Des parents de dealers expulsés de leurs logements HLM : une solution juridiquement inattaquable<!-- --> | Atlantico.fr
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Des parents de dealers ont été expulsés de leurs logements HLM.
Des parents de dealers ont été expulsés de leurs logements HLM.
©DR

Que dit le Droit ?

On réagit beaucoup depuis quelques heures sur plusieurs arrêts de la Cour d'Appel de Versailles du 26 juin 2012 qui ont prononcé la résiliation de quatre baux en HLM parce que les enfants mineurs, ou même majeurs, des locataires, auraient notamment été condamnés pour avoir participé sur place à un trafic de cannabis ou auraient perturbé le voisinage (dégradations, menaces, insultes...) . Est-ce légal de prononcer une expulsion dans ces conditions ?

Denis Lelièvre

Denis Lelièvre

Denis Lelièvre est avocat depuis plus de 1997, au barreau du Val d’Oise avec ses activités dominantes en droit immobilier, droit administratif et droit civil général, ainsi qu’en droit pénal.

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On ignore précisément pourquoi, ce vendredi, de nombreux commentaires fleurissent sur ces décisions, qui remontent pourtant déjà à juin dernier. RTL par exemple les avait mentionnées fin  octobre, mais sans susciter autant d'écho que depuis quelques heures. Toujours est-il que désormais chacun ou presque y va de son opinion. Que dit le Droit sur cette question ?

En matière de contrats en général, et de baux d'habitation en particulier, deux types de règles ont vocation à s'appliquer : la loi, en principe celle du 6 juillet 1989 « tendant à améliorer les rapports locatifs », et le bail lui-même, qui, comme tout contrat, a valeur de loi ainsi que le décide l'article 1134 du Code civil. C'est vrai pour tous les baux, y compris ceux des HLM.

Payer le loyer convenu est l'obligation principale du locataire, mais pas la seule : l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989 lui fait notamment obligation, aussi, « d'user paisiblement des locaux loués ». Le plus souvent, le contrat ajoute qu'il doit aussi répondre des agissements des « occupants de son chef », c'est-à-dire de ceux qui, bien que n'étant pas eux-mêmes signataires du bail, vivent avec lui. On peut donc parfaitement reprocher au locataire toute violation, à la loi de juillet 1989 ou au contrat, de son fait ou qui serait celui d'un de ces « occupants de son chef ». Aucune distinction n'est faite entre majeurs et mineurs, tous les occupants sont concernés. C'est donc une illustration de responsabilité contractuelle du fait d'autrui, transposition en matière contractuelle du principe issu d'un des grands articles du Code civil sur la responsabilité, l'article 1384, qui définit la responsabilité non seulement de son propre fait, mais encore du « fait des personnes dont on doit répondre ».

La sanction à une telle violation, par le locataire ou un de ceux qui vivent sous son toit, est le plus souvent la résiliation du bail : par exemple, la « condamnation » à une amende du locataire par le bailleur est même strictement interdite par l'article 4 i) de la loi du 6 juillet 1989. Depuis la loi « engagement national pour le logement » du 13 juillet 2006, cet article 4, alinéa g) permet même, pour « non respect de l'obligation d'user paisiblement des locaux loués », la résiliation « de plein droit » c'est-à-dire que le juge doit la constater, sans théoriquement de pouvoir d'appréciation. A fortiori donc, un juge peut la prononcer pour ce motif, c'est-à-dire en peser la gravité pour décider de résilier ou non. Peu importe aussi que, depuis lors, les auteurs des infractions aient quitté les lieux, la faute même passée pouvant suffire à entraîner la résiliation du bail.

On ne peut donc que contredire Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de « Droit au logement », quand il conteste que « la famille [doive] supporter les conséquences de ces délits », puisque le droit le prévoir expressément. L'Office HLM était en droit de demander la résiliation du bail pour ce motif. Et même, selon l'article 6 b) de la loi de 89, tenu d'assurer aux autres locataires la jouissance paisible du logement, il avait l'obligation à leur égard de mettre fin à ces troubles, c'est-à-dire de résilier ou faire résilier les baux des logements habités par les perturbateurs du voisinage.

Dès lors, la justice suit son cours et, dès l'expiration de la trêve hivernale, les ex-locataires, devenus « occupants sans droit ni titre », sont expulsables. En tout respect du Droit et, sans doute, pour le grand soulagement de leurs voisins. On apprend que le Ministre du Logement, François Lamy, aurait déclaré « accompagner les familles » et leur aurait promis « une aide et un suivi de leur dossier ». On ose espérer qu'il pense en priorité aux familles des voisins longtemps importunés par les nuisances de ces perturbateurs. Mais est-ce bien le cas ?

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