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Courses de Noël : mesurons-nous vraiment l'ampleur du gaspillage alimentaire ?
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A l’heure où le pouvoir d’achat des Français est en berne, Guillaume Garot, le ministre délégué chargé de l’Agroalimentaire, veut les inciter à faire des économies en réduisant le gaspillage alimentaire. Une œuvre de longue haleine puisqu’il veut le réduire de moitié d’ici 2025.

Guillaume Garot

Guillaume Garot

Guillaume Garot est ministre délégué à l'Agroalimentaire dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Membre du Parti socialiste, il fut de 2008 à 2012 député-maire de Laval et président de la communauté d'agglomération de Laval.

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Atlantico : Pourquoi une telle campagne sur le gaspillage alimentaire ? Comment est-elle organisée ?

Guillaume Garot : Je ne suis pas dans une démarche moralisatrice. La lutte contre le gaspillage, c’est tout d’abord un constat : chaque année, un Français jette entre 20 et 30 kg de nourriture, fraiche ou sous emballage, ce qui équivaut  à une somme d’environ  400 euros. C’est moins que dans certains pays (aux Etats-Unis,  pour le seul jour de Thanksgiving, on a évalué à 282 millions de dollars les restes de dinde jetés le lendemain de la fête, soit un tiers de la viande achetée pour cette occasion, ndlr).

La lutte contre le gaspillage, c’est une  méthode qui part du terrain. Je l’ai engagée au mois d’octobre au moment du Salon International de l’Agroalimentaire (SIAL). Avec un comité de pilotage, nous préparons ensemble le Pacte National contre le gaspillage alimentaire qui sera signé en juin prochain. Entre le moment du lancement et aujourd’hui, le nombre d’acteurs a déjà doublé. On voit même les deux géants mondiaux concurrents Danone et Nestlé dans  le même atelier de réflexion.

Concrètement, nous avons lancé six opérations pilotes avec l’ensemble de la chaine alimentaire, "de l’étable à la table", c'est-à-dire du producteur jusqu’au consommateur, en passant par les transformateurs, la grande distribution, les associations, la restauration collective. Chacun de nous a la capacité en tant que citoyen, comme consommateur responsable, d’agir avec efficacité, à maitriser une part du destin collectif. C’est une façon concrète de lutter contre la société de surconsommation. C’est pourquoi la lutte contre le gaspillage comporte aussi un enjeu éthique.

Mais la lutte contre le gaspillage est une politique au long cours. Elle doit dépasser les clivages politiques. L’ancien ministre de l’Agriculture Bruno Le Maire m’a d’ailleurs apporté son soutien. Si on veut réduire le gaspillage de moitié en 2025, on doit fédérer. Ce qui est important, c’est qu’il y ait une mobilisation collective ; ça ne fonctionnera que si la mobilisation est partout dans la société, si sur le terrain chacun s’engage.

Le ministère a créé un site, le gaspillage alimentaire.fr, avec quelques visuels, et ça marche : j’ai été surpris de voir la dynamique que nous avons enclenchée. Nous essayerons de nous inspirer des bonnes pratiques en cours chez nos voisins en Italie, en Allemagne et en Grande-Bretagne. Cette dernière a inventé des campagnes un peu décalées, très ludiques contre le gaspillage alimentaire.  

En quoi consistent ces opérations pilotes ?

La dernière en date c’est l’opération Monoprix : l’enseigne va organiser des promotions différées et on pourra acheter trois pour le prix de deux mais récupérer le troisième lot plus tard. La fondation Monoprix finance par ailleurs des camions réfrigérés pour le transport.

A Tours, grâce à une camionnette mise à disposition, on organise avec les producteurs "Légumes de France" une collecte de denrées directement chez l’habitant. C’est d’ailleurs une conseillère régionale d’opposition qui est en pointe dans cette opération de ramassage.

Ces opérations vont être évaluées mois après mois. On verra ce qui marche bien et moins bien. Mais ce sont les comportements qui doivent évoluer. Par exemple, dans la restauration collective, comment faire en sorte quand on est face à des enfants que des assiettes à moitié pleines ne repartent pas sur les plateaux ? On doit travailler sur la taille de la portion en l’adaptant aux besoins nutritionnels. Un gamin de sixième ne mange pas comme un gamin de troisième. On constate aussi que, que lorsqu’il y a un investissement dans la qualité – avec les circuits courts notamment –cela permet de réduire le gaspillage.

Sur le plan individuel, il fautévoluer dans les comportements d’achats, mieux gérer son frigo en apprenant à acheter moins de yaourts par exemple, pour être sûr de ne pas devoir en jeter après la date limite de consommation, et peut-être évoluer vers des achats en vrac pour les produits secs.

Pourquoi ne pas mettre deux dates sur les produit frais : "consommer de préférence avant…", et la date limite de consommation, comme cela se fait en Suisse ?

Toutes ces questions sont sur la table. Cependant j’ai une ligne jaune, c’est la sécurité sanitaire.Pas question de baisser la garde là dessus. S’il faut des modifications législatives, nous regarderons, mais  cette exigence est fondamentale ! C’est le lien de confiance entre les citoyens et leur alimentation, entre les consommateurs et leur assiette. Il ne faut pas confondre la "date limite de consommation" et la "date limite d’utilisation optimale" (DLUO). Pour des gâteaux secs par exemple, le dépassement de la DLUO ne signifie pas que le produit n’est plus consommable, il peut avoir perdu certaines qualités, son croustillant par exemple, mais il reste parfaitement bon, sain  pour la santé, et ça on ne le sait pas forcément. Je dis oui à une meilleure information.

Ne risque-t-on pas de créer des circuits alimentaires parallèles ?

Pas du tout. C’est au contraire une démarche très respectueuse pour l’alimentation. Quand on prend conscience qu’il ne faut pas jeter, c’est une marque de respect pour les producteurs. La lutte contre le gaspillage a des ressorts profonds, c’est une reconnaissance de la valeur du travail.

Rencontrez-vous des blocages ?

Les blocages sont d’ordre technique et logistique. Une chose est de dire "plutôt que de jeter, je préfère donner", encore faut-il pouvoir savoir comment.

C’est là que se pose la question du ramassage des denrées, n’est-ce pas ?

Oui, bien sûr. Cela vaut pour nous-même, mais aussi pour des producteurs qui ont des invendus. Pour cela, il faut des circuits logistiques, donc il faut du transport, et beaucoup de pédagogie. On ne réussira cette bataille que si elle comporte une dimension éducative.

Propos recueillis par Anita Hausser 

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