Un élève de l'ENA coûte 11 fois plus cher qu'un étudiant d'Assas, mais le vaut-il vraiment ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Selon Challenges, un énarque coûte en moyenne 83 300 euros annuels à l'Etat.
Selon Challenges, un énarque coûte en moyenne 83 300 euros annuels à l'Etat.
©Reuters

Comptes publics

Selon Challenges, un élève de l'Ecole nationale d'administration (ENA) coûte en moyenne 83 300 euros par an à l'Etat, contre 6 572 euros pour un étudiant d'Assas.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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À lire les commentaires réguliers des lecteurs d’Atlantico sur l’ENA, l’énarchie serait l’une des principaux maux de ce pays. Il y a fort à parier, d’ailleurs, pour que l’élection d’un président de la République issu de cette école (et de HEC, rappelons-le) ne contribue pas immédiatement à en redorer le blason de plus en plus craquelé et vieilli.

Le site de Challenges a publié il y a quinze jours un article amusant sur le coût exact de formation d’un énarque. Car il ne suffit pas de déplorer les résultats produits par cette école : en connaître le coût peut réserver de jolies surprises.

Si l’on se souvient que le coût moyen d’un étudiant à l’université est d’environ 7 000 euros annuels, une petite comparaison permet assez vite de mesurer le malheur du contribuable français énarchophobe moyen.

Selon Challenges, un énarque coûte en moyenne 83 300 euros annuels à l’Etat, soit 11 fois plus que l’universitaire habituel. Ce chiffre, qui s’explique essentiellement par la masse salariale de l’École, laisse évidemment songeur.

Pour être totalement franc, je trouve ce chiffre un peu gênant, car la journaliste qui signe l’article n’explique pas sa méthode de calcul. Elle semble distinguer le coût direct d’un élève, largement lié au salaire qui lui est versé, et le coût global de l’école, qui est bien plus élevé parce qu’il intègre des coûts autres que la formation des énarques eux-mêmes.

Cette distinction est dommageable, car, selon les chiffres figurant dans le rapport d’activité de l’ENA, l’école compte tout de même 215 fonctionnaires employés par l’Ecole pour 80 élèves français en formation initiale, 29 étrangers, et 211 stagiaires en formation continue (à qui l’école assure une moyenne de 35 jours de formation). Autrement dit, l’ENA compte en gros un fonctionnaire à temps plein pour 1,5 élèves formés, en comptant très large. Un record ! Qui ne tient d’ailleurs pas compte des charters d’enseignants qui font le voyage Paris-Strasbourg spécialement pour une ou deux heures de cours, aux frais du contribuable.

Une étude de 2009 publiée par l’IFRAP soutenait que le coût moyen d’un élève de l’ENA s’approchait plus des 130 000 euros. Là encore, le chiffre surprend un peu, car il situerait, grosso modo, le coût global de la formation annuelle des élèves à environ 13 millions d’euros. Selon la méthode que l’on choisit, étant donné que la formation des élèves dure deux ans, on pourrait même imaginer, en appliquant les chiffres de l’IFRAP, que le coût global des énarques soit de 26 millions d’euros, donc 13 millions par an pour chaque promotion.

Là encore, je n’ignore pas tous les petits à-côtés de l’Ecole : des séminaires internationaux, des flonflons dans tous les sens, qui occupent les fonctionnaires en sureffectifs affectés dans les locaux. Tout cela coûte de l’argent.

Il n’en reste pas moins que l’ENA affiche un budget global de 40 millions d’euros, dont 36 proviennent de subventions de l’Etat.

En regardant les chiffres et les statuts de près, on ne manque pas de constater que, durant la formation, seuls les élèves français sont salariés. Les élèves du cycle international suivent la scolarité à leurs frais, au moins pour tout ce qui touche à leur subsistance. Les inclure dans un calcul de coût relève donc de l’hypocrisie.

Si l’on fait une règle de trois un peu bête, mais efficace, et plutôt favorable aux énarques, on calcule alors que l’ENA forme en même temps deux promotions, soit 160 élèves par an. De plus, elle forme environ 200 stagiaires pendant 35 jours. Là encore, en comptant qu’une année pleine compte 210 jours, il faut ajouter arithmétiquement 35 équivalents temps pleins dans les effectifs des élèves formés et payés pour cela.

Nous arrivons donc à un total de 200 élèves stagiaires par an qui pèsent sur le budget.

La subvention de l’Etat à l’ENA s’élevant à 36 millions d’euros annuels, le compte moyen de l’élève approche donc les 180 000 euros annuels pour le contribuable. Soit 25 fois plus cher qu’un étudiant à l’université. Beaucoup plus cher qu’une année payée dans une université américaine.

Mais, il faut l’avouer, lorsqu’Edith Cresson décida d’installer l’ENA à Strasbourg, elle n’avait pas anticipé, peut-on penser, le surcoût d’une double installation (l’ENA conserve des locaux dans un quartier très prestigieux à Paris), et le gouffre financier que constituent les frais de déplacement pour les personnels enseignants qui viennent parfois chaque semaine de Paris pour dispenser des leçons de deux heures.

Les Français peuvent toutefois assez légitimement s’interroger sur la rentabilité de leur investissement dans cette école. En deux ans de scolarité, un énarque moyen bénéficie d’une subvention de 360 000 euros, soit dix-huit ans de salaire moyen dans la fonction publique. Autrement dit, le coût de formation d’un élève de cette école équivaut à la moitié de la carrière d’un fonctionnaire lambda.

L’investissement paraîtra déraisonnable à tous ceux qui mesurent au montant de leur imposition de septembre le désastre qui frappe nos finances publiques. La haute fonction publique coûte décidément cher, pour une performance très discutable une fois qu’elle est sortie de formation. Difficile, en effet, d’imaginer qu’elle ne porte pas une responsabilité directe dans la dégradation constante des comptes publics.

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