Bruno Le Maire : "Le budget 2012 n’atteindra pas ses objectifs car il n’a pas de vision d'avenir pour la France"<!-- --> | Atlantico.fr
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Bruno Le Maire : "La remise en cause de la politique du gouvernement précédent ne peut pas tenir lieu de politique pour le gouvernement actuel."
Bruno Le Maire : "La remise en cause de la politique du gouvernement précédent ne peut pas tenir lieu de politique pour le gouvernement actuel."
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L'important ce n'est pas la chute

Dernier jour de session extraordinaire au Parlement ce mardi. Le projet de loi rectificative 2012 sera adopté cet après-midi. Il revient sur de nombreuses mesures votées sous la présidence Sarkozy, mais quid du projet socialiste ? Interview de l'ancien ministre de l'Agriculture.

Bruno Le Maire

Bruno Le Maire

Bruno Le Maire est député LR de l'Eure, et candidat à la primaire de la droite et du centre.

Il a été successivement directeur de cabinet de Dominique de Villepin, secrétaire d'État aux Affaires européennes et ministre de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Pêche.

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Atlantico : Vous avez qualifié le projet de loi de finances rectificative 2012 de simple « détricotage ». Pourtant, François Hollande avait annoncé qu’il mettrait fin aux mesures emblématiques du mandat Sarkozy : fin de la TVA sociale, défiscalisation des heures supplémentaires ou encore augmentation des droits de succession. Ce "détricotage" n'est-il pas pas justement une condition sine qua non à la mise en œuvre du projet de M. Hollande ?

Bruno Le Maire : Je crois tout simplement que la remise en cause de la politique du gouvernement précédent ne peut pas tenir lieu de politique pour le gouvernement actuel. Or c’est exactement ce qui se passe aujourd’hui. François Hollande et le gouvernement de Jean-Marc Ayrault ont détricoté, méthodiquement, toutes les mesures qui ont été prises par François Fillon pour faire face à la crise et protéger les Français. Il l’ont fait sur la TVA anti-délocalisation, qu’ils ont supprimée bien qu’elle permettait de taxer les importations et d’alléger le coût du travail ; ils l’ont fait sur les droits de succession, en abaissant de 150 000 à 100 000 euros le seuil de transmission de patrimoine hors de droits ; il l’ont fait sur les heures supplémentaires en supprimant l’exonération fiscale sur les heures supplémentaires.

Tout cela est injuste. Les catégories populaires seront touchées, tout comme ceux qui avaient décidé de travailler davantage pour améliorer leurs revenus. Qui plus est, cela va à l’encontre des intérêts économiques de la France. Je pense en particulier à ce qui a été décidé sur la TVA anti-délocalisation, qui permettait d’alléger les charges sur le coût du travail et donc de soutenir les entreprises française, les PME et en particulier le secteur industriel. Donc oui, à mon sens, c’est un collectif budgétaire qui n’a pas d’autre vision que de défaire ce qui avait été fait par le gouvernement précédent. Ce n’est pas à la hauteur des enjeux ni de la gravité de la situation économique actuelle.

L'un des écueils qu'on reproche souvent à la gauche est d'être trop dépensière. Pourtant on assiste à un "tour de vis" fiscal. Ne doit-on pas s’en réjouir dans la situation de crise actuelle ?

C’est surtout un tour de vis fiscal pour les contribuables, y compris les plus modestes. En 2012, 23 milliards d’euros d’imposition supplémentaire toucheront les ménages et entreprises. Pour 2013, c'est 26 milliards d’euros d’imposition supplémentaire, qui sont déjà prévus par les documents d’orientation budgétaire. Ce qui signifie que nous allons encore accroître la pression fiscale dans un pays qui est aujourd’hui le plus imposé en Europe.

On se dirige dans la direction opposée de ce qui serait nécessaire pour le pays. C'est-à-dire alléger la pression fiscale qui pèse sur les ménages français, y compris les plus modestes, et dans le même temps réduire les dépenses publiques, en s’attaquant aux dépenses publiques non seulement de l’Etat, mais aussi des collectivités locales - or celles-ci sont très épargnées par ce collectif budgétaire – et en s’attaquant à la protection sociale, car nous savons qu’il faudra réduire ces dépenses si l’on veut vraiment réduire les dépenses publiques de ce pays.

La voie qu’a choisie le gouvernement socialiste est très claire : cette augmentation des impôts ne suffit pas pour la France. Et c’est même le contraire de ce qu’il faudrait faire.

Selon vous, ce budget n’est donc pas à la hauteur de la crise. Que faudrait-il faire ?

Ce collectif budgétaire ne fait que reprendre les vieilles recettes socialistes : une augmentation massive des impôts pour toutes les catégories de la population française, toutes, y compris les catégories employés et ouvriers, avec le rejet de la défiscalisation des heures supplémentaires.  

Aurait-il fallu se concentrer sur les hauts revenus ?

Pour moi, il aurait fallu se concentrer sur la réduction des dépenses et, s’il y avait des corrections à faire, sur une participation forte des hauts revenus. En s’assurant bien que seuls les hauts revenus allaient réellement contribuer. Ce qui n’est pas le cas.

Ma vision est une vision dans laquelle les catégories les plus populaires, notamment ceux qui font des heures supplémentaires, sont les plus épargnées.

C’est donc un projet à la fois injuste et inefficace. Inefficace parce qu’en ce temps de crise, il s’agit de soutenir les entreprises, les PME, la création d’emplois, le secteur industriel, d’alléger le coût du travail, d’alléger les charges qui pèsent sur les PME. Or c’est l’inverse qui a été décidé.

Ce budget rectificatif n’atteindra pas ses objectifs parce qu’il n’a pas de vision de la France dans les années à venir. La vision que je défends est celle d’un retour à un équilibre de finances publiques, donc de l’inscription de la règle d’or dans la constitution et de la réduction des dépenses publiques mais dans tous les secteurs : Etat, collectivités locales et protection sociale.

Le député Thierry  Mariani parle d’une « chasse aux sorcières », d’une « épuration » pour qualifier ce que vous avez appelé un « détricotage ». L’UMP n’est-elle pas en train de tomber dans les travers qu’elle dénonçait par le passé, dans une opposition systématique et excessive, au moins formellement ?

Ce ne sont pas mes mots. Mais il est important de critiquer avec vigueur ce qui mérite d’être critiqué. Et je pense que cette politique fiscale mérite d’être critiquée parce qu’au bout du compte, ce sont tous les ménages français, sans exception, qui vont être mis lourdement à contribution, au détriment d’une vraie réduction des dépenses publiques.

C’est à nous, opposition, de critiquer de manière juste et pointue, non de manière caricaturale, et de faire des propositions, les deux impératifs étant la réduction de la dépense et le soutien aux entreprises.

Je pense par exemple que malgré la décision qui a été prise sur la CSG, on peut s’attendre à son augmentation dès l’année prochaine. Car je ne vois pas comment le gouvernement pourra boucler le budget, en l’état des choses, avec une croissance et des recettes faibles. Je prends rendez-vous pour 2013.

Propos recueillis par Ania Nussbaum

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