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Exclusif : un document révèle les vrais points de désaccord entre patronat et syndicats dans la négociation sur la sécurisation de l'emploi
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Pas gagné

Atlantico révèle en exclusivité les documents de travail de la négociation qui a lieu actuellement entre le Medef et les syndicats de salariés sur la sécurisation de l'emploi. Une lecture instructive qui confirme que le "compromis historique" que l'exécutif appelle de ses voeux est tout sauf acquis.

Jean-Yves Archer et Atlantico.fr

Jean-Yves Archer et Atlantico.fr

Jean-Yves Archer est spécialiste en conseil de haut de bilan. Il dirige le Cabinet Archer et est gérant de Archer 58 Research, une société de recherches économiques fondée en mai 2012.
 
Né en 1958, il est diplômé de Sciences-Po, de l'E.N.A, promotion de 1985, et est titulaire d'un doctorat en Economie à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
 
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Le Projet d'accord national interprofessionnel sur la sécurisation de l'emploi a été rédigé par le Medef et a servi de base à la discussion du 20 décembre dernier :


Ce second document, qu'Atlantico a pu se procurer en exclusivité, est un compte-rendu de la discussion du 20 décembre rédigé par un représentant du Medef. Il recense les points de désaccords formulés par les syndicats :



Faute d'être parvenues à un accord en décembre, les parties ont de nouveau rendez-vous les 10 et 11 janvier. Mais le "compromis historique" que l'exécutif appelle de ses voeux est tout sauf acquis. Jean-Yves Archer analyse pour quelles raisons.

En date du 20 décembre 2012, les partenaires sociaux ont engagé une négociation à partir d'un document visant à améliorer la sécurisation de l'emploi et les conditions de déroulement de la carrière professionnelle.

Certains points de cet avant-projet d'accord sont simples et méritent d'être salués comme des éléments qui peuvent participer à l'amélioration des conditions de vie de millions de salariés.

Ainsi, l'article 1 du titre 1 vise à " généraliser la couverture complémentaire des frais de santé " ce qui représente un mieux-disant sanitaire et social incontestable. Les conditions de mise en œuvre semblent juridiquement et financièrement acceptables par les parties. Même remarque pour les articles 2 et 3 qui consistent à améliorer la portabilité de la couverture santé et prévoyance pour les demandeurs d'emploi et à créer des droits rechargeables à l'assurance-chômage.

Plus fondamental en cette période d'expansion du chômage de masse, l'article 16 définit les modalités des " accords de maintien dans l'emploi". Autrement dit, ces accords visent à lutter contre le chômage conjoncturel et à organiser le maintien du travailleur dans l'entreprise. Selon le texte, il s'agit de "trouver un nouvel équilibre dans l'arbitrage global temps du travail / salaire / emploi, au bénéfice de l'emploi". Nous nous situons là au cœur d'une problématique de première importance : notre pays saura-t-il, comme l'exemple danois mais aussi allemand le rapportent, s'engager vers une logique gagnant-gagnant ? Ou devons-nous craindre des accords de portée hasardeuse comme celui des Continental de Clairoix qui avaient accepté – pour préserver l'emploi – de revenir sur l'accord 35 heures alors même que deux ans après le site bénéficiaire voyait sa pérennité remise en cause ?

Deux mots-clefs guident cet article 16 : oui, la mesure est d'opportunité nationale. Non, elle ne va pas être admise aisément par certains employeurs.

Au demeurant, il n'est pas neutre sur le fond et sur la forme que l'immédiat article postérieur ( l'article 17 donc ) prévoit " un nouveau régime unique et simplifié de chômage partiel " dans le cadre, cette fois, d'une négociation tripartite. La réintroduction de l'Etat traduit d'évidence la difficulté à envisager quant au fond sur un sujet qui concerne bien des branches atteintes par l'actuel ralentissement conjoncturel. L'expression patronale consistant à dire " nous sommes d'accord pour accélérer le mouvement " est, reconnaissons-le, assez floue et augure de négociations serrées.

