internationaux des pays. Ce second élément montre qu’au niveau mondial il y a plus de passifs que d’actifs financiers à cause du fait que les statisticiens du monde entier ne parviennent pas à enregistrer une partie des actifs financiers notamment les portefeuilles de titres des particuliers qui les placent dans les divers paradis fiscaux. Si l’on prend l’exemple d’un Français qui possède de l’action américaine placée en Suisse : puisque ces actifs sont en Suisses, la Banque de France ne peut l’enregistrer en tant qu’actif alors que les Américains eux sont au courant qu’un étranger détient de l’action américaine et enregistre le passif.  L’ensemble provoque donc un décalage entre l’actif et le passif financier qui se chiffre donc à 8% du patrimoine financier des ménages à l’échelle globale.

Ainsi, à combien pourrions évaluer cette disparition d’argent ?

Si l’on traduit cela en chiffre rond, cela représente 6 000 milliards d’euros sur un patrimoine financier total des ménages net des dettes de 75 000 milliards d’euros.

A quel rythme évoluent ces mouvements de disparition d’actifs et à quel rythme rentrent-ils à nouveau dans l’économie ? Cela n’appartient-il pas à un circuit économique cohérent ?

D’après mes travaux, ce ratio de 8% du patrimoine financier des ménages placé dans les paradis fiscaux est à peu près stable sur les dix dernières années. Cependant, il est clair que l’argent dans les paradis fiscaux est investi ; il ne s’agit pas de lingots d’or dormants complètement en dehors de l’économie. Ces comptes offshores sont le point de départ d’investissements et de mouvements financiers au même titre que le sont des comptes à Paris ou à New York. Ce qui est fâcheux est que cet argent n’est pas taxé. Cet argent n’est donc pas en dehors du circuit économique mais si l’on peut s’en réjouir, il faut rappeler que cet argent échappe bien à toutes taxations.

Pays les plus développés, dictatures : quelles sont les origines géographiques de ces capitaux ?

Il semble qu’une très large partie des fortunes offshore appartiennent aux Européens et un peu moins aux Américains. C’est en tout cas ce que montrent, bien qu’imparfaites, les statistiques suisses qui établissent qu’environ 50-60% des comptes en Suisse, sachant que cette dernière compte un tiers des capitaux offshores soit environ 2 000 milliards d’euros, appartiennent à des Européens. Cela suggère donc qu'il s'agit essentiellement d’un problème d’évasion fiscale au sein de l’Europe qui est donc pointée du doigt sur la question. Il faut espérer que l’affaire Cahuzac et ce qui l’entoure permette à la France et ses voisins de se donner les moyens d’être à la pointe de la lutte contre cette évasion fiscale. Enfin, les dictateurs et autres dirigeants du monde ont également des comptes offshore mais ne représentent pas l’essentiel de ceux-ci pour la simple et bonne raison que l’essentiel des richesses restent concentrées en Europe et aux Etats-Unis. 

Propos recueillis par Jean-Baptiste Bonaventure

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