Pourquoi les 3 millions de chômeurs d'aujourd'hui ne sont pas les mêmes qu'hier<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
La barre des 3 millions de demandeurs d'emploi est désormais dépassée, a déclaré le ministre du Travail Michel Sapin ce dimanche.
La barre des 3 millions de demandeurs d'emploi est désormais dépassée, a déclaré le ministre du Travail Michel Sapin ce dimanche.
©

3 millions !

La barre symbolique des trois millions de chômeurs a été franchie cette semaine. Une évolution préoccupante qui touche davantage les "plus de 50 ans" et les femmes.

Yannick L’Horty

Yannick L’Horty

Yannick L’Horty est Professeur à l’Université Paris-Est, directeur de la fédération de recherche « Travail, Emploi et Politiques Publiques » du CNRS.

Il est spécialiste du marché du travail et de l’évaluation des politiques publiques dans le domaine de l’insertion et de l’emploi.

Dernier ouvrage paru : Les nouvelles politiques de l’emploi, Collection Repères, la découverte.

Voir la bio »

On assiste à une montée irrésistible du chômage depuis la mi-2008. Les progrès qui avaient été réalisés sur le marché du travail à la fin des années 1990 et dans les années 2000 ont été annulés par la crise. Quelle que soit la statistique que l’on considère, on se situe désormais à un maximum historique. Dans la catégorie A , la plus commentée, on  dénombre plus de 3 millions de demandeurs d’emploi. Si l’on ajoute les personnes qui exercent une activité réduite, avec les catégories B et C, on dépasse 4,5 millions, et si l’on tient compte aussi de ceux qui ne recherchent pas activement un emploi, parce qu’ils suivent une formation ou un contrat court, on dépasse les 5 millions de demandeurs d’emploi inscrits à pôle Emploi. Le taux de chômage au sens du BIT, calculé par l’INSEE, dépasse quant à lui les 10 % mais il n’est connu qu’avec retard et n’a pas fini d’enregistrer la dégradation continue du marché du travail. Depuis 4 ans, tous ces indicateurs se détériorent de façon continue, et l’on n’aperçoit pas la fin du tunnel.

Cette évolution est d’autant plus préoccupante parce qu’elle est massive et générale. Toutes les régions de France et tous les départements sont concernés.  Aucune localisation n’est abritée, même si des contrastes peuvent être notés entre les aires tertiaires et celles qui ont un tissu plus industriel, où la dégradation est amplifiée. La hausse du chômage va de pair avec un allongement de sa durée, qui a retrouvé les niveaux élevés atteint au tout début des années 2000.

Pour autant, des changements sont en œuvre dans la composition du chômage. Les plus impressionnants ne concernent pas la part des jeunes. Elle a un peu augmenté au tout début de la crise parce que les moins de 25 ans sont traditionnellement les plus sensibles aux fluctuations qui affectent les contrats à durée déterminée et l’interim, qui sont les plus réactifs aux inflexions de conjoncture. Mais la part des jeunes a diminué par la suite au fur et à mesure que la durée du chômage s’est allongée, car les jeunes sont moins concernés par le chômage de longue durée. Globalement, la part des jeunes est donc restée stable, autour de 16 % de l’ensemble des demandeurs d’emploi.

C’est la part des séniors qui a le plus évolué. Les plus de 50 ans représentaient moins de 15 % des demandeurs d’emploi de catégorie A il y a 15 ans. Ils sont 22 % aujourd’hui.La part des demandeurs d’emploi de plus de 50 ans a ainsi augmenté de plus de 50 % en 15 ans. Cette hausse est spectaculaire et sans commune mesure avec le vieillissement de l’ensemble de la population active qui se ralentit depuis 2005 avec l’entrée en retraite des classes d’âge nombreuses issues du baby boom. D’ailleurs, la hausse a eu lieu pour l’essentiel depuis le début de la crise, entre fin 2008 et 2012. Il s’agit là d’un mouvement qui va sans doute être très persistant. En cas de reprise de l’activité, la part des plus de 50 ans devrait continuer à augmenter, au moins dans un premier temps. 

Un autre changement impressionnant concerne la part des femmes parmi l’ensemble des demandeurs d’emploi. Les femmes sont plus exposées au chômage que les hommes et même si leur taux d’activité est globalement plus faible, elles sont majoritaires parmi les demandeurs d’emploi. Mais ce n’est plus le cas depuis le début de la crise, du moins pour les demandeurs les plus éloignés de l’emploi, ceux de catégorie A. Les femmes restent plus exposées au chômage que les hommes si l’on observe les taux de chômage, mais la différence ne suffit pas à compenser le différentiel de taux d’activité, et elles sont désormais majoritaires parmi les demandeurs d’emploi de catégorie A. La part des femmes y est passée sous les 50 % à partir d’octobre 2008. Elle n’a pas cessé de diminué jusqu’en mars 2010 pour atteindre moins de 47 %, et elle suit des mouvements irréguliers depuis en se maintenant continuellement sous les 50 %. Elle est de 48 % aujourd’hui. Pour l’ensemble des demandeurs d’emplois, la part des femmes a également beaucoup baissé mais elle reste supérieure à 50 %, les femmes étant plus fréquemment en activité réduite que les hommes. La dégradation est donc globalement moins prononcée pour les femmes ce qui renvoie à leur présence plus marquée dans les métiers de services qui ont été un peu moins affectés par la crise. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !