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La France a un incroyable talent : elle peut résister à la crise, mais à quel prix
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Atlantico Business

L’économie française ne s’effondrera pas, mais le redressement nous coûtera beaucoup plus cher qu’aux autres pays membres de l’Union européenne, pour des raisons qui ne tiennent pas à la crise sanitaire.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Bercy a commencé à faire ses calculs.  La deuxième vague de l’épidémie et les mesures de confinement qu’on a été obligé de prendre viennent évidemment bouleverser les prévisions prudentes qui avaient été faites lors de la préparation de la loi de finances.

Bruno le Maire, le ministre de l’économie, avait raison. La France avait de quoi se payer un plan de soutien massif en mars (450 milliards d’euros) et un plan de relance concocté avec les Européens pour amorcer la reprise en 2021 (100 milliards d’investissements). Il avait raison de rester confiant dans la capacité de redressement, parce que la crise sanitaire mondiale, contrairement aux autres crises internationales ou même aux guerres, n’avait détruit aucun actif de production, pas même la plupart des contrats de travail. Il avait raison parce que notre capacité d’emprunt restait importante à un prix dérisoire.

Les statistiques Insee du 3e trimestre lui ont donné raison puisque le rebond de croissance en France a dépassé les 18% entre juillet et fin septembre. Ces chiffres ont apporté la preuve que l’économie française, une fois libérée de l’angoisse du covid, pouvait repartir très vite. Sa résilience était intacte et les mesures gouvernementales l’avaient protégée. Avant cette deuxième vague, on savait que le covid allait nous couter 248 milliards d’euros, dont 100 milliards en pertes de recettes fiscales et 86 milliards en mesures d’urgence sanitaire et sociale, ce qui représentait soit 11,3 % du PIB.

Les analystes sérieux ont toujours pensé que c’était gérable à partir du moment où la croissance serait revenue et au 3e trimestre de l’année, le rebond vigoureux a permis de rattraper une grande partie des pertes de recettes fiscales creusées pendant le premier confinement.

Maintenant, cette deuxième vague d’épidémie et ce deuxième confinement bouchent à nouveau l’horizon et on estime à Bercy que ça sera beaucoup plus long et difficile à redresser, même si la mécanique de résilience peut fonctionner de la même façon au printemps prochain. Plus long et plus difficile pour trois raisons :

1ère raison : il faut, et ça a déjà été annoncé, prolonger le dispositif d’aide d’urgence sanitaire et sociale ; entre le coût additionnel des dépenses de santé, le chômage partiel et les aides personnels aux petites entreprises en difficultés, il faudra compter plus de 15 milliards d’euros par mois. 

2e raison, il va falloir, au-delà de ce plan de soutien, regonfler le plan de relance pour 2021, ce que l’Allemagne a déjà annoncé. La France n’y échappera pas. Ce n’est pas 100 milliards sur deux ans qu’il faudra prévoir, mais 100 milliards par an sur deux ans.

3e raison, normalement, ces mesures, comme la première fois, devraient éviter un effondrement de l’économie, notamment parce que Bruno Le Maire paraît bien décidé à protéger au maximum le maintien de l’activité. On va donc tout faire pour fabriquer du PIB alors qu’on avait tout arrêté en mars dernier.

Cela dit, le rebond va être plus compliqué parce que la France a beaucoup de faiblesses structurelles qui datent d’avant le covid 19. 

D’abord, nous avons très peu de marge de manœuvre. Alors que l’Allemagne a un endettement qui ne dépasse pas les 60 % de son PIB et que cet endettement sert à financer de l’investissement, le nôtre touche désormais les 120 % du PIB et sert à payer des frais généraux.

Ensuite, notre capacité de financement existe mais elle repose essentiellement sur notre crédit à l’étranger (assez entamé) et notre épargne, certes considérable mais ... liquide, c’est à dire qu’elle peut s’en aller très vite. La France a peu de possibilités pour lever des impôts nouveaux. Même chez les riches, contrairement aux recettes miracles de la France Insoumise. Les riches sont riches mais ils investissent et si on les en empêche, ils s’en vont. 

Enfin, notre modèle macroéconomique est absolument archaïque, rigide et impossible à réformer. Nos dépenses publiques ( 60 % du PIB ) sont à 80% des dépenses de salaires, de rémunérations ou de prestations sociales. Bref, l’équilibre social du pays ne tient que parce qu‘il y a ces dépenses collectives. Si les prestations en retour étaient de qualité, ça pourrait marcher mais ça n’est pas le cas. On croyait avoir le système de santé le plus performant du monde, on sait que ça n’est pas vrai. En revanche, il reste le plus cher.

On croyait avoir le système éducatif le plus égalitaire, progressiste et performant du monde, on sait bien que ça n’est plus vrai. Le système n’est pas capable de protéger les valeurs de la république. Mais il reste le plus cher du monde. 

Il faut savoir que 80 % des salariés de l’industrie financière de New York sont titulaires de la carte verte et que le tiers est d’origine française. C’est presque la même situation à Londres et dans une proportion moindre en Californie dans l’industrie du digital.

Que les choses soient claires : le covid 19 est une catastrophe mais ça n’est pas le covid qui a démoli l’industrie française. Air France, Renault par exemple étaient malades bien avant.

Ça n’est pas le covid 19 qui a sinistré le système de santé et l’éducation nationale, ça n’est pas le covid 19 qui a rendu notre administration obèse et incapable de gérer des situations complexes.

Tout le monde est coupable. Les gouvernements, mais pas qu’eux. Les syndicats, mais pas qu’eux ... etc. Tout le monde est coupable et ça ne servirait à rien de les désigner et les clouer au pilori.

Le covid 19 a au moins une utilité, il a révélé la réalité du mal français. Mais, ce mal existe depuis si longtemps qu’on en vient à penser qu’il est enraciné dans l’ADN français. Depuis Alain Peyrefitte  ( c’était en 1976 ... il y a 45 ans ), depuis François de Closets, qui en 1984 nous fait une piqure de rappel avec son indémodable Toujours plus, chez Grasset, nous avons eu chaque année une revaccination contre ce mal qui diffuse le masochisme dans toutes les strates de la société et qui la mine. La France a un quand même un incroyable talent : celui de n’avoir jamais su se réformer.

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