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Mariage homosexuel : un plan de com' en or pour les religions ?
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Avis aux fidèles

Si à court terme, l'opposition au projet de loi sur le mariage homosexuel permettra aux organisations religieuses de fidéliser leur base, elle pourrait, à long terme se révéler contre-productive.

Raphaël Liogier

Raphaël Liogier

Raphaël Liogier est sociologue et philosophe. Il est professeur des universités à l'Institut d'Études Politiques d'Aix-en-Provence et dirige l'Observatoire du religieux. Il a notamment publié : Le Mythe de l'islamisation, essai sur une obsession collective (Le Seuil, 2012) ; Souci de soi, conscience du monde. Vers une religion globale ? (Armand Colin, 2012) ; Une laïcité « légitime » : la France et ses religions d'État (Entrelacs, 2006).

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Atlantico : Les principales organisations religieuses françaises se sont prononcées contre le mariage homosexuel. Le cardinal-archevêque de Paris, Mgr André Vingt-Trois, Mohamed Moussaoui du Conseil Français du Culte Musulman et Gilles Bernheim, le Grand rabbin de France s’opposent clairement au projet de loi du gouvernement. Le débat autour du mariage homosexuel peut-il constituer une opération de communication bénéfique pour les religions en France ?

Raphaël Liogier : Il faut différencier les conséquences à court terme et à long terme. A court terme, cela peut effectivement être bénéfique pour les organisations religieuses. Il y a une base de fidèles qui est en situation de difficulté identitaire et qui recherche une certaine cohérence traditionnelle. En faisant ce type de déclarations, les instances religieuses fidélisent cette base-là.

En revanche, à moyen et long terme, il se trouve que dans l’ensemble de ces religions, il y a un débat, une dynamique, favorable à l’adoption du mariage homosexuel. Au sein même de l’islam, qui est réputé avoir plus de difficultés avec la modernité et la sécularisation,  il existe des mouvements favorables au « mariage pour tous ». Je pense notamment à l’association HM2F qui participe à cette dynamique de modernisation. Il existe également des prédicateurs, des imams respectés comme Tareq Oubrou à la mosquée de Bordeaux, qui défendent la compatibilité entre le fait d’être un musulman cohérent et de vivre pleinement son homosexualité. Au sein du catholicisme, cette dynamique existe aussi. Elle existe encore plus au sein du judaïsme et du protestantisme.

Le fait de rassurer une base, de se ré-enraciner dans une dogmatique traditionnelle, sera peut-être bénéfique à court terme. Mais avec le temps, dans une société qui continue toujours à se séculariser, les instances religieuses françaises se retrouveront face à un problème et ne pourront pas éviter un dialogue interne plus poussé sur ce sujet.

Plus que de fidéliser leur base, les organisations religieuses peuvent-elles en profiter pour attirer de nouveaux fidèles ?

Comme tout le monde, les instances religieuses essayent de trouver des fenêtres d’opportunité. Mais je ne crois pas que, sur le fond, ces prises de position relève d’une simple opération de communication. Il existe aujourd’hui un impératif pour les religions : rassurer la base sur la cohérence traditionnelle religieuse. C’est un impératif théologique, les représentants des grandes religions traditionnelles essayent d’être le plus cohérent possible du point de vue de leur propre tradition religieuse. C’est leur rôle, ils ne peuvent pas faire autrement, mais ils seront bientôt rattrapés par la dynamique interne. Par l’impact des croyants, la théologie elle-même devra donc se transformer.

Pour l’instant, je pense que c’est le protestantisme qui est avance dans ce domaine-là. Une certaine forme du protestantisme bien-sûr, pas le protestantisme néo-évangélique conservateur… Au sein même de l’Eglise catholique aussi il existe des mouvements comme cela. En apparence, il semble que l’islam soit plus en retard car les traditionalistes occupent davantage le devant de la scène. Au-delà de ce paravent, l’islam n’est pas si en retard que cela du point de vue de sa base et des débats qui ont lieu en ce moment. Il est vrai qu’il y a du machisme dans l’islam, il est vrai qu’il existe un rejet de l’homosexuel mais cette dynamique progressiste et séculaire existe et elle prend de plus en plus de place.

De manière générale, comme s’organise la communication des groupes religieux ? Existe-t-il des différences claires entre ces derniers ?

Il est clair que le groupe religieux le mieux organisé et structuré à ce niveau est l’Eglise catholique. Le Pape a de nombreux conseillers en communication, c’est bien normal. Ce n’est pas horrible, c’est en grande partie pour être sûr de ne pas faire d’impair, pour ne pas dire des choses qui seraient mal interprétées. Aujourd’hui le monde de la communication est tellement complexe que c’est tout à fait nécessaire. Cependant, au niveau des évêques, il doit y avoir, au sommet de la hiérarchie, des conseillers en communication mais je doute que chaque évêques dispose chacun d’un spécialiste du genre.

En ce qui concerne les musulmans, la question de l’islam est devenue tellement sensible que les leaders et personnalités qui comptent dans l’islam ont du mal à savoir quoi dire et comment le dire. A l’évidence, il y a une sorte d’atmosphère paranoïde vis-à-vis de l’islam et ils pensent que tout ce qu’ils disent peut être mal interprété. Ils ont du mal à gérer l’image déplorable de l’islam qui a pu être véhiculée par l’affaire Merah par exemple.

La seconde difficulté de  l’islam réside dans le fait que, par excellence, l’islam est une religion où il n’existe pas de leader unique structuré comme dans l’Eglise catholique. Il peut y avoir une multitude de voix discordantes, tout le monde y va de son avis. L’inconvénient ici est que les médias vont généralement se saisir du pire avis, le plus traditionaliste.

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