Week-end de Pâques en famille : savez-vous ce que révèle ce que vous faites aujourd'hui ?<!-- --> | Atlantico.fr
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"La famille n'est pas liée à la pratique religieuse."
"La famille n'est pas liée à la pratique religieuse."
©Reuters

Chocolat pour tout le monde

Alors que la pratique de la religion catholique est relativement faible en France, nous sommes un des pays qui célèbre le plus de fêtes religieuses, bien souvent en famille. Le week-end de Pâques ne fait pas exception et reste l'occasion de réunions familiales qui en disent long sur notre rapport à la religion ou nos opinions politiques...

André  Burguière

André Burguière

André Burguière est historien, spécialiste de l'histoire de la famille et de la population à l'époque moderne.

II est membre du comité de direction de la Revue Annales (histoire, civilisations) et des revues Communications, Ethnologie Française.

Il collabore régulièrement avec le Nouvel Observateur depuis 1975.

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Atlantico : Aujourd'hui, comment fête-t-on en France et dans nos différentes régions les grandes fêtes religieuses comme Pâques ou Noël ?

André Burguière :Il faut se rendre à l’évidence : la France est un pays largement déchristianisé. On parle beaucoup du retour du religieux qu’André Malraux avait prophétisé. En réalité, on observe peut-être un petit regain et un approfondissement de la pratique dans un petit milieu de catholiques qui étaient restés pratiquants. Mais statistiquement, la pratique religieuse et le recours aux sacrements (baptêmes, mariage à l'église etc.) ne cessent de décliner. Il n’y a pas de véritable "reprise" de la religion catholique : aujourd'hui le fait de célébrer des fêtes catholiques importantes comme Noël et dans une moindre mesure, Pâques, correspond davantage à un attachement festif, culturel qu’à un attachement religieux. Ce n'est pas un phénomène propre à la France : Toute l’Europe protestante et certains vieux pays catholiques comme l’Espagne et dans une moindre mesure l’Italie connaissent la même évolution..

On assiste clairement à un effacement de la religion d’autant plus rapide que la région ( c’est le cas de la Bretagne par exemple) est restée plus longtemps sous l’influence de l’Eglise. La France est aussi marquée aujourd’hui par son héritage laïc que par son héritage religieux. Elle a connu une première séparation de l'Eglise et de l'Etat sous la Révolution, donc bien avant la loi de 1905. Cette séparation a été annulée par Napoléon. Mais elle a laissé dans la vie politique et au sein de la population un courant d’hostilité à l'Eglise qui a abouti, dans les années 1880, à la disparition de tout signe religieux de l’espace public. Une situation à l’époque unique en Europe. La laïcité ne se contentait pas, pendant longtemps en France, de défendre la liberté religieuse : elle voulait d’abord contrecarrer l'influence de l'Eglise.

Or, nous conservons, parmi les jours chômés, davantage de fêtes religieuses que la plupart des pays les plus pratiquants. Je pense notamment au Québec, à l'Allemagne et bien sûr à l'Italie. Pâques, Noël, la Pentecôte, l’Ascension, l'Assomption, la Fête-Dieu, la Toussaint..etc... Quand il a été question de supprimer le lundi de la Pentecôte de la liste des jours fériés pour financer la dépendance des personnes âgées ou handicapées, on a assisté à une véritable levée de bouclier. Il existe une sorte de culture "sub-religieuse" qui reste très vivante et qu'on retrouve notamment dans la vie familiale.

L'exemple le plus flagrant est bien sûr la fête de Noël. Celui qui n'a pas de famille est malheureux le soir de Noël où pratiquement tous les restaurants et les cafés ferment plus tôt que d’habitude. Car il s'agit d'une fête qui se célèbre en famille. En France, que l'on soit athée, catholique pratiquant ou non-pratiquant ou d’une autre religion, on fête Noël.

S'agissant de Pâques, je pense qu'il s'agit davantage d'un héritage de la France paysanne. C'est à cette époque qu'on allait visiter les grand-parents à la campagne lorsqu’on habitait en ville. C'était, et c'est toujours, l'occasion de regroupements familiaux permis grâce à plusieurs jours chômés.

Mais pourquoi fête-t-on plus Pâques en famille que l'Assomption ou la Toussaint par exemple ?

Cela s'explique sans doute par l'importance religieuse de Pâques. Il s’agissait de la fête la plus importante dans les premiers siècle de l'Eglise catholique et jusque dans le Haut Moyen Âge (fin du Ve siècle - fin du IXe siècle, NDLR). A cette époque, la nouvelle année commençait d’ailleurs à Pâques, au moment de la Résurrection.