Dans un domaine lié, la position patronale consiste à refuser de subordonner la mobilité interne à un accord collectif préalable. D'un côté, il est clair qu'il ne convient pas de figer les évolutions de poste et de rendre celles-ci dépendantes d'une procédure trop lourde, de l'autre nous sommes dans un pays où la gestion prévisionnelle des carrières doit être approfondie et objectivée pour parer tout type de favoritisme ( ou de discrimination ). Cet article 13 traitant de la mobilité interne inclut, il faut le noter, une mention à une variable complexe et en croissante dégradation : le temps de trajet travail-domicile ( qui n'a jamais pu être inclus dans la notion de pénibilité lors de la réforme des retraites ).

En stricte logique ordinale, il eût été plus opportun de procéder à la rédaction du contenu de l'article 13 avant l'énoncé de l'article 12 qui traite de la gestion prévisionnelle des emplois et du plan de formation. Les réserves formulées par la partie employeur sur cet article 12 attestent de la difficulté à voir appliquées ces mesures dans les PME de moins de 300 salariés.

L'article 6 vise à instaurer une véritable innovation qui peut se révéler féconde tant au plan du salarié qu'au plan macro-économique. Cette innovation vise à créer une "période mobilité sécurisée " permettant " de découvrir un emploi dans une autre entreprise ". Cette idée de fluidité du facteur travail de type inter-entreprise peut amener des fertilisations croisées favorables chères aux sociologues et des regards neufs généralement bénéfiques. La réponse patronale demeure techniquement prudente mais ne s'oppose pas au principe ce qui nous semble une avancée économique crédible.

Là où la situation semble plus complexe, c'est au niveau de l'article 10 qui traite du temps partiel. Clairement, il y a divergences de vues par exemple sur la possibilité d'ajouter , par avenant, des " compléments d'heures choisies " ou d'autres points non explicités par le négociateur.

Même type de fort blocage ( à l'article 21 ) autour de la notion de " contrat à durée indéterminée de projet ". D'un côté, le texte veut mettre en avant un nouveau type de CDI, de l'autre le représentant patronal reconnait le besoin mais n'adhère pas aux modalités qui s'apparentent, selon ses propos, à un CDD.

Pour conclure cet examen non limitatif, nous souhaitons vivement attirer l'attention sur une formulation située au sein de l'article 22 intitulé : " Prévalence du fond sur la forme " qui indique que les signataires demandent que soit inscrit dans le code du travail la règle selon laquelle " sans préjudice des sanctions prévues par la loi applicable, une irrégularité de forme ou de procédure ne peut faire obstacle à la validité ou à la justification de l'acte ou de la mesure en cause".  Par conviction, l'ancien inspecteur du travail Gérard Filoche ne donnerait pas quitus à cette formule. De même l'ancien éminent Professeur Jean-Jacques Dupeyroux. Et probablement pas davantage, le Président Alain Lacabarats ( Chambre sociale de la Cour de cassation ).

Si cette modification majeure est introduite dans notre droit, chacun comprend qu'elle modifierait le cours de nombreuses instances relevant du droit pénal. Chacun sait que des avocats minutieux parviennent à obtenir la libération d'un prévenu sur une faute de procédure.

Concevoir un droit social acceptant l'irrégularité de forme ou de procédure comme un événement négligeable relève, selon notre analyse, d'un obstacle dirimant à une bonne Justice.

C'est bien davantage sur les délais de jugement ( légaux et réels ) et sur la formation de certains magistrats au monde de l'entreprise qu'il faut agir avant d'ouvrir la boîte de Pandore de la " prévalence du fond sur la forme ".

Pour celles et ceux qui ont en mémoire l'histoire de notre droit social, il est loisible d'imaginer la réaction certainement outragée du Doyen Philippe Waquet ( Cour de cassation ) face à une telle conception des rapports juridiques dans l'entreprise.

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