Cette conception de la famille que l'on avait à cette l'époque correspondait-elle à une vision élargie de la famille (cousins éloignés, grands oncles etc.) ? Ou bien la fête de Pâques permettait-elle, comme c'est souvent le cas aujourd'hui, de réunir uniquement la famille proche ?

Les fêtes de familles sont toujours l'occasion d'un "regroupement vertical" (grands-parents, parents, enfants) et il serait faux de croire que nous avons toujours vécus, sauf depuis un siècle, dans des familles "claniques" et élargies. Cela existait dans certaines régions (dans des régions montagneuses comme les Pyrénées ou les sud du Massif central) mais ce phénomène était très minoritaire.

Aujourd’hui, les difficultés économiques ont contribué à recréer des liens verticaux dans les familles et une solidarité inter-générationnelle. Ces repas familiaux sont un moyen de montrer comment la famille s'étend et se transforme.

Aujourd'hui, dans les régions très peu denses où les solidarités entre les individus sont renforcées, voit-on davantage les familles se réunir pour ce type de fête ?

Je ne crois pas. Premièrement parce que ces régions peu denses sont en train de mourir doucement. Il s'agit du centre et d'une partie de l'est de la France et vous avez dans ces régions beaucoup de personnes isolées. Il y a davantage de réunions dans les régions où l'exode rural a été récent. Ce sont les gens des villes qui éprouvent ce besoin de regroupement familial. En Bretagne par exemple, les personnes qui sont parties reviennent régulièrement à leurs racines à l'occasion de ces fêtes religieuses, notamment à la Toussaint.

Existe-t-il des liens de corrélations entre les moments où l'on se réunit en famille et les fêtes religieuses ?

Je pense que ces deux aspects n'ont jamais vraiment coïncidé. La famille n'est pas liée à la pratique religieuse. D'abord, contrairement à ce que l'on croit, l'Eglise ne s'est pas toujours intéressée à la famille. C'est seulement à partir du XIXe siècle, au moment où elle a commencé à décliner, que l'Eglise a essayé de mettre en avant les pratique familiales. Pendant très longtemps la famille a été une concurrente de l'Eglise. Il est possible que l'Eglise ait joué un rôle dans ces repas familiaux au moment des fêtes religieuses, mais seulement à partir du XIXe siècle.

Dans une certaine mesure, les cérémonies familiales remplacent la religion. Elles sont d'ailleurs aussi importantes dans les milieux laïcs où les gens n'ont pas de religion. Le sud de la France, l'Yonne et toute une partie du Limousin sont très déchristianisés depuis le XIXe siècle, pour autant les gens de ces régions n'ont pas une vie familiale inférieure aux autres.

Dans une certaine mesure, les cérémonies familiales remplacent la religion. Elles sont d'ailleurs aussi importantes dans les milieux laïcs où les gens n'ont pas de religion. Le sud de la France, l'Yonne et toute une partie du Limousin sont très déchristianisés depuis le XIXe siècle, pour autant les gens de ces régions n'ont pas une vie familiale moins intense que les autres.

Existe-t-il un lien entre la façon dont l'on vote et les différentes structures familiales ?

Les opinions politiques sont des choix de différentes visions du monde qui reflètent à la fois une idéologie qu'on a apprise dans la famille mais aussi une pratique religieuse (dans la mesure où la religion vous donne une certaine vision du monde). Il existe une sorte de croisement entre les structures familiales et le vote. Par exemple dans les régions de "familles souches" (une structure très autoritaire) on constate plutôt un vote conservateur. Inversement, les "familles nucléaires" votent davantage à gauche. C'est un lien de cause à effet qui marche plus où moins bien : dans le nord du Limousin par exemple, il existe des familles très élargies voire communautaires - la "paysannerie rouge" - qui votent extrême gauche.

Il est donc possible de conjuguer religion, famille et vote. Mais méfiance ! C'est d'autant plus compliqué que, comme je l'expliquais, la religion perd de plus en plus de terrain. Les bastions les plus à gauche se trouvent aujourd'hui à l'ouest de la France alors qu'il s'agissait autrefois de forteresses imprenables et ancrées à droite, très conservatrices et très religieuses.

Les familles très croyantes ont bien souvent un fort sens de la famille. De la même manière, il existe aujourd'hui des familles non croyantes qui ont elles aussi un très fort sens de la famille. Il est très difficile de recouper ces éléments schématiquement.

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